Real Sociedad-PSG: l'itinéraire hors norme de Robin Le Normand raconté par ses proches et anciens coachs
C’est sans doute dans un jardin familial de Bréhand que le destin de Robin Le Normand s’est un peu dessiné. En compagnie de son frère cadet, Théo, Robin Le Normand a passé des heures à jouer au football entre l’école et les terrains d’entraînements, sous le regard de ses parents et de sa sœur Nora. Une habitude qu’il partage encore l’été avec Théo, aujourd’hui joueur à Guingamp. "C'est vrai que s'il y a un terrain pour un tennis-ballon ou une 'brésilienne' sur la plage, on va se défier, confie Théo. Toujours à celui qui mettra l'autre en difficulté. Cette concurrence entre nous deux est là depuis qu'on est petit. Le soir, c'étaient des duels dans le jardin avec un but que Papa avait fait avec deux lampadaires."
En arrivant dans la commune en 2002, le garçon de six ans fait ses débuts au club du village. Patrice Robin l’a entraîné dans ce premier club en U9 et U10 avant son départ à Lamballe: "Il jouait avec mon fils. Il était adorable. Il arrivait avant l’entraînement et repartait après les autres. Il était déjà au-dessus du lot. C’était du foot à 7. Je mettais Robin à l’arrière pour que ça ne passe pas et s’il décidait de partir tout seul et de mettre un but, il y allait. Il n’était pas plus costaud que les autres mais techniquement, il était au-dessus." Une supériorité qui va taper dans l’œil des voisins du club de Lamballe puis du Stade Brestois, où il signe en 2011.
Les larmes au Stade Brestois
Le défenseur central devient rapidement un élément clé dans l’équipe réserve des "Ti’ zefs". Laurent David l’a ainsi vu évoluer pendant plusieurs saisons au sein de son équipe. "C'était quelqu'un de très humble, une superbe éducation. J'en ai vu des joueurs, mais il fait partie des deux trois - voire le premier - de celui qui bossait le plus. Il fallait lui dire stop pour qu'il arrête l'entraînement. Un énorme travailleur. Il avait toujours envie de faire du jeu long, de la musculation. Il était toujours en demande. C'était en lui et il était tellement décidé à aller chercher un contrat. Comme s’il était programmé. Sa qualité première c'est que c'est un travailleur hors norme."
Laurent David en fait son capitaine. Mais malgré une apparition dans le groupe pro et une entrée en jeu face à Sochaux, Robin Le Normand n’obtiendra jamais le sésame tant attendu pour rester chez les Rouge et Blanc. Au printemps 2016, le joueur appelle ses parents en pleurs pour leur dire que le club a décidé de ne pas le conserver. "Lors du bilan de la saison, tous les éducateurs ont donné leur avis et tout le monde était unanime pour lui proposer un contrat pro. Malheureusement, ça n'a pas été accepté et ça a été une grande surprise."
"Je pense qu'à l'époque, les dirigeants pensaient que Robin ne pouvait pas le faire", analyse-t-il.
"Nous on propose, mais on ne décide pas. Il nous semblait que Robin méritait largement son contrat. La déception était assez grande chez les éducateurs car être tous convaincus comme ça, c'est rare. Je pense que ça l'a encore plus blindé pour aller chercher les choses. Non seulement c'est un travailleur énorme mais il a aussi un moral de fou. Il sait ce qu'il veut et où il veut aller." Sans doute pas au Pays basque malgré tout. C’est pourtant à San Sebastian, dans le club de la Real Sociedad, qu’il arrive sur les conseils d'Éric Olhats, qui avait également emmené Antoine Griezmann quelques années plus tôt.
Mi-breton, mi basque
Ce nouveau destin a marqué la famille, qui va effectuer des allers-retours le long de la côte Atlantique. Pour Théo, son frère, l’échec de Brest a fondé la réussite à la Real. "Quand il apprend que c'est fini avec Brest, il encaisse. Mais il a voulu tout de suite rebondir. La première opportunité a été la Real Sociedad et ça a été tout de suite concluant. On était tous tristes car il partait loin mais heureux aussi car il a tout de suite trouvé quelque chose. Peut-être un signe de son travail et qu'il y avait un chemin à aller chercher qu'on n'imaginait pas au début."
Et les progrès sont fulgurants. L’équipe première lui tend rapidement les bras. Il fait quelques apparitions en 2018 et devient le défenseur central quasi inamovible à partir de la saison 2019. Comme toute la famille, Théo observe avec attention l’évolution de son grand frère. "Il a réussi à faire parler ses qualités fortes, à savoir défendre. Il s'est amélioré et a évolué aussi sur sa façon de ressortir le ballon et attaquer comme on le fait plus en Espagne. Robin, c'est un peu un puits: il écoute, comprend vite, emmagasine et travaille. Il ne sait pas être dans la gestion. Il a toujours l'impression qu'il peut faire mieux. Sa force, quand je le vois jouer, c'est sa capacité à toujours analyser le jeu. Il sait toujours où est son attaquant. Il a une prise d'informations impressionnante. Physiquement, notamment dans les duels aériens, il les prend tous. Et techniquement, avec les années, il a progressé dans les sorties de balle. Il a rajouté ça à sa palette de footballeur."
La Roja et la Ligue des champions
La constance et la rigueur du défenseur français ne pouvaient pas être ignorées par les sélectionneurs nationaux. C’est la sélection espagnole qui le contacte en premier. Au printemps 2023, Didier Deschamps et Robin Le Normand échangent longuement. Mais son choix est fait. L’Espagne veut lui faire confiance, ce qui compte beaucoup dans sa décision finale. Par loyauté pour le pays qui lui a permis d’être pro, il décide donc de porter le maillot de la Roja.
"Un choix logique", selon lui, pour rendre à l’Espagne ce qu’elle lui avait donné.
Mais le Breton n’oublie pas ses racines et revient dès qu’il le peut dans les Côtes-d’Armor, où il possède une maison et où vivent ses parents. "Ça fait 7-8 ans qu'il est là-bas, poursuit Laurent David. Je peux comprendre. Il a envie de vivre son rêve à fond d'être international et il est titulaire aujourd'hui. Je suis très content quand je le vois et je ne suis pas jaloux qu'il ne soit pas en équipe de France. Je suis surtout content pour lui, pour l'homme qu'il est devenu. Passer beaucoup d'années dans un pays où on t'a accepté et fait confiance, je peux comprendre son choix."
Ce mardi, en huitième de finale retour de Ligue des champions contre le PSG (à 21h sur RMC Sport 1, défaite 2-0 à l'aller), il affrontera, comme lors de la première manche, des adversaires qui auraient pu être des coéquipiers sous le maillot des Bleus, à l’image de Kylian Mbappé. En Bretagne, certains seront partagés. "Moi je suis pour Paris, s’amuse Patrice Robin, l'un de ses premiers entraîneurs. Il y a trois semaines j’étais heureux pour Paris et déçu pour Robin, ce mardi soir, quelle que soit l’issue, ça sera pareil."
Le capitaine brestois Brendan Chardonnet, avec qui il a évolué dans la réserve finistérienne, n’est pas inquiet pour son ancien partenaire. "C’est un très bon joueur. Sa carrière a vraiment décollé et je suis très content pour lui. Ça va être un gros match. Après il est habitué: il est sélectionné avec l’équipe d’Espagne, il joue tous les ans contre le Real Madrid et le Barça..."
"Je ne m’en fais pas pour lui", conclut-il.
Si les parents de Robin seront au match à San Sebastian, Théo sera retenu par les entraînements avec son club de l’En Avant et regardera son grand frère devant la TV. "On était au Parc avec mon père et notre petite sœur Nora, qui fait du basket, et deux de mes grands-parents. On va espérer que cette soirée devienne spéciale et que ça se passe du mieux possible pour lui. Je suis un peu stressé mais très fier de le voir jouer ce genre de match."
Si l’aventure du Breton en Ligue des champions devait s’arrêter ce mardi soir, d’autres grands rendez-vous l’attendent: le Real ou le Barça en Liga... et pourquoi pas l'Euro 2024 au mois de juin prochain.