La santé mentale, ces hommes en ont parlé en 2022 et c’est "un pas en avant"

Stromae, Billy Crawford, François Alu... En France, comme à l’étranger, ils se sont livrés sur leurs pensées suicidaires, leur thérapie ou leur besoin de se préserver. Ça n’a rien d’anodin.

SANTÉ MENTALE - À l’heure de boucler 2022, un événement survenu en tout début d’année résonne aujourd’hui encore. C’est celui de la prestation, en plein JT de TF1, de Stromae, venu chanter devant les sept millions de téléspectateurs de la Une « ses pensées suicidaires », celles dont il est « peu fier ».

Si la nature de sa performance, orchestrée de toutes pièces avec la journaliste Anne-Claire Coudray pour la promo de son nouveau single L’enfer, en a déconcerté plus d’un, les mots du chanteur belge en ont, eux, marqué d’autres.

Nous sommes à une heure de grande écoute. Là, dans l’espace public, un lundi soir de janvier. Et Stromae, les yeux droits vers la caméra, brise le silence autour de sa santé mentale. L’effet a été immédiat : il s’est traduit par un pic d’appels de +13 % au numéro national de prévention du suicide.

En novembre, Billy Crawford se livre tout autant. Alors qu’il opérait un retour fracassant en France grâce à sa participation (réussie) dans Danse avec les stars, l’ancienne idole des jeunes s’est livrée sans concession dans les colonnes du Parisien sur les quatre années de dépression dont il a souffert à l’aube de ses 25 ans.

« J’ai fait un burn-out. Oui, j’ai pété un câble. J’ai déjà eu des pensées suicidaires. Je n’arrivais pas à gérer le stress du travail, de la famille… Je n’arrêtais pas, je buvais de l’alcool toute la nuit, je fumais beaucoup », a confié l’ex-petit ami de Lorie, aujourd’hui âgé de 40 ans.

Un « pas en avant »

Entre-temps, et de l’autre côté de l’Atlantique, le chanteur Shawn Mendes a, lui, justifié l’arrêt de sa tournée internationale pour se soigner et préserver sa santé mentale. « J’ai atteint un point de rupture », a-t-il précisé à ses 71 millions d’abonnés sur Instagram. Le réseau social, décrié pour son impact nocif sur l’estime de soi de ses utilisateurs, l’acteur hollywoodien Tom Holland s’est décidé à le quitter pour de bon pour, là aussi, se protéger. Et malgré ses 21 millions de followers, Brody Wellmaker a fait la même chose, mais sur TikTok.

Pour la médecin et psychothérapeute Nathalie Rapoport-Hubschman, ces prises de parole constituent un « pas en avant », compte tenu de la faible proportion d’hommes abordant leur santé mentale dans la vie de tous les jours. Et ce, contrairement à leurs alter ego féminins qui, comme Selena Gomez, Léna Situations ou Meghan Markle, sont nombreuses à s’exprimer sur le sujet.

Dans la vie de tous les jours, les femmes représentent 70 % des personnes à suivre une thérapie. « Le rapport aux émotions, plus manifeste chez les femmes, a longtemps été perçu comme une forme de vulnérabilité », nous rappelle l’autrice du livre Apprivoiser l’esprit, guérir le corps : Stress, émotions et santé.

Des différences de genre

L’idée selon laquelle un homme, ça doit être fort, viril et ne pas laisser transparaître d’aveu dit « de faiblesse », est encore très partagée, selon l’experte. Quand on lui demande si la santé mentale leur est taboue, sa réponse est claire. « C’est oui, nous dit-elle. C’est un domaine qui attrait à l’identité et à l’intime, deux notions en confrontation directe avec la définition qui a longtemps été donnée de la masculinité. »

Ces différences entre les femmes et les hommes se construisent socialement dès l’enfance et se poursuivent jusqu’à la mort, comme l’explique au micro de France Inter la sociologue Nathalie Bajos, spécialiste des inégalités de santé au prisme du genre. Elles sont à l’œuvre dans bien d’autres pans de la santé. Qu’il s’agisse d’un généraliste ou d’un spécialiste, les hommes vont moins chez le médecin. Le rapport s’inverse passés les 65 ans, d’après l’Insee.

Dans ce contexte, ce qu’il y a « dans la tête », « c’est vu comme quelque chose de secondaire, comme si le corps devait fonctionner tout seul, sauf si on s’écroule », ajoute Nathalie Rapoport-Hubschman. Ce, alors que 75 % des morts par suicide en France sont des hommes.

S’il ne faut pas négliger d’autres facteurs dans la prise en compte de l’importance de notre santé mentale, comme le milieu social ou le rapport au travail, la psy observe, elle, une évolution chez les jeunes, sans doute « parce qu’ils sont pris en tenailles des modèles passés et une société où le bien-être est valorisé ».

Un effort de prévention

François Alu est de ceux-là. À 29 ans, le juré de Danse avec les stars n’a pas hésité à défendre son besoin d’être davantage à l’écoute de lui pour justifier son départ de l’Opéra de Paris. « Heureusement que je n’ai pas eu cette étoile plus tôt, car j’ai pu commencer des choses, comme une thérapie », a-t-il expliqué face à Léa Salamé sur France Inter, où il a remercié sa psy et vanté les mérites de sa psychanalyse entamée il y a sept ans. « Ça me fait du bien, a confié ce dernier. J’aimerais, qu’un jour, ça soit pris en charge car c’est quelque chose qui fait beaucoup de bien à la société. »

La façon dont le système de santé prend en charge les Français doit être interrogée. L’effort de prévention, aussi, soulève Nathalie Rapoport-Hubschman. « Ne pas aller bien, c’est OK. Ce n’est pas être moins bien que les autres. Il faut en parler dans les familles et dans les écoles », soutient-elle.

Même s’il faut faire attention à ne pas porter l’entière responsabilité sur les individus, « il faut multiplier les actions, ajoute de son côté Nathalie Bajos, toujours chez France Inter. Les pièces de théâtre, les films, les bouquins, les discussions. [...] Tout ça, ce sont des façons de faire évoluer les représentations sociales pour que les gens s’interrogent. » Car prende soin de soi, ça n’a pas de genre.

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