La reine Élizabeth II dans « The Crown » n’a pas grand-chose de vrai

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Alex Bailey / Netflix

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Claire Foy (dans la saison 2) et Imelda Staunton (dans la saison 5) incarnent la reine Elizabeth II dans la série « The Crown »

ELIZABETH II - Le reine est morte, vive The Crown. Au lendemain de l’annonce du décès de la souveraine Elizabeth II, la série remonte dans les « tendances actuelles » de la plateforme sur Netflix et pourrait rapidement se faire une place dans le top 10 des visionnages. Depuis 2016, 100 millions de foyers ont regardé une partie de The Crown (que ce soit la saison 1, 2, 3 ou 4). Et parmi eux nombreux sont ceux qui ont eu l’impression de découvrir la vie de la reine d’Angleterre et de sa famille.

Oui mais voilà, The Crown n’est ni une biographie exhaustive ni un documentaire. Les scénaristes de la série, Peter Morgan en tête, ont quasiment toujours « exagéré, romancé et un peu inventé » de nombreux éléments de l’histoire de la famille royale britannique. Et le personnage d’Elizabeth II n’y a évidemment pas échappé. « La reine était très stricte, sérieuse et aussi très secrète - contrairement à sa sœur Margaret ou au Prince Philip - donc les auteurs avaient finalement peu d’éléments sur elle », explique au HuffPost Joffrey Ricome, co-auteur de l’ouvrage The Crown le vrai du faux.

Une jeune Elizabeth nerveuse et hésitante

Dans la saison 1, qui est sans doute la saison la plus centrée sur la reine entre son mariage et son couronnement, la série esquisse le portrait d’une princesse nerveuse, hésitante, devenue reine bien trop tôt. Si Elizabeth n’avait en effet que 25 ans à la mort de son père le roi George VI, « elle a été préparée depuis son plus jeune âge et formée pour être reine. Elle s’y attendait évidemment », rappelle le responsable du numérique à Courrier International.

Ainsi si The Crown a par exemple décidé de montrer une jeune femme « très grave, presque dure » pendant la cérémonie de son couronnement, « des témoins ont raconté qu’en réalité elle semblait pleinement heureuse d’être là, comme habitée par la mission qui lui incombait. Sur les photos officielles prises au palais, peu après la cérémonie, on la voit d’ailleurs extrêmement souriante. »

La série a aussi « beaucoup romancé le rapport à l’éducation d’Élizabeth II », la faisant passer pour une femme qui « ne s’intéressait pas à l’école ». S’il est « exact que la reine s’est plainte de son manque d’éducation », elle a en réalité suivi studieusement les cours d’un professeur nommé Henry Marten à Eton College dans sa jeunesse avant d’acquérir « seule une certaine culture, notamment en lisant énormément – et très rapidement, a-t-elle confié en 2001 à J. K. Rowling, l’auteur de Harry Potter », indique l’auteur.

Un ressort que The Crown utilise aussi dans la saison 2 lors de la rencontre de la reine avec Jackie Kennedy où la série donne l’image d’une souveraine bien moins savante que la Première dame américaine et extrêmement jalouse de la voir parler français. Elizabeth II, en bonne francophile, parlait pourtant elle aussi le français dans la réalité.

Reine de cœur ou reine de pique ?

Outre le fait que l’intégralité des scènes qui se déroulent dans le cabinet ministériel est purement fictive - la pièce est une alcôve fermée où seuls la reine et son Premier Ministre se retrouvent et d’où rien ne filtre - les scénaristes ont aussi largement brodé autour de son couple avec le Prince Philip. Si « on peut supposer qu’ils ont eu des différends comme tous les couples », il n’y a « jamais eu de preuve » d’aucune des disputes, flirts et tromperies racontées à l’écran. « L’intimité du mariage royal, qui durait depuis 1947, reste l’un des secrets les mieux gardés d’Angleterre. »

Enfin, la série - du moins tout au long des trois premières saisons qui couvrent la période de 1950 à 1975 environ - esquisse aussi le portrait d’une reine particulièrement froide, sans cœur ni émotion. C’est particulièrement frappant dans l’épisode sur le drame d’Aberfan. Nous sommes alors en octobre 1966 lorsqu’un glissement de terrain d’une mine de charbon entraîne une des plus grosses catastrophes du Pays de Galles, causant la mort de plus d’une centaine d’enfants.

« L’ensemble de l’épisode est basé sur le fait que la reine ne pleure jamais, surtout pas en public. Ainsi, dans la série, quand elle décide finalement de visiter les décombres d’Aberfan
Élisabeth II va faire semblant d’essuyer des yeux désespérément secs. Il faudra attendre qu’elle soit seule, de retour dans son salon, pour se permettre de verser enfin une larme… 
», rappelle l’ouvrage. Un croquis dur qui semble très éloigné de la réalité.

Des journalistes et témoins de l’époque confirment que la reine a bien pleuré lors de cette visite. Et sur des images d’archives, « on la voit clairement meurtrie et au bord des larmes ». Durant son règne, « Élizabeth II a d’ailleurs pleuré plusieurs fois en public, en 1997, par exemple, lors du désarmement du yacht royal Britannia, et en 2002, lors de l’enterrement de la reine mère. »

Le tournage de The Crown suspendu

Autant d’exemples qui font relativiser l’impression pour beaucoup de téléspectateurs d’avoir, à travers cette série, « appris à connaître » une reine d’Angleterre en fait très secrète. Et cela pourrait bien continuer puisque la diffusion de la saison 5 de The Crown est attendue pour ce mois de novembre sur Netflix.

La sixième et dernière saison, qui doit notamment évoquer les destins de ses petits-enfants William et Harry, est actuellement en tournage au Royaume-Uni. Mais le réalisateur Peter Morgan a annoncé ce vendredi 9 septembre que la production allait être mise en pause. « The Crown est une lettre d’amour à elle et je n’ai rien à ajouter pour l’instant, juste du silence et du respect. Je prévois qu’on arrête de tourner aussi en signe de respect. »

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