Sexisme: 37% des hommes estiment que le féminisme menace leur place dans la société
La famille, l'école et Internet sont trois "incubateurs" du sexisme qui "perdure", voire s'aggrave notamment chez les jeunes hommes, estime le Haut Conseil à l'Egalité, qui appelle à réguler les stéréotypes sur le web.
À quelques jours de la première Journée nationale contre le sexisme, jeudi, annoncée l'année dernière par le président Emmanuel Macron, l'instance indépendante chargée de conseiller le gouvernement publie ce lundi 22 janvier son rapport annuel, intitulé "s'attaquer aux racines du sexisme".
Neuf femmes sur dix déclarent avoir personnellement subi une situation sexiste, selon une enquête réalisée en novembre 2023 pour le HCE auprès d'un échantillon représentatif de 3.500 personnes de 15 ans et plus. "Le sexisme commence à la maison, continue à l'école et explose en ligne", résume sa présidente, Sylvie Pierre-Brossolette.
70% des femmes estiment ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères dans la vie de famille et 38% ont vécu une inégalité de traitement à l'école.
Des jeunes pas forcément moins sexistes
Les jeunes sont parfois plus sexistes que leurs aînés. Ainsi 28% des hommes de 25-34 ans pensent que "les hommes sont davantage faits pour être patrons", bien plus que les hommes d'autres classes d'âge (9% des 50-64 ans), et plus d'un homme de 25-34 ans sur cinq considère normal d'avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste égal.
59% des 25-34 ans pensent qu'il n'est "plus possible de séduire une fille sans être vu comme sexiste" ou 52% qu'on "s'acharne sur les hommes". Toutes catégories d'âges confondues, 37% (+3 points en un an) des hommes considèrent que le féminisme menace leur place.
"Plus l'engagement en faveur de femmes s'exprime dans le débat public, plus la résistance s'organise. Les réflexes masculinistes et comportements machistes s'ancrent en particulier chez les jeunes hommes adultes, pendant que l'assignation des femmes à la sphère domestique regagne du terrain", déplore le HCE.
L'enquête effectuée pour le HCE révèle par exemple que 70% des hommes et 63% des femmes pensent qu'un homme doit prendre soin financièrement de sa famille pour être respecté dans la société. 31% des hommes et 27% des femmes estiment également qu'un homme doit savoir se battre.
#TradWife et #StayAtHomeGirlfriend
Le HCE s'inquiète également des tendances #TradWife (femme traditionnelle) et #StayAtHomeGirlfriend (copine au foyer) sur TikTok où des vidéos montrent le quotidien, dans des intérieurs impeccables, de jeunes femmes sans travail et sans enfant, dévouées à leur copain. L'idée "qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants" gagne ainsi sept points en une année (34 %) chez les intéressées.
Pour le HCE, les stéréotypes persistent parce que le "virus du sexisme" est "inoculé dès le plus jeune âge dans les trois incubateurs les plus puissants de la société: la famille, l'école et le numérique".
Seulement 3% des hommes interrogés ont reçu dans leur enfance des poupées et 4% des femmes des jouets voiture.
"L'école reproduit ces schémas, avec des conséquences directes sur l'orientation: 74% des femmes n'ont jamais envisagé de carrière scientifique ou technique", affirme Sylvie Pierre-Brossolette.
"Les vidéos pornographiques diffusent des contenus misogynes d'une rare violence que deux tiers des hommes de 25-34 ans disent imiter dans leurs relations sexuelles", poursuit-elle.
Les violences sexuelles restent à un niveau "alarmant"
Selon le HCE, les violences sexuelles restent à un niveau "alarmant": 37% des femmes interrogées disent avoir subi au moins une "situation de non consentement" (et même la moitié des 25-34 ans).
"Cela rend la lutte contre le sexisme encore plus nécessaire et urgente. On ne peut lutter contre les violences sans s'attaquer aux racines du mal, sinon c'est le tonneau des Danaïdes", affirme Sylvie Pierre-Brossolette.
Le HCE préconise de "réguler l'espace numérique". Il recommande de contraindre par la loi les plate-formes à auto-évaluer, sous l'égide de l'Arcom, le degré de stéréotypes et de sexisme de leurs contenus les plus vus, sur le modèle des chaînes de télévision. Une proposition qu'avaient acceptée en principe les patrons français de Meta et Google.
Le HCE recommande aussi d'inciter juges et citoyens à s'approprier le délit du sexisme, qui existe dans les textes, mais qu'il recommande de simplifier.
Plusieurs événements seront organisés jeudi par les féministes à l'occasion de la première journée nationale du sexisme: un "Sexisme TV show", parodie de chaîne télévisée du collectif Ensemble contre le sexisme notamment, ou un spot du HCE pour "faire du sexisme une histoire ancienne".