"Je suis satisfaite que ma voix ait été entendue": Isild Le Besco réagit à la mise en examen de Benoît Jacquot
Un grand vertige et des sentiments mêlés. Impossible pour Isild Le Besco de se sentir "soulagée". Mais l’actrice qui a déposé plainte contre Benoît Jacquot est tout de même "satisfaite que (sa) voix ait été entendue" par la justice. Après 48 heures de garde à vue "éprouvantes", selon une source proche du dossier, le cinéaste Benoît Jacquot, 77 ans, a été mis en examen mercredi 3 juillet, notamment pour "viol" et "viol sur mineure" sur les actrices Julia Roy et Isild Le Besco.
"Intellectuellement, je sais que c’est une bonne chose", réagit cette dernière auprès de BFMTV. "Mais émotionnellement, je ne ressens rien..." Sans doute parce que le combat de l’actrice de 41 ans est bien plus grand que le seul cas de Benoît Jacquot.
"Ce qui me réjouirait, c’est que cette mise en examen soit massive pour tous les hommes qui ont gâché la vie des femmes", poursuit celle que le public avait découvert dans Sade en 2000.
Une question de pouvoir
C'était sa première collaboration avec Benoît Jacquot, qu'elle avait rencontré deux ans plus tôt. À l’époque, Isild Le Besco avait 16 ans. Le cinéaste, 51 ans. Une différence d’âge qui, pour elle, demeure le cœur du problème.
"Il a été mis en examen pour 'viol sur concubin'", analyse-t-elle. "Mais on ne peut pas considérer qu'être sous le contrôle d’un homme de 35 ans de plus était originellement un choix de femme qui a conduit à la création d’un couple."
"Cet homme n'était donc pas mon 'concubin' mais l'homme à qui j'appartenais", insiste la comédienne. "La différence d’âge et de statut impliquait des rapports de force inégaux et donc dangereux parce qu’il a dissipé mes choix de jeune fille."
Et pour Isild Le Besco, tout cela n'a rien à voir avec le milieu du cinéma. "Je ne pense pas que Benoît Jacquot a abimé des femmes parce qu'il est réalisateur. Je pense qu'il a abimé des femmes parce qu’il s'y est senti autorisé et que jamais personne ne l’a empêché de le faire. C’est une question de statut, de pouvoir et d’impunité. Pas de cinéma!"
Un combat contre le "contrôle coercitif"
Après des mois de réflexion qui l’ont conduite à raconter son histoire dans un ouvrage (Dire vrai, éditions Denoël) avant de porter plainte contre le cinéaste, Isild Le Besco souhaite désormais que sa voix serve un combat plus large que son seul cas personnel.
"Ma motivation, c'est de mettre en lumière le phénomène du contrôle coercitif", développe-t-elle. "Ce contrôle implique toutes les agressions verbales, psychiques, physiques... Beaucoup de femmes subissent cette violence au quotidien. Il faut que les lois soient pensées et adaptées pour saisir la réalité qui se joue dans ces situations."
Persuadée que son histoire a connu une telle trajectoire médiatique et judiciaire en raison de sa notoriété et de celle de Benoît Jacquot, Isild Le Besco ne peut s’empêcher de penser à toutes les autres femmes victimes. "Celles qui n'ont jamais été entendues par la justice, dont les affaires ont été classées sans suite (…) ou pire qui ont, parfois, été condamnées pour procédure abusive." C'est pour toutes celles-là qu’elle souhaite désormais se battre.
Perception "hors sol" des agresseurs
Dans l’entretien qu’elle a accordé à BFMTV, Isild Le Besco revient aussi longuement sur le fait que Benoît Jacquot conteste les faits qui lui sont aujourd’hui reprochés et les atteintes à sa présomption d’innocence.
"La perception des agresseurs est toujours hors sol", lâche-t-elle. "Ils se sont construits comme ça. Ils se prennent d’ailleurs toujours pour des victimes."
"Ce qui n'est pas entièrement faux puisque beaucoup, beaucoup d’hommes ont agi comme lui sans être dénoncés ou condamnés", poursuit-elle. "Et qu’ils vivent leur vie tranquillement et multiplie les victimes. Benoît Jacquot prend pour eux aussi. Alors qu’on veut qu’ils prennent tous!"
Pour cela, celle qui s’est essayé à la réalisation, en parallèle de sa carrière d’actrice, envisage évidemment la suite de la procédure comme un moyen de faire avancer le combat des femmes. Interrogée sur le fait que Benoît Jacquot pourrait être, un jour, jugé pour l'avoir violée, elle rétorque: "Je serai présente au procès s’il est nécessaire que je sois là. Mais je n’ai aucun enthousiasme à cela."