Retour du "délit de blasphème" au Danemark: Charlie Hebdo publie un appel pour "alerter les citoyens"

La liberté d'expression est, encore une fois, le cheval de bataille de Charlie Hebdo. L'hebdomadaire satirique a publié un appel ce mercredi en Une de son journal face au potentiel retour du délit de blasphème au Danemark, abrogé en 2017 après avoir perduré 334 ans.

Une loi a été présentée par le gouvernement danois vendredi dernier devant le Parlement pour "interdire le traitement inapproprié d'objets ayant une signification religieuse importante pour une communauté religieuse". Elle vise à interdire les autodafés du Coran qui ont entraîné des tensions depuis le début de l'année entre le Danemark, la Suède - qui a relevé son niveau d'alerte terroriste à la mi-août - et plusieurs pays musulmans.

Si le projet de loi ne porte pas sur "l'expression verbale ou écrite", dont les caricatures, il expose toute personne brûlant ou piétinant, entre autres, un Coran, une Bible, une Torah ou encore un crucifix, à une lourde amende et à deux ans de prison.

"Alerter les citoyens" sur les "dangers d'une telle loi"

Face à ce "délit moyenâgeux" et d'une "extrême gravité", Charlie Hebdo a tenu à lancer un appel "pour alerter les citoyens attachés aux valeurs démocratiques et à la liberté d'expression sur les dangers d'une telle loi". Plusieurs médias scandinaves, dont plusieurs norvégiens, trois danois et un suédois, se sont joints au journal français en publiant cet appel.

Charlie Hebdo tient à rappeler que cette loi n'est pas "uniquement l'affaire" de ces pays scandinaves dans lesquels les débats sont houleux mais qu'elle concerne l'Europe dans son ensemble.

Cette décision "légitime la notion de blasphème, ouvre la porte à toutes les censures et va à l'encontre de tout ce pourquoi se sont battus intellectuels, artistes et responsables politiques en Europe depuis deux siècles. A savoir affranchir la vie publique de la tutelle des religions et de leurs dogmes".

Lorsque le ministre de la Justice danois, Peter Hummelgaard, affirme que brûler le Coran est un "acte fondamentalement méprisant et antipathique", l'hebdomadaire questionne ce que "le gouvernement danois fait semblant de ne pas comprendre": "Pourquoi des personnes éprouvent le besoin de brûler publiquement un livre religieux?"

"Contester le pouvoir de dirigeants"

Si pour Gérard Biard, rédacteur en chef de Charlie Hebdo interviewé par France Inter ce mercredi matin, cela peut être pour de "mauvaises raisons" comme "les provocateurs d'extrême droite", cela peut aussi être pour "contester le pouvoir de dirigeants qui s'appuient sur un livre pour persécuter leur population, et faire régner la terreur à travers le monde pour certains". Dans les régimes cités, l'Afghanistan ou l'Iran.

Gérard Biard prend notamment pour exemple une artiste d'origine iranienne qui a déchiré des Corans en public au Danemark "pour dénoncer ce qui se passe aujourd'hui en Iran". En Suède, la plupart des profanations - ce lundi encore - ont été à l'initiative du réfugié irakien Salwan Momika, proche du parti d'extrême droite des Démocrates de Suède.

"En adoptant cette loi, le gouvernement danois devient le complice de ces règimes tyranniques et assassins, dont le pouvoir repose entièrement sur la soumission totale au Coran", ajoute le journal dans son appel.

Pour le chef de la rédaction de Charlie Hebdo, Riss, rescapé des attentats du 7 janvier 2015, "chacun a le droit de pratiquer sa religion, il ne s’agit pas du Coran, mais de se battre contre l’intégrisme religieux", assure-t-il au Monde.

Il s'agit, selon la lettre, des "fondements mêmes de nos démocraties modernes qui sont remis en cause". "Des démocraties où le seul pouvoir légitime est celui du peuple".

Article original publié sur BFMTV.com