"Je sais que je suis la maman d’un meurtrier mais mon fils restera mon fils": la mère de Jonathann Daval se confie

La mère de Jonathann Daval, condamné à 25 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son épouse Alexia, exprime son amour pour son fils, "meurtrier mais qui reste son fils".

"Il fallait que je me libère d'un poids." Quand Martine Henry décide de coucher sa version de l'affaire Daval sur papier, dans le livre* Moi, maman de Jonathann co-écrit avec la journaliste du Journal du dimanche Plana Radenovic, il s'agit presque d'une "thérapie". La mère de Jonathann Daval, condamné à 25 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son épouse Alexia, ne s'est quasiment jamais exprimée, que ce soit au début de l'affaire ou même pendant le procès où elle est apparue en fauteuil roulant, la faute à une hernie discale qui a peu à peu disparu d'elle-même une fois la condamnation prononcée.

"J'ai admis ce qu'il s'était passé au procès, confie Martine Henry à BFMTV.com. Je n’arrivais pas à m’y faire. Mon subconscient refusait de l’admettre. On ne peut pas imaginer que son enfant puisse faire une chose pareille."

"Mon fils restera mon fils"

Une à deux fois par mois, avec son mari, Martine Henry fait les 2h30 qui séparent son domicile de la maison centrale d'Ensisheim, pour visiter son fils Jonathann. "On n’apprend pas à vivre dans un milieu carcéral, explique-t-elle. On n’apprend pas à entendre les portes se fermer, les clés. On n’apprend pas, on est obligé d’y aller pour l’amour de nos enfants, de nos maris, de nos frères. On s’adapte à tout ça." S'adapter pour se tenir debout pour voir son fils un jour sortir de prison, car à aucun moment Martine Henry n'a imaginé renier son fils, "le meurtrier".

"Jamais, jamais, jamais, martèle-t-elle. Je suis sa maman, c’est mon enfant, on ne peut pas mettre des enfants au monde et leur tourner le dos. Je ne cautionne pas ce qu’il a fait. Je sais que je suis la maman d’un meurtrier mais mon fils restera mon fils."

Alexia Fouillot a été tuée dans la nuit du 27 au 28 octobre 2018 dans le pavillon qu'elle partageait avec son mari à Gray-la-Ville. Son corps a été découvert deux jours plus tard. Jonathann Daval a reconnu les faits au mois de janvier 2019, avant de changer de version six mois plus tard. En décembre 2019, confronté à ses beaux-parents dans le bureau du juge d'instruction, il finit par craquer et admettre qu'il a tué son épouse avant de tenter de mettre le feu à son corps.

"Mon fils n’est pas un monstre, mais il a fait quelque chose de mal", souffle Martine Henry.

"Personne ne nous a tourné le dos"

"Elle est perçue, elle aussi, comme une coupable", écrit Me Randall Schwerdorffer dans la postface du livre. Pourtant, Martine Henry, au caractère bien trempé et au langage franc, ne se sent en rien responsable dans cette affaire. "Je n’ai jamais eu de sentiment de honte, je n’ai rien fait, je n’ai rien à me reprocher", balaie-t-elle. La preuve, selon elle: la réaction de son entourage à elle, assistante maternelle, et à ses six autres enfants.

"On a vécu cette période-là de manière très dure, ce n’était pas facile, reconnaît Martine Henry. C’était très difficile mais on a surmonté. Personne ne nous a tourné le dos, même dans notre village, tout le monde nous parle."

Aucun sentiment de responsabilité mais une forte culpabilité. "Si je l’avais écouté, si j’avais essayé de comprendre ce qu’il me disait, oui j’aurais pu changer les choses, souffle Martine Henry. Il me disait souvent 'tu sais maman, c’est toujours le mari le meurtrier, un jour ils vont venir me chercher' et ça je refusais de l'entendre. Je regrette de ne pas avoir cherché plus loin. Ça aurait évité tous les mensonges."

Martine Henry n'a plus envie de revenir sur cette histoire. "J'ai tout dit dans mon livre", nous dit-elle. Elle accepte de reparler du couple que formait son fils avec Alexia. "Ils étaient très bien, on n’aurait jamais pu savoir ce qu’il se passait. J’ai tout découvert au procès, les problèmes de couple, de bébé, la fausse couche… Il ne pouvait pas se confier à moi, à cause d’Alexia. Si elle l’avait su, ça se serait mal passé", lance-t-elle, décrivant la jeune femme "gentille au début", puis qui "a changé". "On n'était plus assez bien".

"Il commence à se poser des questions"

Au procès, Martine Henry a entendu les débats sur les problèmes d'impuissance de Jonathann Daval ou de son éventuelle homosexualité refoulée. "Trop de choses ont été dites, regrette-t-elle. On a survécu, on a survécu à tout ce qu’on a entendu, moi j’ai survécu, c’est tout." Si elle le soutient, Martine Henry dit avoir essayé de comprendre son passage à l'acte.

"On en a parlé, on en parle moins mais on en a parlé, nous confie-t-elle. C’est compliqué encore pour lui. Il n’arrive toujours pas à se l’expliquer. Il commence à se poser des questions, comment il a fait ça, pourquoi il a fait ça. Ca prendra du temps, il y a eu un avant, le pendant et il y a un après."

L'après, Jonathann Daval le vit en prison. Il y travaille, fait de la musculation et se mêle aux autres détenus. Le moral "va mieux", comme celui de sa maman, libérée de ce "poids" qu'elle portait depuis cinq ans. Une seule ombre dans son projet de livre, ses déclarations il y a quelques semaines quand interrogée par RTL, Martine Henry disait qu'il "s'entend très bien avec Guy Georges", condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour sept meurtres.

"Avec le recul, je pense que ça peut choquer les gens, reconnaît-elle. Mais au début, Guy Georges, je ne savais pas ce qu’il a fait parce que je ne m’intéresse pas à tout ça. (...) Jonathann ne va pas passer sa vie à parler aux murs, il parle à Guy Georges comme il parle à d’autres personnes. J’ai pensé à Guy Georges parce qu’il vient nous parler. J’aurais pu dire une autre personne. C’est le milieu carcéral. Ils ne sont pas là-bas pour un paquet de billes, mais tout le monde peut se parler."

*Moi, maman de Jonathann, de Martine Henry co-écrit avec la journaliste Plana Radenovic. Aux éditions Michalon.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - "Ça me dépasse" : Pourquoi la mère de Jonathann Daval a été choquée par les parents d'Alexia