Sexisme, patriarcat et invisibilisation, à l’Assemblée nationale comme ailleurs, ça suffit !

Ségolène Amiot, députée LFI (NUPES) de la 3e circonscription de Loire-Atlantique
Ségolène Amiot, députée LFI (NUPES) de la 3e circonscription de Loire-Atlantique

SEXISME - Combien de tribunes, articles, livres, podcasts, études, rapports, faudra-t-il pour que les comportements et les violences sexistes ne trouvent plus aucun espace pour exister ?

Avec #Metoo et #BalanceTonPorc, la parole s’est libérée ! On parle de viols, d’agressions sexuelles, de féminicides, de harcèlements, de violences physiques et morales, du sexisme
quotidien, d’inégalités… Mais concrètement, où en est-on ?

Les discours et actes sexistes sont partout ! Dans le métro, dans la rue, au travail, dans le couple, à l’école, dans les médias, dans la politique, sur les réseaux sociaux… Et la tendance n’est pas à la diminution. Aujourd’hui le discours majoritaire se limite à entendre les faits et questionner leur véracité. On demande aux femmes de revenir constamment sur leurs histoires, on minimise, on juge (peu dans les tribunaux), on décortique, on remet en question, on doute, on compatit, on salue, on condamne.

Ce traitement de la parole féminine élude totalement l’ensemble du problème et les schémas qui permettent au système patriarcal de perdurer. Cinq ans après le début du mouvement #MeToo, la peur a-t-elle vraiment changé de camp ?

Cinq ans après le début du mouvement #MeToo, la peur a-t-elle vraiment changé de camp ?

Les témoignages et les révélations s’enchaînent sans pour autant déboucher sur de véritables condamnations. Le paradigme de l’impunité des actes, agressions et crimes à caractère sexiste ne s’est toujours pas renversé. Nous sommes loin de disposer encore aujourd’hui d’un système juridique égalitaire et non patriarcal qui protège véritablement les femmes et condamne les hommes coupables de ces faits. Nous sommes coincés dans un système d’impunité généralisée au sein d’une société qui se polarise sur la question du féminisme. Et bien que la parole des femmes se libère et occupe plus d’espace, les idées inverses font de même. Pire encore, le discours sexiste s’accompagne et se galvanise de la montée des idées réactionnaires et conservatrices. Celles-ci s’enracinent et se matérialisent concrètement par un recul des droits des femmes, comme on l’a vu aux États-Unis avec l’annulation du droit à l’IVG au niveau fédéral.

On devrait être arrivé·es aujourd’hui, au stade où on a compris que les propos et violences
sexistes concernent absolument tout le monde, les hommes comme les femmes, de tous les âges et de tous les milieux. Il devrait y avoir consensus autour de l’idée qu’il est nécessaire pour faire évoluer les choses, de questionner la source de ce mal et de ne plus remettre en question la valeur de ce que les femmes portent comme combats. Parce que le combat féministe est nécessaire, point final ! S’attaquer à déconstruire le système patriarcal est une nécessité si l’on veut faire vivre les valeurs d’égalité et de liberté dans notre société. Laisser la place aux femmes de porter leurs combats et de faire entendre leurs voix semble une chose acquise, mais ce n’est pas si évident quand on en est une.

Bien que la parole des femmes se libère et occupe plus d’espace, les idées inverses font de même. Pire encore, le discours sexiste se galvanise de la montée des idées réactionnaires et conservatrices.

La parole des femmes est aujourd’hui entendue mais est-elle vraiment écoutée ? On continue
d’invisibiliser cette parole en ramenant le sujet à leurs corps, leurs voix, leurs vêtements, leurs physiques… leur genre. Une femme qui prend la parole aujourd’hui, artiste, chercheuse, politique, activiste, syndicaliste, streameuse, journaliste, se retrouve automatiquement avec des détracteurs qui les attaquent, parce qu’elles sont femmes.

Celles dans la lumière qui portent un discours – qu’il soit féministe ou non – doivent composer aujourd’hui avec un ensemble de réactions sexistes décorrélées des sujets qu’elles portent et subissent donc : mansplaining, manterrupting, insultes misogynes, menaces, harcèlement, montages photos et vidéos sexualisants et dégradants, appels au meurtre, appels au viol, jusqu’aux attaques physiques. Signaler, déposer des mains courantes et porter plainte, fait désormais simplement partie du travail d’une femme publique. Et certains considèrent que c’est le prix à payer, le revers de la médaille pour avoir le droit de cité. Mais NON !

Les hommes connaissent bien le pouvoir des mots et l’utilisent dans une démarche patriarcale – conscientisée ou non – depuis toujours. Aujourd’hui, cette rhétorique patriarcale est utilisée pour invisibiliser, minimiser, décrédibiliser la parole des femmes. L’éducation viriliste est une plaie pour notre société tout entière. Les hommes ne naissent pas violents et sexistes, toute leur vie la société leur apprend à le devenir. L’éducation n’est pas le seul levier à activer pour sortir de ces schémas. Le numérique, les médias, la culture et l’histoire jouent aussi un rôle majeur dans ce système et contribuent à façonner nos représentations patriarcales individuelles et collectives.

Signaler, déposer des mains courantes et porter plainte, fait désormais simplement partie du travail d’une femme publique. Certains considèrent que c’est le prix à payer, le revers de la médaille pour avoir le droit de cité.

Pour faire bouger cela, les féministes – femmes et hommes – sont déjà à l’œuvre. Mais le refus
systématique d’accorder à la lutte contre les violences sexistes les moyens qu’elle mérite est
révoltant. Nous avons besoin de moyens humains et financiers pour répondre à une urgence
sociale et sécuritaire qui coûte la vie à encore trop de femmes. Et parallèlement, mettre en place un ensemble de dispositifs pour amorcer la déconstruction patriarcale de toutes et tous afin de faire évoluer les comportements dans lesquels nous sommes enfermés : complicité, silenciation, reproduction sociale.

Les femmes sont des êtres humains comme les autres. Nous avons droit au respect. Nous avons le droit fondamental de ne pas être invisibilisées, insultées, sifflées, agressées, violées. Nous avons le droit fondamental de vivre nos vies en sécurité et sur un pied d’égalité avec les
hommes. Aujourd’hui, ce n’est le cas nulle part et ça suffit !

Ce texte est cosigné par une trentaine de députées issues des partis de la NUPES. La liste complète des signataires est accessible ici. Cette tribune n’a malheureusement pas trouvé signataires parmi nos collègues issus des autres groupes politiques.

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