Dans « Simone, le voyage du siècle », cette scène dit beaucoup de la « double peine » des déportés

CINÉMA - La scène ne dure qu’une minute sur les 2h20 du film, mais elle est saisissante. Nous sommes en 1975 et Simone Veil, alors ministre de la Santé, est invitée à « poser la première pierre » d’un hôpital pour enfants en région parisienne. C’est la première fois qu’elle évoquera en public son passage en déportation et brisera « plusieurs décades de silence ».

« Vous avez déjà une certaine technique », relève un officiel alors que Simone Veil s’empare d’une truelle et lisse le ciment. « Oui j’ai déjà fait ça, j’ai fait ça en déportation. Je fais ça très bien. Ça a été mon métier dans les camps », répond alors la ministre, le regard planté dans les caméras qui la suivent. S’ensuit un silence de plomb.

Lorsqu’Olivier Dahan, réalisateur du biopic Simone, le voyage du siècle au cinéma ce mercredi 12 octobre, a découvert les images d’archives de cette séquence bien réelle, il n’a fait aucun doute qu’il fallait qu’elle soit dans son film. Parce qu’elle illustre très bien « la maltraitance morale subie par les déportés à leur retour des camps », explique-t-il dans une interview vidéo au HuffPost à voir en tête de cet article.

« Malgré la collaboration, une fois les déportés revenus, on leur demandait encore de se taire. Pour ne pas gêner », poursuit le cinéaste. « Le mot d’ordre politique était de ne pas en parler. La parole était fermée à tous ces gens qui avaient été, en plus, mal reçus à leur arrivée à l’hôtel Lutetia. C’est une double peine, qui a insupportée Simone Veil jusqu’au point d’en parler 30 ans plus tard. Et de participer à briser ce tabou en quelque sorte ».

Un tournage « très émouvant » pour Elsa Zylberstein

Elsa Zylberstein, qui incarne Simone Veil à l’écran sur une grande partie de sa vie, se souvient avec émotion du tournage de cette scène qu’elle avoue avoir regardé « peut-être 200 fois » pour trouver le ton et le geste justes. « C’était un tournage très émouvant. Je voulais rentrer dans chaque mot, dans chaque respiration, dans chaque intonation », évoque la comédienne.

Car comme pour d’autres scènes du film - notamment son discours devant l’Assemblée nationale le 26 novembre 1974 pour introduire le projet de loi sur l’IVG et les attaques violentes qui suivent - le cinéaste a tenu à reproduire dans cette fiction le verbatim exact de ces moments historiques. « Il fallait mettre les vrais textes pour être en phase et en action simultané avec ce qui doit être dit dans le film. C’est cela qui rend la chose politique », assure-t-il.

Outre la tragédie de la déportation, Simone le voyage du siècle retrace aussi - sur une chronologie parfois un peu complexe à suivre - les innombrables combats de Simone Veil, des droits des femmes à ceux des détenus dans les prisons françaises et algériennes, sa lutte contre le sida et sa fervente défense d’une construction européenne. Le tout avec la patte épique d’Olivier Dahan, à qui l’on doit déjà La Môme sur Édith Piaf et Grace de Monaco.

« L’idée c’était de retracer le parcours et d’incarner cette femme hors du commun, exemplaire et qui est un exemple de résilience, qui se dit qu’il n’y a pas de fatalité et décide de choisir la vie, la lumière. Mais forte de son expérience, de ses combats et ce qu’elle avait vécu, d’avoir commencé sa vie avec l’horreur et l’ignominie, a choisi de se battre contre l’injustice et pour la dignité des êtres », résume Elsa Zylberstein.

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