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Réforme des retraites : le 49.3 doit-il être aboli ?

L'article 49.3 de la Constitution est souvent décrié comme un
L'article 49.3 de la Constitution est souvent décrié comme un "déni de démocratie" (crédit : REUTERS/Yves Herman)

L’arme constitutionnelle, dégainée pour la centième fois jeudi par le gouvernement pour faire adopter la réforme des retraites, est particulièrement impopulaire.

Le recours au 49.3 jeudi dernier a mis le feu aux poudres. Les opposants à la réforme des retraites, galvanisés par le passage en force du gouvernement, sont déterminés à se faire entendre. Le recours à l'article controversé ce jeudi ainsi que le rejet des deux motions de censure déposées à l’Assemblée nationale lundi a donné lieu à des rassemblements partout en France. Quelque 287 manifestants ont été interpellés dans la soirée, dont 234 à Paris. Qualifié de “déni démocratie” par certains députés, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a-t-il fait son temps ?

Instauré contre l'instabilité gouvernementale

“Le 49.3 a été mis en place en réaction à l’instabilité gouvernementale sous la IIIe et la IVe République, nous explique Véronique Champeil-Desplats, professeure de droit public à l’Université Paris Nanterre. L’idée du général de Gaulle et de Michel Debré, son Premier ministre, était de donner des instruments au gouvernement afin qu’ils puissent adopter des réformes sans que le gouvernement ne dispose d‘une majorité”. Depuis qu’il a été créé, l’article 49.3 a été utilisé pas moins de cent fois par les gouvernements successifs de gauche comme de droite. Michel Rocard, Premier ministre de François Mitterrand de mai 1988 à mai 1991, est à ce jour le recordman avec 28 utilisations.

En le dégainant, le gouvernement évite les blocages, déjoue l’obstruction parlementaire et peut ainsi adopter des lois, même impopulaires, sans le vote des députés. Une utilité certaine, qui ne légitime pas son recours, aux yeux de l’opposition et de la rue.

“Il a toujours été impopulaire parce qu’il empêche la tenue d’un débat démocratique. A partir du moment où il est utilisé, les parlementaires ne peuvent plus déposer d’amendement et chercher à améliorer un texte”, souligne Mathilde Philip-Gay, professeure des universités en droit public à l’Université Jean Moulin Lyon 3. “Quelles que soient les majorités politiques qui l’ont utilisé, il y a eu des contestations, notamment au moment du CPE ou de l’adoption de la CSG", complète la Pr Champeil-Desplats.

"Le supprimer ne bloquerait pas les institutions"

Cette impopularité a conduit le gouvernement à réduire son champ d’action en 2008. La réforme constitutionnelle prévoit que “l’utilisation de l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l’adoption sans vote d’un projet de loi si aucune motion de censure n’est votée, est limitée aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.” Le Premier ministre peut recourir à cette procédure pour un autre texte, mais seulement une fois par session parlementaire. Avant cela, le gouvernement pouvait avoir recours à l'article 49.3 aussi souvent qu’il le voulait et sur n’importe quel texte. Cette réforme a probablement réduit son utilisation, mais elle reste conséquente. Elisabeth Borne l'a, par exemple, utilisé 11 fois.

“La suppression du 49.3 a été un temps envisagée en 2008, mais il a finalement été préservé, ce qui montre qu’il est considéré comme très utile, précise la Pr Mathilde Philip-Gay. Le supprimer ne bloquerait pas les institutions mais ça bloquerait l’adoption de projets controversés. Cela veut dire que réformer serait plus compliqué pour le gouvernement. Mais du côté des parlementaire et des citoyens, cela semblera plus démocratique". "Le gouvernement ne manque pas d’instrument pour encadrer les débats, ajoute Véronique Champeil-Desplats. On peut tout à fait se passer de cet article sans que cela soit un facteur d’instabilité institutionnelle".

Mathilde Philip-Gay poursuit : "Emmanuel Macron prépare une révision de la Constitution qui porte sur de nombreux points, dont la suppression de la Cour de justice de la République. Il a annoncé le 8 mars dernier qu’il allait reprendre son projet de loi constitutionnelle et qu’il allait introduire la liberté du recours à l’IVG. Peut-être qu'il fera également une nouvelle annonce sur le 49.3 au JT de 13 heures ?". Le président de la République s'adressera en effet pour la première fois aux Français depuis l'adoption de la réforme des retraites. Réponse ce mercredi à la mi-journée.

VIDÉO - Après le passage en force sur la réforme des retraites, la difficile équation d'Emmanuel Macron