Réforme des retraites : au Sénat, la droite utilise l’article 38, la gauche parle de « bâillon »

En recourant à un article interne au règlement du Sénat, le président du groupe majoritaire LR Bruno Retailleau a accéléré les débats, avant que le rapporteur LR du texte ne fasse de même, avec un deuxième outil parlementaire.
En recourant à un article interne au règlement du Sénat, le président du groupe majoritaire LR Bruno Retailleau a accéléré les débats, avant que le rapporteur LR du texte ne fasse de même, avec un deuxième outil parlementaire.

POLITIQUE - Accélérer le rythme, notamment des critiques. En recourant à deux techniques parlementaires, la majorité sénatoriale de droite a donné un gros coup d’accélérateur, dans la nuit du mardi 7 à mercredi 8 mars, à l’examen de la réforme des retraites, alors qu’est discuté l’article pivot qui repousse l’âge de départ à 64 ans. Et ce malgré la levée de boucliers de la gauche qui a fini par quitter l’hémicycle.

Un peu avant 1 heure du matin, le président du groupe LR Bruno Retailleau a ainsi utilisé l’article 38 du règlement du Sénat pour couper court au débat. La « clôture des débats » que prévoit cet article a donc été proposée sur une première série d’amendements qui visaient à supprimer l’article 7 et étaient portés par la gauche. Elle a été adoptée à main levée et les amendements ont été balayés.

C’est la première fois que l’article 38 du règlement du Sénat est utilisé depuis sa révision en 2015. Il peut s’appliquer aux prises de parole sur article, aux explications de vote sur amendement ou sur un article, ou encore aux explications de vote sur l’ensemble d’un texte.

Avant même le début des débats, la gauche avait mis en garde contre le recours à cet article et son utilisation a sans surprise provoqué un tollé. « Honte à vous », « C’est un scandale », s’est indigné le chef de file des sénateurs socialistes Patrick Kanner. « Le recours à cette procédure est un acte de faiblesse de la part de la droite sénatoriale », a aussi réagi la présidente du groupe CRCE à majorité communiste Éliane Assassi, dénonçant « un coup de force », « une attaque contre la démocratie et les droits du Parlement ». « Ce n’est pas digne du Sénat », a-t-elle affirmé.

« Un jour historique de mobilisation, sur l’article 7, le plus important, vous décidez de bâillonner le Parlement, de censurer le Sénat », a encore accusé le président du groupe écologiste Guillaume Gontard.

1 100 amendements de la gauche passés à la trappe

« Ça fait cinq jours et cinq nuits que nous avons affaire à une obstruction », a plaidé pour sa part Bruno Retailleau, pour qui « l’obstruction est au Parlement ce que la désertion est à un soldat ». « Nous avons eu sur cet article en l’état 124 interventions, je considère que les exigences de clarté et de sincérité ont été respectées », a déclaré le président du Sénat Gérard Larcher (LR). Le Sénat a, dans la foulée, rejeté les quelque 70 amendements déposés par la gauche demandant la suppression de l’article 7.

Le deuxième acte de cette soirée d’escarmouches parlementaires s’est joué une heure plus tard, aux alentours de 2 heures du matin. Après trois suspensions de séance, le rapporteur LR René-Paul Savary a soumis au vote un amendement de « réécriture » de l’article 7, qui n’en modifie pas le fond. L’objectif : faire « tomber » plus de 1 100 amendements déposés par la gauche.

La gauche a bien tenté de contre-attaquer en présentant une épaisse liasse de sous-amendements. « Comme nous nous attendions également à la réécriture de cet article 7, nous avons travaillé des sous-amendements pour son examen. Je les remets au service de la séance », a déclaré Éliane Assassi. Mais la très grande majorité d’entre eux ont été déclarés « irrecevables », au grand dam des élus.

« C’est moi qui préside ! », a dû tonner Gérard Larcher pour interrompre la bronca de la gauche, qui criait au « bricolage ». Le vote a finalement eu lieu à 3 heures 30 du matin, en l’absence des trois groupes de gauche qui avait quitté l’hémicycle.

« Il nous restera un débat riche sur cet article 7 », a assuré René-Paul Savary, 75 amendements restant à examiner.

La suite des discussions est ainsi prévue ce mercredi après-midi, après la séance de questions au gouvernement. La majorité sénatoriale a pour objectif d’aller jusqu’au bout du texte et de procéder au vote final d’ici la date butoir de dimanche minuit. L’Assemblée nationale n’ayant pas pu voter sur l’ensemble du texte, une commission mixte paritaire où les parlementaires des deux assemblées devront se mettre d’accord aura ensuite lieu le 15 mars.

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