En Russie, Vladimir Poutine a mis les propagandistes du Kremlin face à un dilemme inhabituel

L’émission du soir de la chaîne d’État Russia 1, qui réunit experts et députés acquis à la cause de Poutine, a adopté un ton bien inhabituel après la rébellion de Wagner.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la télévision d’État russe défend invariablement la cause de Vladimir Poutine, à coups de fausses informations et de critiques virulentes de l’Occident. Jusqu’à semble-t-il dimanche 26 juin, après la brève mutinerie armée du groupe paramilitaire Wagner menée par Evguéni Prigojine qui a ébranlé la Russie ce week-end.

Il y a deux jours sur le plateau de Le dimanche soir avec Vladimir Soloviev, une des émissions les plus célèbres diffusées sur la chaîne d’État Russia 1, le ton était beaucoup moins unanime et serein que d’habitude, a noté BFMTV ce mardi 27 juin.

Dans cette émission de débat quotidienne où tous les experts et députés sont acquis à la cause du Kremlin, la journée de dimanche a été qualifiée en introduction de « terrifiante » par Vladimir Soloviev. Ce dernier, suivi par 1,3 million de personnes sur Telegram, est un ex-opposant de Vladimir Poutine aujourd’hui devenu son propagandiste en chef. Il avait par exemple bénéficié de 218 heures d’antenne sur les trois premiers mois du conflit l’année dernière, rappelle TF1 Info.

« Écoutez bien ce qu’a dit le président par la voix de son porte-parole Dmitri Peskov : “les héros qui ont fait une erreur ne seront pas poursuivis par respect pour tout ce qu’ils ont accompli”, mais il existe une expression qui dit “merci pour hier, mais rendez compte pour aujourd’hui” », a notamment déclaré dimanche Vladimir Soloviev, habillé de noir comme à l’accoutumée.

« Une balle dans la tête, c’est le seul salut pour Evguéni Prigojine »

Sur le plateau, le député de la Douma Andrey Gurulyov, est même allé jusqu’à critiquer les décisions de Poutine : « je suis fermement convaincu qu’en temps de guerre, les traîtres doivent être éliminés. Aujourd’hui, peu importe qui dit quoi, quelle que soit l’histoire qu’il raconte. Une balle dans la tête, c’est le seul salut pour Evguéni Prigojine. »

Un discours qui détonne avec celui de Vladimir Poutine, qui avait simplement intimé au chef de Wagner de s’exiler en Biélorussie avec ses hommes récalcitrants. Un jour plus tard, BFMTV note qu’Andrey Gurulyov a complètement changé d’avis et de ton, remerciant le président russe pour sa sagesse...

De son côté, pendant que les troupes de Wagner marchaient vers Moscou, la rédactrice en chef du réseau d’information d’État RT, Margarita Simonian, était restée curieusement silencieuse. Dimanche dans l’émission de Vladimir Soloviev, elle a expliqué qu’elle faisait alors au même moment une croisière sur la Volga pour filmer un documentaire culturel sur des églises orthodoxes séculaires, assurant avoir alors tout ignoré de ce qui se tramait au plus haut niveau de l’État.

Des pirouettes pour défendre Vladimir Poutine

Elle a ensuite fait preuve d’une grande souplesse pour défendre haut et fort la décision de Vladimir Poutine d’abandonner les poursuites contre le groupe Wagner. « Les normes juridiques ne sont pas les commandements du Christ ou les tablettes de Moïse », a-t-elle lancé, comme le rapporte le Financial Times. « Elles sont écrites par des personnes pour protéger l’État de droit et la stabilité du pays. Dans certains cas critiques exceptionnels, elles disparaissent ».

De son côté, le journaliste Dmitri Kisselev a lui aussi tenté de défendre tant bien que mal le président russe, en affirmant que l’insurrection de Wagner avait prouvé que « la Russie a une fois de plus passé un test de maturité ». « Pourquoi a-t-il été possible de mettre fin à une tentative d’insurrection sans effusion de sang ? Parce que le peuple avait une confiance suprême dans le président », a-t-il notamment avancé.

Pendant 24 heures ce week-end, les hommes de Wagner se sont emparés de plusieurs sites militaires dans la ville stratégique de Rostov et ont parcouru des centaines de kilomètres en direction de Moscou avant qu’Evguéni Prigojine ne mette fin à sa rébellion en échange d’une immunité promise par le Kremlin pour lui et ses hommes.

Cette crise représente le plus grand défi auquel Vladimir Poutine, qui a dénoncé une « trahison », a été confronté depuis son arrivée au pouvoir fin 1999.

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