Racket, violence... "Terrifiés d'aller au lycée", des élèves dénoncent "l'insécurité" dans une cité scolaire de l'Aube

"Vols, agressions, bagarres, coups de couteau." Que se passe-t-il à la cité scolaire Gaston Bachelard de Bar-sur-Aube, dans l’Aube? Plusieurs élèves affirment être confrontés à une "insécurité" grandissante depuis la fin de l’année 2022. A tel point qu’une trentaine d’adolescents s’est rassemblée dans le hall de l’établissement le 23 janvier dernier pour alerter la direction, rapporte L'Est éclair.
Ce jour-là, entre les mains des collégiens et lycéens circule un texte rédigé par des victimes et des témoins de ces incivilités.

"Certains d’entre nous sont terrifiés à l'idée d'être ici, de se faire voler leurs affaires, certains d’entre nous ne veulent pas être seuls de peur de se faire agresser, ne veulent même plus aller aux toilettes", énumèrent les auteurs.

Racket aux toilettes

Le fils de Sylvie* a fait son entrée en classe de 3è à la cité Bachelard au mois de septembre. Depuis plusieurs semaines, un groupe d'adolescents semble l’avoir pris en grippe. "Il est régulièrement victime de vols", principalement durant les cours de sport car les vestiaires ne sont pas fermés à clé, explique-t-elle à BFMTV.com. "On lui a pris ses écouteurs, sa carte de cantine, sa calculatrice. En classe, il n’ose plus participer car on se moque de lui", souffle cette maman inquiète.

"Vendredi dernier encore, on lui a volé la carte mémoire de son ordinateur. Il angoisse tous les matins avant d’aller à l’école", décrit-elle.

A tel point que des plaques d’urticaire sont apparues sur sa peau. "C’est en lui faisant une prise de sang que je m’en suis aperçue", nous confirme une infirmière libérale de Vendeuvre-sur-Barse. "Au début, j’ai pensé à une allergie alimentaire mais en lui posant quelques questions, j’ai fini par comprendre que c’était lié au stress d’aller à l’école".

"Il m’a confié qu’il s’empêchait de boire et de manger pour ne pas aller aux toilettes pendant la journée parce que c’est un endroit où il se fait racketter, ou chahuter", dépeint l’infirmière, préoccupée par les conséquences que ce sentiment d’insécurité créé chez l’adolescent.

La "violence se ressent tout le temps"

D’autant qu’il n’est pas le seul à s’être livré à cette professionnelle. "Je suis beaucoup plus attentive maintenant, alors quand j’ai en consultation un enfant de la cité scolaire Bachelard, je lui demande comment ça se passe. Trois adolescents de suite m’ont décrit la même situation", s’alarme-t-elle, redoutant un "phénomène d’ampleur". C’est en tout cas le sentiment d’Elisa*, élève de 1è qui a participé au sit-in.

"Il y a quelques jours encore, un groupe de garçons cherchait un petit pour le taper dans le bus. Ils sont beaucoup à être menacés. Cette violence se ressent tout le temps, tout le monde y est confronté soit en tant que victime, soit en tant que témoin", nous détaille-t-elle.

Elle affirme que la situation s’est dégradée depuis le mois de décembre, "à peu près", mais ne parvient pas à en identifier la cause. Le père de cette adolescente réfléchit à voix haute: "Peut-être que l’agression au couteau qui a eu lieu devant l’école pourrait avoir banalisé la violence? Je ne sais pas…"

Le 9 décembre dernier, une situation conflictuelle entre quatre hommes a dégénéré devant les portes de l’établissement et un jeune adulte a été blessé au couteau. Un mois plus tard, les quatre protagonistes ont été jugés devant le tribunal judiciaire. Trois d’entre eux ont été condamnés, le dernier a bénéficié d'une relaxe.

Des sanctions éducatives "sévères"

Face aux multiples alertes des parents et des élèves, la direction de l’établissement dit chercher à "apaiser le climat scolaire". A ce titre, elle a réuni, vendredi 3 février, "tous les acteurs du territoire" dont le sous-préfet, l’inspectrice d’académie, le proviseur et le maire de la ville. Ensemble, ils promettent d’organiser des sessions d’écoute afin de mettre en place "de nouvelles solutions".

"Le Directeur académique des services de l'Éducation nationale de l’Aube se rendra très prochainement dans l’établissement afin de rencontrer les représentants des parents d’élèves et les élèves pour libérer la parole, trouver des solutions communes et permettre une meilleure lisibilité des actions déjà mises en place", est-il indiqué dans un communiqué.

La cité scolaire Bachelard relativise néanmoins les problèmes décrits par les élèves et soutient qu’au "collège, la situation générale est très calme, le climat scolaire est serein. Au lycée les retours sont globalement positifs, toutefois une minorité d’élèves vient troubler le sentiment de bien-être collectif". La direction rappelle par ailleurs que "depuis la rentrée, des sanctions éducatives jusqu’aux plus sévères ont été prises envers des élèves indisciplinés (...) Chaque semaine, les CPE (conseil principal d’éducation, NDLR) reçoivent des familles pour discuter du comportement inadéquat d’élèves".

D'autres actions en prévision

Sylvie nous confirme avoir reçu un appel vendredi dernier de la part de la CPE, mais l'échange lui laisse un goût amer.

"Elle m’a dit que des solutions avaient été mises en place pour les vols pendant les cours de sport: les élèves peuvent désormais laisser leur sac à côté du bureau du prof... C’est une solution ça?", soupire la maman démunie. "Si ça continue, je changerai mon fils d’école l'an prochain, c’est tout. Je pensais que l’école prendrait le problème plus à cœur".

"Faut-il attendre un suicide pour avoir des actions fortes?", s'agace le père d’Elisa. "L’école donne l’impression qu’elle ne fait pas son maximum. Pourtant, la direction a toujours été à l’écoute des parents et des élèves… Là on ne comprend pas". "Je ne suis pas sûre qu’ils se rendent compte de l’ampleur du problème", abonde sa fille. L’adolescente, membre du Conseil de la vie lycéenne, prévient: "Si les violences continuent, on n’hésitera pas à conduire de nouvelles actions pour se faire entendre."

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.

Article original publié sur BFMTV.com