Russie : les ambassadeurs russes convoqués dans plusieurs pays européens après la mort de Navalny, et après ?

Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a ainsi annoncé lundi avoir convoqué l’ambassadeur de Russie en France. Madrid, Stockholm, Berlin, La Haye, Oslo et Varsovie 
 (Photo de Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors d’une visite de ce dernier à Moscou en février 2022 juste avant l’invasion en Ukraine)
- / AFP Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a ainsi annoncé lundi avoir convoqué l’ambassadeur de Russie en France. Madrid, Stockholm, Berlin, La Haye, Oslo et Varsovie (Photo de Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors d’une visite de ce dernier à Moscou en février 2022 juste avant l’invasion en Ukraine)

DIPLOMATIE - L’équivalent d’un grognement diplomatique. Depuis l’annonce de la mort d’Alexeï Navalny le 16 février au sein d’une colonie pénitentiaire dans l’Arctique, plusieurs nations européennes ont convoqué les ambassadeurs russes en poste dans leur pays. C’est également le cas de la France qui, estimant Moscou responsable du décès de l’opposant, a demandé qu’une enquête indépendante soit menée ce mardi 20 février.

Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a ainsi annoncé lundi avoir convoqué l’ambassadeur de Russie en France Alexeï Mechkov. Madrid, Stockholm, Berlin, La Haye, Oslo et Varsovie ont fait de même. Mais concrètement, d’un point de vue diplomatique, à quoi servent ces convocations et quel poids ont-elles sur le Kremlin ?

Une carte sans « conséquence concrète » sur l’échelle des sanctions diplomatiques

La convocation n’est que le premier palier sur l’échelle des sanctions diplomatiques. Elle sert à protester de manière officielle et faire comprendre au pays en question que l’on a été froissé par ses paroles, actes ou décisions. « C’est une pratique courante, une sanction purement verbale qui n’a aucune conséquente concrète », explique au HuffPost Nicolas Tenzer, géopolitologue enseignant à Science Po. Selon lui, cette technique, bien qu’employée par plusieurs pays en même temps, ne fera « pas grand-chose ».

D’autres moyens plus lourds sont à disposition des ministères des Affaires étrangères. Le deuxième palier est le rappel d’un ambassadeur dans son pays « pour consultation » selon l’expression consacrée. Un retour au pays temporaire qui ne signe pas une rupture définitive des relations entre les deux États, mais qui vise tout de même à marquer le coup de façon plus appuyée. La France a eu recours à ce levier plusieurs fois ces dernières années, notamment en 2021 avec ses ambassadeurs australien et américain après le fiasco du contrat des sous-marins français avec Canberra.

Le troisième échelon, qui marque un niveau de gravité nettement plus élevé, est de renvoyer l’ambassadeur étranger dans son pays avec un délai de seulement quelques jours pour quitter le territoire sous peine de poursuites. Enfin, dernier et quatrième barreau, signe d’une rupture grave des relations diplomatiques : la fermeture d’une ambassade.

Envoyer un « message plus fort » à Moscou

Nicolas Tenzer évoque par ailleurs un palier intermédiaire, que l’on pourrait situer entre le deuxième et troisième palier : réduire la représentation diplomatique dans le pays étranger. C’est-à-dire avoir moins de personnels sur place autour de l’ambassadeur.

« C’est une technique classique, mais qui aurait le mérite d’envoyer un message plus fort que la simple convocation », nous explique-t-il, estimant que la réaction des alliés n’est pas assez ferme et ce depuis le début de la guerre en Ukraine.

Pour le géopolitologue, auteur du livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique (éditions de l’Observatoire), si aucune mesure « extrêmement sévère » n’est prise par l’Occident, « la Russie continuera à faire ce qu’elle veut ». À noter par ailleurs que toute action engagée par la France ou ses alliés sera très certainement suivie d’une riposte du côté de la Russie.

L’ambassadeur français « intouchable »

En ce qui concerne l’ambassadeur français en Russie, Pierre Levy, il a fait l’actualité ce mardi, photographié en train de rendre hommage à Alexeï Navalny. À l’instar d’autres ambassadeurs étrangers, il a déposé des fleurs sur un lieu très symbolique de Moscou : la Pierre Solovetsky. Ce monument, érigé en souvenir des victimes de la répression politique perpétrée par l’Union soviétique, se situe par ailleurs juste en face du siège des services de renseignement russe (FSB).

Déposer des fleurs, des bougies, un geste presque anodin qui a valu à plus de 400 personnes d’être interpellées en Russie ces derniers jours. Au moins 150 d’entre elles ont été condamnées à de courtes peines de prison ces trois derniers jours pour des actions à la mémoire du charismatique opposant et militant anticorruption, selon des organisations de défense des droits.

Une situation qui ne pourrait pas arriver à Pierre Levy, rappelle Nicolas Tenzer au HuffPost. Étant « intouchable » car bénéficiant d’une « immunité totale », l’interpeller et l’emprisonner reviendrait alors à une « déclaration de guerre ouverte ».

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