49.3 : qui détient le record d’utilisation ?

Des opposants à la réforme des retraites brandissant une pancarte
Des opposants à la réforme des retraites brandissant une pancarte "49.3 raisons d'être en colère", le 16 mars 2023 (crédit : REUTERS/Stephane Mahe).

Jeudi 16 mars, Élisabeth Borne a déclenché le 100e article 49 alinéa 3 de la Constitution de la Ve République pour faire passer la réforme des retraites. Encore loin du record d'utilisation, son gouvernement s’en rapproche un peu plus à chaque vote.

Le 49.3, l’arme ultime du passage en force. En le dégainant, le ou la Première ministre permet de faire adopter un texte sans le vote du parlement. Sous la Ve République, les gouvernements de droite comme de gauche l’ont régulièrement utilisé lorsque les débats s’enlisaient à l’Assemblée nationale ou pour faire passer une loi en urgence. Ce jeudi, Élisabeth Borne a choisi d’y recourir afin de faire adopter la très impopulaire réforme des retraites. C’est la 11e fois qu’elle l’utilise depuis le début de son mandat, alors que la coalition soutenant la majorité présidentielle ne dispose que de 245 sièges à l’Assemblée nationale. Une majorité relative qui ne garantit pas le vote de tous les projets de loi.

Le recours à cette arme prévue par la Constitution, régulièrement accusée d’être antidémocratique, s’est joué à deux voix près, raconte Le Monde. Après avoir consulté les membres de son gouvernement, Emmanuel Macron a préféré assurer l’adoption de son projet de réforme des retraites en laissant sa Première ministre en première ligne.

VIDÉO - Retraites et utilisation du 49.3 : Elisabeth Borne s'exprime à l'Assemblée nationale

Michel Rocard, champion du 49.3

Installée à la tribune, Élisabeth Borne a commencé son discours en citant son prédécesseur Michel Rocard. Et pour cause, le Premier ministre socialiste, en exercice de mai 1988 à mai 1991, est à ce jour le recordman du 49.3. Il l’a utilisé à 28 reprises au début du second mandat de François Mitterrand. L’actuelle locataire de Matignon se place donc en deuxième position avec ses 11 utilisations.

Une autre femme vient compléter le podium. Édith Cresson, Première ministre de mai 1991 à avril 1992, a dégainé le 49.3 à huit reprises, toujours sous le mandat du président Mitterrand. Suit Manuel Valls qui, sous la présidence de François Hollande, l’a utilisé à six reprises. Rien qu’en 2015, il y a eu recours à trois reprises pour faire passer le projet de loi d’un certain Emmanuel Macron qui prévoyait notamment l’ouverture de certains commerces le dimanche.

Plus bas dans le classement, on retrouve Pierre Bérégovoy, Premier ministre de François Mitterrand d’avril 1992 à mars 1993 avec trois utilisations. Alain Juppé, Premier ministre sous le mandat de Jacques Chirac de mai 1995 à juin 1997, tout comme Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre du même président de mai 2002 à mai 2005, y ont eu recours à deux reprises.

Edouard Balladur (nommé par François Mitterrand), Dominique de Villepin (nommé par Jacques Chirac) et Edouard Philippe (nommé par Emmanuel Macron) ne l’ont utilisé qu’une seule fois durant leur mandat.

La motion de censure en riposte au 49.3

L’utilisation du 49.3 ne laisse pas pour autant l’Assemblée nationale démunie. L’article 49.3 "engage la responsabilité du gouvernement". Il dispose que : "Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent." La motion de censure doit être ainsi votée par un dixième des députés de l’Assemblée nationale, soit 58 députés.

Pour être adoptée, la motion de censure doit recueillir le vote d’approbation de 287 députés, soit une majorité absolue. Dans la plupart des cas où l’article 49.3 a été utilisé, l’opposition a déposé une motion de censure, mais elle a jusqu’ici toujours été rejetée. Si une des deux motions déposées vendredi 17 mars par le Rassemblement national et par le groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) soutenue par la gauche était adoptée, le gouvernement devrait démissionner et le texte de la réforme des retraites serait rejeté. Dans les faits, cela ne s’est jamais produit. Et cette fois, en additionnant les votes de la Nupes, du RN, de Liot et des non-inscrits, il manquerait 25 voix pour faire tomber le gouvernement, a calculé franceinfo. Réponse définitive lundi.

VIDÉO - France : après le 49.3, des motions de censure vont être déposées