Saminou Nioka : "Je me sens abandonné par l’État français", lance ce père séparé depuis un an de sa fille de 6 ans, enlevée par son ex-compagne en Egypte

Saminou Nioka, interviewé en décembre 2021 par Yahoo France.

Cet habitant de la région bordelaise, qui a la garde exclusive de sa fillette, est séparé d'elle depuis le 31 juillet 2021. Il déplore l'inaction des autorités françaises.

Il lance un appel à Emmanuel Macron, comme une bouteille à la mer, dans l'espoir de revoir un jour sa fille de 6 ans. Saminou Nioka continue de remuer ciel et terre pour rapatrier Shaya, éloignée de lui depuis près d’un an, alors qu’il en a la garde exclusive. L’enfant a été emmenée en Egypte par sa mère, le 31 juillet 2021, malgré une interdiction de sortie du territoire français sans autorisation du père. "Aujourd’hui, je n’ai plus de nouvelles de ma fille, je ne connais pas son adresse, et je sais qu’elle a été descolarisée", dit-il, très soucieux.

En décembre dernier, ce Girondin de 37 ans avait confié à Yahoo ses inquiétudes pour la santé de son enfant, et son désespoir face au statu quo du côté des autorités tant françaises qu’égyptiennes.

Un deuxième mandat d'arrêt international émis en février

Pourtant, son ex-épouse fait l’objet de deux mandats d’arrêt internationaux émis par la justice française, diffusés par Interpol et transmis aux autorités égyptiennes. Mais Saminou Nioka n’a guère d’espoir de voir ces mandats exécutés, près d’un an après l’enlèvement de sa fillette.

Face au silence des autorités, le jeune père s’est même rendu au Caire en mars. "Je n’avais plus du tout de nouvelles de ma fille, sa mère refusait d’organiser nos appels visio hebdomadaires, ou les annulait à la dernière minute. Je savais qu’elle n'était plus scolarisée depuis janvier. Personne n’était capable de me dire où vivait ma fille", raconte Saminou Nioka. Pendant son séjour dans la capitale égyptienne, il apprend que son ex-compagne et leur fille vivent désormais à Alexandrie et que sa fille est inscrite dans un établissement labellisé par le ministère des Affaires étrangères françaises.

Arrêté et placé en cellule avec sa fillette

De retour dans l’Hexagone, il prévient les autorités françaises de la nouvelle adresse de son ex-femme, mais se heurte à nouveau au silence. Saminou Nioka décide alors de se rendre à Alexandrie début juin, pour récupérer sa fille. "Le consulat français m’a fourni des documents et des laissez-passer, traduits en arabe, prouvant que je suis le père de Shaya et que j’en ai la garde exclusive", assure-t-il. Dans des documents que Yahoo a pu consulter, les autorités françaises établissent aussi un laissez-passer pour la fillette, dans l’optique de son éventuel retour en France.

Mais à Alexandrie, rien ne passe comme prévu. Saminou Nioka parvient à retrouver sa fille dans l’établissement où elle est scolarisée. "On ne s’était pas vu depuis onze mois, c’était très intense émotionnellement, on a pleuré tous les deux", relate-t-il. Une joie de courte durée. Tous deux sont interpellés à l’aéroport du Caire. Détenus pendant plusieurs heures, ils sont ensuite emmenés par les autorités égyptiennes à Alexandrie, et incarcérés quelques heures encore.

"Je me sens abandonné par l’État français"

Son avocate, Caroline Bris, dénonce "l’arrestation illégale et arbitraire de M. Nioka", qui s’est avérée être un "guet-apens". Car à l’issue de toute une nuit de détention et de toute une journée d’interrogatoire, son client a été "forcé psychologiquement à laisser sa fille à son ex-compagne". Il est rentré seul en France. Depuis le 6 juin, il n’a plus de nouvelles de sa fille. "Je me sens abandonné par l’Etat français", lâche-t-il au téléphone.

De nombreuses zones d’ombre demeurent dans cette affaire qui s’enlise depuis maintenant près d’un an. "Pourquoi les deux mandats d'arrêt émis par la France ne sont-ils pas exécutés ?", s’interroge Caroline Bris, qui rappelle entre autres que "cinq décisions judiciaires ont été rendues et ne laissent pas l’ombre d’un doute sur le fait que Shaya doit être avec son père". "Comment se fait-il que le consulat français, averti en temps réel de l’arrestation de M. Nioka, n’ait pu intervenir que 15 heures plus tard, alors qu'il avait déjà accepté, sous la pression et seul, de remettre l'enfant ?", poursuit l’avocate.

Le quai d'Orsay dit suivre le dossier

Paris n’a pas non plus dénoncé les conditions de détention de ses deux ressortissants, "déplorables" selon elle, a fortiori pour un mineur. "Et comment sa mère, qui fait l’objet de deux mandats d’arrêts internationaux et n’a pas la garde de Shaya, a-t-elle pu l’inscrire dans un établissement scolaire dépendant du ministère des affaires étrangères ?", continue Caroline Bris.

Contacté par Yahoo, le quai d’Orsay se borne à répondre que "les services concernés du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, à Paris et au Caire, suivent avec la plus grande attention la situation de Monsieur Nioka et de sa fille, en lien avec les autorités égyptiennes" et qu'ils sont "pleinement mobilisés pour apporter à Monsieur Nioka tout le soutien possible dans la situation très difficile à laquelle il fait face." L’avocate de Saminou Nioka a également interpellé la défenseure des droits Claire Hédon, sans réponse à ce stade.

VIDEO - Le combat bouleversant de Saminou N. pour retrouver sa fille de 6 ans, enlevée par son ex-femme