Réforme des retraites : que fait Macron pendant que son gouvernement prend la foudre ?

Que fait Emmanuel Macron (ici le 30 janvier à La Haye) pendant que son gouvernement prend la foudre sur la réforme des retraites ?

Le président de la République est très prudent depuis qu’Élisabeth Borne a présenté sa réforme phare. Une façon de ne pas se mouiller pour mieux se projeter sur l’après.

POLITIQUE - Une contre-soirée qui s’éternise. Pendant que la réforme des retraites déchaîne les passions dans le pays, de la rue à l’Assemblée, l’Élysée met en scène un président de la République tout à sa tâche. Enfin, à ses autres tâches.

Depuis début janvier et la présentation de ce projet par Élisabeth Borne, Emmanuel Macron ne s’est exprimé publiquement qu’à trois reprises sur le sujet, sans doute le plus brûlant de ses deux quinquennats. Et c’était, à chaque fois, en réponse à des questions de la presse, près d’un dirigeant étranger. Il a ainsi fait le service minimum le 30 janvier, depuis La Haye, à la veille de la deuxième journée de manifestations, en apportant son « soutien » à la cheffe du gouvernement, qui est, elle, en première ligne.

Avant les Pays-Bas, le locataire de l’Élysée a envoyé ses cartes postales le 19 janvier, depuis l’Espagne, avec Pedro Sanchez, pour un sommet prévu de longue date, tombé le jour de la première mobilisation massive contre son projet. Puis le 22 janvier depuis l’Allemagne, aux côtés d’Olaf Scholz. Une distance - pas uniquement géographique - calculée, dont la semaine passée est la parfaite illustration.

La contre-programmation du président

L’agenda officiel du président est effectivement éloquent : tandis que la France a connu ses plus grosses manifestations depuis 30 ans, mardi 31 janvier, Emmanuel Macron recevait deux hauts dirigeants ukrainiens à l’Élysée. Sur le front diplomatique, outre l’Ukraine, le président a multiplié les échanges pour préparer le Conseil européen des 9 et 10 février à Bruxelles sur son grand cheval de bataille, la riposte du Vieux Continent à la politique industrielle des États-Unis en faveur de la transition énergétique, qu’il a lui-même qualifiée de « super agressive ».

Sur le front intérieur, le Conseil des ministres de mercredi était consacré au projet de loi sur l’immigration, un autre dossier inflammable, alors même qu’il ne doit arriver au Parlement que mi-mars. Le chef de l’État a également reçu son prédécesseur à l’Élysée François Hollande pour parler d’une éventuelle réforme des institutions, après avoir présidé, vendredi, un conseil national sur le nucléaire.

Pour le reste… Force est de constater qu’Emmanuel Macron évite soigneusement le dossier retraites. Il ne se déplace quasiment pas en France et aussi souvent que possible loin des micros, même s’il distille ses messages à ses troupes en coulisses. S’il avait envisagé de retourner à Marseille début février, l’incertitude liée à la contestation sociale semble l’avoir poussé à un report. L’Élysée évoque désormais une visite au premier trimestre, et a calé entre-temps une visioconférence pour une « revue » de ses engagements baptisée « Marseille en grand ».

Penser l’après, sans trop se mouiller

Une forme de prudence, ou de diversification des sujets, c’est selon, qui s’explique de plusieurs manières. L’entourage d’Emmanuel Macron, cité par l’AFP, évoque un président « concentré sur les dossiers de temps long », « structurants pour le quinquennat. » Comprendre : montrer que l’action du chef de l’État ne se limite pas, et ne se résumera pas dans le temps, à une réforme - impopulaire - du système des retraites.

Dans ce contexte, il n’est sans doute pas anodin de voir perler, dans la presse, les confidences de « proches » du président sur un éventuel remaniement post-réforme, voire une dissolution de l’Assemblée. « Le moment de se poser la question d’un remaniement va très probablement arriver à la fin de cette séquence », glissait ainsi un « poids lourd de la majorité » dans les colonnes du Parisien, le 2 février, car « le président n’est pas satisfait du dispositif actuel, une grande partie de son gouvernement n’imprime pas. »

Pour autant, le président de la République ne semble pas pressé outre mesure de mouiller la chemise pour défendre un texte qu’il estime « démocratiquement validé ». Peut-être, aussi, en raison de sa popularité en berne, de son image toujours clivante dans l’opinion ou de sa propension aux « petites phrases », potentiellement dévastatrices dans un tel contexte.

Le sondage réalisé par YouGov pour Le HuffPost début février apporte en ce sens son lot d’enseignements : malgré sa prudence, le chef de l’État a perdu deux points d’opinions favorables en un mois. Où en serait sa cote s’il l’avait exposée à un texte toujours plus impopulaire dans l’opinion ?

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