Real Sociedad-PSG: "Un coach courageux jusqu’au suicide..." Comment Luis Enrique est perçu en Espagne

Ce mardi soir, à l’occasion du huitième de finale retour de Ligue des champions entre la Real Sociedad et le PSG à Anoeta (21h sur RMC Sport 1, 2-0 pour Paris à l’aller), l’accueil devrait être mitigé pour Luis Enrique. L’Espagnol revient dans son pays en tant qu’entraîneur pour la première fois depuis le marquant 6 décembre 2022. Ce jour-là, la sélection avait été éliminée en huitièmes de finale de la Coupe du monde aux tirs au but par le Maroc. Et le sélectionneur Luis Enrique avait cristallisé les critiques, avec son style de jeu de possession poussé à l’extrême, une gestion de son groupe et une relation avec les médias compliqués. Tout ce qui caractérise le coach du PSG depuis ses débuts dans son pays natal.

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"Il a la tête dure, il est obstiné, sûr de lui, il veut maintenir ce qu’il pense", lâche Manuel, de la Pena Realista el Sur, groupe de fans de la Real Sociedad. Un trait de caractère qui revient tout le temps lorsqu’on évoque le cas de Luis Enrique. "Oui il est borné... Mais Luis Enrique a tout gagné, il n’a plus rien à prouver! Avec la sélection, c’est dur de comprendre, personne ne sait ce qu’il s’est passé. Les joueurs, la presse, tout s’en est mêlé", nuance un supporter de la Real. "Ça dépend aussi des joueurs que tu as, des ingrédients", ajoute Diego, un autre fan.

"Il ne sait pas calculer"

Car même si l’aventure en Espagne s’est mal terminée et a terni son image, personne n’oublie le passage de Luis Enrique au Barça, où l’entraîneur a tout raflé. Et impressionné par son style de jeu. "Un style de pression haute, pour toujours avoir l’équipe placée haute, prendre des risques parfois exagérés notamment sur les sorties de balle. Je trouve que c’est un style très courageux", pose Miguel Angel Lara. Ce journaliste a suivi la carrière du technicien pour le très connu journal Marca. "Il ne sait pas calculer. Pafois, il faudrait être plus tranquille mais lui ne veut pas. Ici, on dit qu’il est courageux jusqu’au suicide. Jusqu’à des situations qui ne devraient pas se produire. Que ce soit contre une équipe de 4e division ou le Real Madrid, la manière de jouer ne va pas changer. Il veut que les joueurs comprennent que le style n’est pas négociable. Au Mondial au Qatar, certains lui ont dit 'coach, on aimerait jouer d’une autre manière' et lui a dit 'non'." Une mentalité, que certains comparent à celle de Pep Guardiola, qu’Enrique s’est forgée au Barça, lors de sa formation comme coach. Il est convaincu voire prétentieux, disent certains. Et partout où il a entraîné, de la Roma à la sélection en passant par le Celta Vigo, l’Espagnol applique les mêmes méthodes.

"Il préfère une équipe sans grandes étoiles"

"Il est vraiment sûr de lui, de ce qu’il sait du foot", confirme Junior Tallo. L’ancien Lillois a été lancé en professionnel à l’AS Rome par Luis Enrique, qui venait de quitter la réserve du Barça, en avril 2012. "Il a sa philosophie et c’est un peu comme un soldat on va dire: 'je meurs avec ma philosophie'. C’était un joueur de tempérament et je ne pense pas qu’il va changer sa manière de voir le foot. Mais humainement, il est droit et je pense que c’est le plus important pour un joueur, il ne ment pas."

D’ailleurs, sa cote auprès de ses pairs, notamment dans son pays, est très élevée. Le directeur du football de la Real Sociedad, Roberto Olabe, est dithyrambique: "C’est un leader, il a la capacité brutale de mener des projets. C’est un motivateur extraordinaire, un grand entraîneur. On l’a vu travailler en Espagne beaucoup d'années et ce qu’il a fait est extraordinaire, ses équipes jouent très bien et gagnent." Et cela passe souvent par un management musclé. Lionel Messi et Neymar, pourtant indéboulonnables, se sont parfois assis sur le banc au Barça… comme le fait de plus en plus Kylian Mbappé ces dernières semaines. "Il a une phrase très claire: il préfère une équipe sans grandes étoiles plutôt qu’une équipe avec une grande étoile, se souvient Miguel Angel Lara. Il n’aime pas qui ses équipes jouent pour une star, comme Mbappé. Il est très direct avec ses joueurs."

Junior Tallo avait aussi été impressionné par son caractère en Italie: "Quand il est arrivé à l’AS Rome il y avait de gros joueurs, de gros noms mais il a su imposer sa philosophie. C’est typique Luis Enrique. Il juge les gens au mérite. Lui, ce n’est que le travail, au plus méritant. Si tu mérites de jouer, il te donnera ta chance." La légende Francesco Totti en avait fait les frais.

Des relations tendues avec les médias espagnols

Il peut froisser les égos mais il s’en fiche. Depuis ses débuts en Espagne, le projet passe toujours avant les individualités. "C’est un coach qui ne te parle pas beaucoup et qui ne te met pas trop en confiance, lâchait Jérémy Mathieu, qui l’a eu au Barça, sur Bein Sports. Je joue beaucoup sur la confiance et parfois, je faisais des gros matchs et après j’étais sur le banc mais il ne m’a jamais expliqué pourquoi." Et la remise en cause n’est pas son point fort, à en croire les observateurs.

Ancien joueur du Real Madrid puis du Barça, l’entraîneur a très tôt divisé et cristallisé les critiques de différents camps. Avec le temps, sa relation avec les médias a donc fini par se tendre. "Il a du mal avec la critique, confirme Miguel Angel Lara. Il comprend que l’on se pose des questions mais comme on ne connaît pas tout, son groupe, la vie de l’équipe, il a dû mal avec ça." L’intéressé avait même décidé d’utiliser le réseau social Twitch pendant la dernière Coupe du monde afin de s’adresser directement à ses fans. Le décès de sa fille, malade, en 2019, l’a aussi changé. "Il y a deux Luis Enrique. L’un avant le décès de sa fille, un après", explique Miguel Angel Lara. Celui d’après est encore plus fou de football et de sport en général, convaincu et travailleur. Peu importe ce que pensent les gens. Les journalistes français ont pu s’en rendre ces derniers mois, avec un Luis Enrique tantôt prolixe, tantôt très froid.

Une victoire en quatre matchs à San Sebastian

Dans un football où les individualités prennent de plus en plus de place et dans un club comme Paris, si particulier à entraîner, Luis Enrique peut-il réussir? "Je pense qu’il faut deux saisons pour que ça prenne. Il aura le temps de faire son groupe, il faudra le juger l’année prochaine, réfléchit Junior Tallo. Je pense qu’il peut avoir du succès. Il a toujours réussi partout où il est passé. Je pense que c’est une très bonne idée en tout cas." Le départ de Mbappé va même l’aider, selon Miguel Angel Lara: "Pour moi, le PSG est une équipe très difficile pour n’importe quel entraîneur de par sa manière de fonctionner. J’attends la saison prochaine sans Mbappé pour voir s’il a le pouvoir." En attendant, Enrique poursuit sa saison, fidèle à ce qu’il a toujours montré. Et un gros rendez-vous l’attend à San Sebastian, où il n’a gagné qu’une fois en quatre rencontres sur un banc.

Article original publié sur RMC Sport