Régine, la reine de la nuit, est morte : les moments forts de sa vie

Si pour Ernest Hemingway "Paris est une fête", c’est la nuit qui l’était pour Régine. La flamboyante artiste, née en 1929 en Belgique sous le nom de Régina Zylberberg, vient de baisser le rideau sur sa vie transformée en un perpétuel spectacle. Elle est décédée à 92 ans. Retour sur les moments forts de cette impératrice By Night qui a toujours su garder le sourire malgré les épreuves.

Régine connaît une enfance nomade et compliquée. Très tôt, son père perd au poker la boulangerie familiale et sa mère quitte le foyer pour s’installer en Argentine. Née de parents juifs polonais, la petite fille doit alors se cacher avec son frère et sa sœur dans des couvents pendant la Seconde Guerre mondiale. À la Libération, son père ouvre un café à Paris et lui demande de le gérer. Elle devient, à 16 ans, patronne de bar.

Pendant la guerre, Régine tombe amoureuse de Claude mais ce dernier est arrêté par la Gestapo et tué en déportation. En 1947, elle rencontre et épouse Paul Rotcage avec qui elle a un fils, Lionel. Il devient journaliste et fonde avec Daniel Balavoine l’association Action Écoles. Il décède en 2006 des suites d’un cancer. Régine perd alors son fils unique et confie au magazine Gala son plus grand regret : "il voulait que je sois une vraie mère. Je ne l'ai pas été".

C’est dans un tourbillon que Régine a choisi de mener son existence. Après avoir divorcé de son époux, elle part quelque temps à Juan-les-Pins où elle est vendeuse dans une boutique et découvre là-bas les plaisirs des boîtes de nuit. À son retour à Paris, elle relance le Whisky à Gogo, un club où elle devient un couteau-suisse nocturne : disc-jockey, dame-pipi, barmaid, videuse… La reine de la nuit est en train de voir le jour !

Régine a une tactique pour créer le buzz et faire fonctionner le Whisky à Gogo. Elle refoule les personnes qui se présentent à l’entrée en prétendant que c’est complet. Un pari risqué qui fonctionne puisque des files d’attente se créent sur le trottoir. Elle décide alors d’ouvrir son propre club rue du Four, à Paris. De Sophia Loren à Ava Gardner, en passant par John Wayne ou Charlie Chaplin, tous les people viennent danser le twist "Chez Régine".

Régine incarne alors l’esprit de la fête et sa présence est demandée à travers le monde. On la voit notamment partir à New York pour animer des soirées et elle lance la tendance des clubs éphémères et itinérants. Elle ouvre notamment, lors du Festival de Cannes de 1961, "Chez Régine à Cannes" où toutes les stars quittent rapidement les marches pour aller danser chez elle jusqu’au bout de la nuit.

Régine sait devancer les tendances et anticipe la fin de celle du twist. Elle quitte la rue du Four pour ouvrir un nouveau lieu : le New Jimmy’s. Situé à Montparnasse dans une ancienne boîte de strip-tease qu’elle décore dans un style Art Déco, le club va bouger au son du yé-yé. Le succès est au rendez-vous et encourage la rousse qui ne dort jamais à animer 18 clubs à travers le monde où la jet-set aime faire la fête.

"Tu as une voix étonnante, tu devrais chanter", lui suggère Renée Lebas, une chanteuse devenue productrice. Régine, qui ne fait jamais les choses à moitié, prend des cours de chant et de piano et sort en 1963 un premier disque avec deux titres concoctés par un certain Charles Aznavour.

Serge Gainsbourg a rencontré Régine à l’époque du Whisky à Gogo et il restera un inconditionnel des boîtes de la pétillante rouquine. Les deux oiseaux de la nuit sont amis et l’homme à la tête de chou lui compose Les P’tits papiers qui devient le succès qu’on connaît. Il n’est pas le seul à être charmé par son grain atypique. Régine interprète La Grande Zoa de Frédéric Botton ou encore Gueule de Nuit que lui a écrite Barbara.

La France connait une révolution en 1968 et la carrière de Régine aussi. Elle triomphe par deux fois à l’Olympia et le 6 février, elle chante aux côtés de Gilbert Bécaud lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Grenoble. Elle décroche également un rôle au cinéma dans Mazel Tov, un film de Claude Berri.

Le 7 décembre 1969, elle épouse Roger Chourkroun, un homme de 31 ans dont elle divorce en 2004. Régine confie à Gala, en 2013, que les hommes "ont toujours occupé une place éphémère" dans sa vie. "Sur les trente-quatre années d'union avec mon dernier mari, nous avons dû en partager vraiment trois". La nuit est sa grande et véritable passion.

Tout en continuant à sillonner le monde pour animer ses clubs, Régine se produit, en 1969, au Carnegie Hall, la mythique salle de concert new-yorkaise. Elle éblouit aussi le public de Bobino, en 1973, à qui elle offre des spectacles aux scénographies toujours plus étonnantes les unes que les autres. La "Reine de la Nuit" trouve le temps en journée de tourner dans quelques films : Le Train de Pierre Granier-Deferre et Les Ripoux de Claude Zidi.

L’amie des stars, désormais star elle-même, est à la tête d’un empire : le Jimmy’s, 18 Régine’s, elle a racheté le restaurant Ledoyen et lancé des lignes de vêtements et de parfums… Mais les paillettes ne lui suffisent pas. En 1984, elle crée l’association SOS Drogue International pour aider les personnes toxicomanes en situation d’exclusion. Son engagement lui vaut de recevoir la Médaille Vermeil de la Ville de Paris des mains de Jacques Chirac.

En 1993 et après avoir été aperçue dans le film Grosse Fatigue de Michel Blanc, Régine prend une décision. “J’ai ouvert le grand livre de la nuit, en 1954, aujourd’hui je l’ai refermé", annonce-t-elle. Régine a choisi de quitter le monde du clubbing pour se consacrer à sa carrière de chanteuse. Trois ans plus tard, sortent ses mémoires Appelez-moi par mon prénom. Un livre qui est adapté en téléfilm.

Régine a pris le temps de faire mûrir ses projets. En 2004, elle se sépare de ses clubs et sort l’album Made in Paname. Co-composé par de grands auteurs contemporains comme Marc Lavoine, Renaud ou encore Marie Nimier, il devient un spectacle mis en scène par Pierre Palmade. Le papillon de nuit vole de nouveau dans la lumière et savoure son come-back très réussi.

En 2005, elle surprend son public en participant à une télé-réalité. Elle atteint la demi-finale de La Ferme Célébrités (saison 2) et fait ainsi connaître son association SOS Habitat et Soins. Un an plus tard et alors qu’elle répète la pièce Si c’était à refaire de Laurent Ruquier, Régine fait un malaise cardiaque. Elle doit renoncer à sa participation et se reposer… Pour mieux revenir plus tard !

"À 85 ans, je suis folle de joie de partir à votre rencontre", annonce Régine sur son site officiel pour lancer sa tournée La Grande Zoa à travers la France et qui se termine en juillet 2016. Elle se pare une fois encore de son boa pour partager son répertoire avec tous ceux qui la suivent depuis ses débuts. Un dernier tour de piste avant d’éteindre les projecteurs et faire tomber le rideau.