Saad Lamjarred en procès pour viol aggravé à Paris, ce qu’il faut savoir

Le chanteur star marocain Saad Lamjarred, ici en concert près de Tunis en 2016, est jugé pour viol aggravé à la cour d’assises de Paris à partir de ce 20 février.
FETHI BELAID / AFP Le chanteur star marocain Saad Lamjarred, ici en concert près de Tunis en 2016, est jugé pour viol aggravé à la cour d’assises de Paris à partir de ce 20 février.

JUSTICE - Il a pris place au premier rang d’une petite salle d’audience de la cour d’assises de Paris, ce lundi 20 février, en costume noir et chemise blanche, au côté d’une interprète. Le chanteur star marocain Saad Lamjarred, 37 ans, accusé d’avoir violé et frappé une jeune femme dans une chambre d’hôtel en 2016 en marge d’un concert prévu à Paris, est jugé jusqu’à vendredi.

Après une longue procédure, la cour reviendra pendant cinq jours sur cette affaire, qui a relancé au Maroc, ces dernières années, le débat sur les violences faites aux femmes. Avec, en toile de fond, la personnalité de cette pop star, mise en cause dans d’autres affaires similaires.

Le HuffPost fait le point sur ce qu’il faut savoir au premier jour du procès de Saad Lamjarred.

Qui est Saad Lamjarred ?

Originaire de Rabat au Maroc, il a grandi dans une famille d’artistes renommés. Il commence à se faire connaître dans le monde arabe en 2007 en participant à l’émission libanaise « Super Star » avant de devenir une star en 2013 avec son titre « Mal Hbibi Malou » (« Qu’arrive-t-il à ma bien-aimée ? »).

Ses clips cumulent des centaines de millions de vues sur Youtube. Et Saad Lamjarred, célèbre dans tout le monde arabe, reste adulé dans son pays natal malgré les affaires. Ses fans sont persuadés que le chanteur est victime d’un complot et que les plaignantes cherchent à tirer profit de sa notoriété. Le roi Mohammed VI a même participé à ses frais d’avocats.

Signe du soutien dont a bénéficié Saad Lamjarred, la plaignante de l’affaire jugée cette semaine à Paris a reçu « des tombereaux d’insultes et d’injures pendant des semaines après la commission des faits à cause de la révélation publique de son identité », selon les déclarations de son avocat maître Jean-Marc Descoubès au Parisien.

L’expert psychiatrique qui a examiné la star marocaine pendant l’enquête a décrit un homme au comportement « immature », doté d’un « ego surdimensionné qui limite sa tolérance aux frustrations ».

De quoi Saad Lamjarred est-il accusé ?

Les faits que dénonce la partie civile, Laura P., remontent à octobre 2016. Âgée de 20 ans, elle a suivi le chanteur, présent à Paris pour un concert prévu au Palais des Congrès, ainsi qu’un couple de ses amis, à un « after », après avoir fait leur connaissance dans une boîte de nuit. À la fin d’une soirée chargée en alcool et cocaïne, elle a accompagné Saad Lamjarred à son hôtel sur les Champs-Élysées.

Sur place, ils ont bu du champagne, dansé, se sont embrassés. Puis, selon son récit aux enquêteurs, il est devenu plus entreprenant et elle s’est dérobée. Il l’aurait alors saisie par les cheveux, avant de s’allonger sur elle sans qu’elle n’arrive à le repousser, de déboutonner son pantalon et de lui lécher le corps.

Comme elle se débattait, il lui a donné un coup de poing, a-t-elle déclaré aux enquêteurs. Il l’aurait ensuite pénétrée brièvement avec son sexe alors qu’elle le repoussait, le mordant et le griffant, avant de la frapper encore. Laura P. a expliqué avoir réussi à lui échapper et lui avoir dit qu’elle porterait plainte : il lui a alors offert de l’argent et un bracelet, selon elle. Avant de la renverser sur le lit et de l’agresser à nouveau, a-t-elle ajouté.

Des employés de l’hôtel ont relaté avoir recueilli une jeune femme au t-shirt déchiré « en pleurs », « terrorisée », et empêché l’homme vraisemblablement ivre qui la poursuivait. « No proof » (pas de preuve), aurait lâché Saad Lamjarred avec un sourire arrogant, selon le témoignage d’un agent de sécurité. La victime « souffre de lésions traumatiques et est fortement traumatisée. Son récit est tout à fait crédible à ce stade », relevait une source proche de l’enquête en 2016.

En l’apercevant ce lundi au procès, Laura P., assise sur un banc de l’autre côté de la salle, a été prise d’une crise de larmes. Elle « attendait » ce procès, a indiqué son avocat.

Quelle est la version de Saad Lamjarred ?

Le chanteur a soutenu qu’il n’avait fait que se défendre, par « réflexe », quand Laura P. l’avait subitement attaqué alors qu’ils s’embrassaient en se déshabillant. Il a contesté toute pénétration et s’est dit « incapable » de frapper une femme. Il ne l’aurait poursuivie que pour éviter le « scandale » car il était connu.

Ses avocats Jean-Marc Fedida et Thierry Herzog n’ont pas souhaité s’exprimer auprès de l’AFP avant l’ouverture du procès. Sa défense a avancé que Laura P. s’était rendue volontairement dans la chambre, qu’elle n’avait pas clairement manifesté son absence de consentement, et qu’aucun élément ne prouvait qu’il y avait eu pénétration.

Dans quelles autres affaires a-t-il été mis en cause ?

Incarcéré dans la foulée de cette affaire, il a été libéré sous bracelet électronique en 2017 - avant d’être à nouveau brièvement placé en détention en 2018 car mis en examen pour le viol d’une autre jeune femme à Saint-Tropez, dans le Var.

Au cours de l’instruction, il a été mis en examen pour une autre affaire, jointe au dossier : il était accusé d’avoir violé et frappé une jeune Franco-Marocaine à Casablanca en 2015, dans des circonstances similaires. La plaignante s’est ensuite mise en retrait de la procédure en évoquant de lourdes pressions familiales, et le juge a ordonné un non-lieu pour ce volet.

Saad Lamjarred a aussi été mis en cause pour viol aux États-Unis en 2010, également dans des circonstances proches. Les poursuites ont finalement été abandonnées après une transaction avec la victime dont le montant n’a pas été dévoilé.

Que risque-t-il ?

Saad Lamjarred avait initialement été renvoyé en correctionnelle pour « agression sexuelle » et « violences aggravées » avant que la cour d’appel n’estime que les faits devaient être qualifiés de viol. Il est jugé pour «  viol aggravé » (il était alcoolisé et positif à la cocaïne) et « violence aggravée ».

Il encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle.

À voir également sur Le HuffPost :

Lire aussi