Ces rochers anti-SDF et anti-migrants au bord de la Seine font-ils partie du dispositif des Jeux Olympiques ?

À quelques mois de la cérémonie d’ouverture, de lourdes pierres sont en train de remplacer les campements de sans-abri le long du quai d’Austerlitz.

PARIS - Des énormes rochers, entourés de grillages. Si vous vous promenez sur les quais d’Austerlitz, dans le 13e arrondissement de Paris, c’est ce que vous verrez. Sauf qu’avant, il y avait des tentes à cet endroit, et que désormais, les personnes sans-abri qui y dormaient ne peuvent plus s’y abriter.

Ces rochers ont-ils été installés en plein Paris pour « nettoyer » les quais de Seine en vue des Jeux Olympiques ? C’est ce qu’affirme le Collectif Accès au Droit (CAD), qui documente les violences policières commises à l’encontre des personnes exilées et à la rue. Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo ci-dessus, Le HuffPost s’est rendu sur place et a enquêté sur ces dispositifs anti-sdf.

Du mobilier anti-sdf en zone rouge des JO

« Ça fait quelques mois que les campements en bord de Seine, lieu de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, sont harcelés », résume Paul Alauzy, coordinateur à Médecins du monde et porte-parole du Revers de la médaille, collectif interassociatif dont fait partie le CAD. Si la technique des rochers n’est pas nouvelle, il décrit un dispositif « particulièrement agressif » sur les quais de Seine.

Là où ce dispositif est flagrant, c’est sous le pont Charles-de-Gaulle, à 10 minutes à pied du Pont d’Austerlitz où va démarrer la parade fluviale des Jeux. D’après des photos prises par le Collectif Accès au Droit, les pierres grillagées sont apparues fin novembre 2023 d’un côté du quai, puis début février de l’autre côté, à chaque fois une dizaine de jours après des mises à l’abri.

Une mise à l’abri, c’est quand la préfecture d’Île-de-France prend en charge un campement de personnes à la rue, et les renvoie vers des hébergements temporaires en dehors de Paris. Sauf que d’après Paul Alauzy, aujourd’hui ces opérations ne conviennent « qu’à un tiers des personnes montant dans les bus », le reste ayant des attaches à Paris, tel qu’un travail ou des démarches administratives en cours.

« La demande des assos, ce n’est pas qu’il y ait des tentes et des sans-abri pendant la cérémonie d’ouverture », précise Paul. « Mais il faut que ces gens aient des solutions décentes, financées sur le long terme. Au lieu de ça, on ne leur accorde même pas un mètre pour se réfugier du vent et de la pluie ».

Des quais appartenant à l’État

Mais alors qui a installé ces pierres grillagées ? Le HuffPost a posé la question à la préfecture de Paris, qui nous a renvoyés vers la mairie de Paris. Léa Filoche, adjointe en charge des solidarités, nous a alors expliqué que dans le cadre du pacte parisien de lutte contre l’exclusion, Paris s’est engagée à ne pas recourir à des dispositifs de mobilier urbain anti-sdf.

En revanche, la mairie a confirmé que les quais où se trouvent les rochers anti-sdf appartiennent à Haropa Port, un établissement public sous la tutelle du ministère de la transition écologique. En janvier, Haropa Port a par ailleurs signé une convention de collaboration avec Paris 2024, s’engageant à « intégrer l’ensemble de l’écosystème fluvial dans l’organisation et le déroulement des Jeux ».

Contacté par Le HuffPost, Haropa Port admet avoir déployé ces installations temporaires suite à des mises à l’abri « pour limiter la réinstallation de tentes » afin de « préserver la salubrité des quais » et « d’éviter des installations de camps provisoires en zones inondables ». Haropa Port pointe également un « risque incendie sous les ponts », mais ne fait aucun lien avec les Jeux Olympiques.

Un empressement de la préfecture

Ce que le Collectif Accès au Droit (CAD) relève par ailleurs, c’est que ces derniers mois, la préfecture de Paris se montre particulièrement zélée vis-à-vis des mises à l’abri. « Avant, il y avait des périodes où pendant 3 mois on attendait qu’un campement ait 4 000 personnes pour déclencher une mise à l’abri, alors qu’en ce moment, c’est tous les mardis », note Paul Alauzy.

Des données du CAD, que Le HuffPost a pu consulter, montrent qu’entre septembre et décembre dernier la préfecture de Paris a déclenché des mises à l’abri presque toutes les semaines. Ces opérations ont été mises en route sans que les associations aient besoin de le réclamer, alors que l’année dernière à la même période, 8 des 13 opérations ont été déclenchées suite à des manifestations de personnes sans-abri et d’associations les accompagnant, telles qu’Utopia 56.

La préfecture nie cet empressement. Quant à la mairie de Paris, ils expliquent que cette évolution « n’est pas seulement liée aux Jeux Olympiques », mais principalement à l’augmentation importante de personnes à la rue depuis 2020. « Tous les voyants sont au rouge, au mois de janvier on a jamais eu autant de morts dans les rues parisiennes », a confirmé Léa Filoche. « On est débordés, et l’État est dans un déni délirant ».

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