Samuel Paty : deux ans après sa mort, l’école jongle entre menaces et avancées

Les établissements scolaires sont invités par le ministère de l'Education à rendre hommage vendredi 14 octobre ou lundi 17 octobre à Samuel Paty, deux ans après son assassinat
Les établissements scolaires sont invités par le ministère de l'Education à rendre hommage vendredi 14 octobre ou lundi 17 octobre à Samuel Paty, deux ans après son assassinat

Ce dimanche 16 octobre marque les deux ans de la mort de Samuel Paty, le professeur d'histoire-géographie assassiné pour avoir parlé des caricatures de Mahomet dans un de ses cours. Deux ans après, les menaces envers les enseignants persistent, mais l’école semble mieux armée pour y faire face.

Des menaces de mort qui font froid dans le dos. "Votre prof monsieur (…) le sale JUIF doit arrêter de faire le malin. On va lui faire une SAMUEL PATY à lui et son père le vieux rabbin sioniste." Cette lettre anonyme adressée au proviseur du lycée Georges-Brassens à Évry-Courcouronnes (Essonne) lundi 10 octobre vise un professeur d’histoire-géographie de l’établissement. Elle a été envoyée quelques jours avant la commémoration de l’assassinat de Samuel Paty, le professeur d’histoire-géographie poignardé puis décapité le 16 octobre 2020 près du collège où il exerçait, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Une enquête a été ouverte jeudi pour "menaces de mort sur personne chargée d’une mission de service public".

Le 4 octobre dernier, c’est un professeur du lycée Scheurer-Kestner de Thann (Haut-Rhin) qui a été menacé de mort par l’oncle d’une de ses élèves. La raison ? L’enseignant a abordé en classe la liberté d’expression, les caricatures de Mahomet et Charlie Hebdo. L’oncle de l’élève, qui aurait évoqué le nom de Samuel Paty durant l’échange avec l’enseignant devant le lycée, a été placé en garde à vue et mis en examen pour menaces de mort.

"Un véritable changement dans les mentalités"

Depuis le décès de Samuel Paty, ces incidents sont davantage pris au sérieux par l’Education Nationale et la justice. Par exemple, l’établissement haut-rhinois fait l’objet "d’une attention constante" de la part du rectorat et des services de l’Etat depuis l’incident. Une équipe mobile de sécurité y a été dépêchée et une cellule d’écoute pour le personnel a été mis en place. De plus, le lycée va être intégré dans le plan de formation laïcité et une formation sur la gestion des questions sensibles et sur la laïcité va y être organisée.

"Si le ‘pas de vagues’ subsiste parfois, on assiste à un véritable changement dans les mentalités, y compris au niveau de l’administration, précise Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et des collèges (Snalc) au Figaro. Les collègues ont plus le réflexe de demander la protection fonctionnelle et ont moins de mal à l’obtenir."

Un constat partagé par Clotilde*, professeure des écoles qui exerce en Seine-Saint-Denis. "Quand une maman m'a agressée verbalement et a menacée de porter plainte contre moi pour avoir demandé à sa fille de porter une tenue de sport plus adaptée, j'ai paniqué. Heureusement, j'ai été beaucoup soutenue par mes collègues et ma hiérarchie, nous confie-t-elle. Je ne suis pas sûre qu'elle aurait autant pris au sérieux cette histoire avant celle de Samuel Paty, même si je ne dis pas qu'elle n'aurait rien fait." L'enseignante qui a souhaité gardé l'anonymat regrette cependant le manque de formation sur la laïcité et sur la façon de gérer les difficultés avec les parents.

Une hausse des atteintes à la laïcité

Selon les chiffres du ministère de l’Education nationale, les atteintes à la laïcité sont en hausse sur le territoire. Quelque 313 signalements ont été recensés en septembre dans les collèges et lycées, avec une hausse des incidents liés au port de tenues religieuses. Un phénomène porté notamment par les réseaux sociaux, estime le ministre Pap Ndiaye dans une interview accordée au Monde. Malgré "la vague de port de tenues pouvant être considérées comme religieuses, notamment les abayas, les qamis et les bandanas", "la République est plus forte que TikTok", soutient-il. Pour le ministre, les phénomènes communautaristes ne doivent être ni "négligés" ni "surestimés".

Les hommages à Samuel Paty prévus dans toute la France ce vendredi ou lundi prochain pourront être l’occasion pour les professeurs d’aborder le thème de la laïcité. "Ces temps pourront prendre différentes formes (minute de silence, échange, séquence pédagogique) dont le contenu sera laissé au choix des équipes en fonction de leur situation respective", indique le ministère de l’Education nationale.

*Le prénom a été modifié

VIDÉO - Assassinat de Samuel Paty: le commanditaire présumé toujours actif