Réforme des retraites : les alternatives écartées par le gouvernement

Élisabeth Borne présente sa réforme des retraites en conseil des ministres. La première ministre a fait des choix forts ; on vous explique pourquoi.

RETRAITES - Le gouvernement a fait son choix. Pour rétablir l’équilibre dans le système de retraites français, l’exécutif a décidé d’augmenter l’âge de départ à la retraite et d’accélérer le calendrier concernant la durée de cotisation. Deux mesures au centre du texte qui est présenté ce lundi 23 janvier en conseil des ministres, huit jours avant une deuxième grande journée de mobilisation syndicale.

Mais pour mettre fin au déficit qui mine le système de retraites, d’autres solutions que celles présentées dans ce projet de loi controversé existent. Le Huffpost liste quelques-unes de ces alternatives, et explique pourquoi le gouvernement les a écartées.

Mettre à contribution les retraités

C’est une ligne rouge que ne souhaite en aucun cas franchir le gouvernement : faire contribuer les retraités. « Ce qu’on exclut, c’est de baisser le montant des retraites », soulignait Élisabeth Borne début décembre dans Le Parisien. « Cibler certains retraités (…), ce serait déstabiliser le contrat social », estimait aussi François Bayrou, député Modem proche d’Emmanuel Macron, dans Les Échos le 8 janvier dernier.

Pourtant, dans son étude Une autre réforme des retraites est possible, le think tank Terra Nova a estimé que les retraités étaient en capacité de contribuer : « Certes, ils ont déjà été mis à contribution lors du précédent quinquennat [avec la hausse de la CSG, ndlr]. Mais force est de constater que les retraités ont toujours les moyens de participer à l’effort collectif ».

En effet, a analysé l’auteur de l’étude à l’aide de multiples graphiques, « les retraités français réussissent l’exploit d’avoir un niveau de vie supérieur [aux actifs], une fois tenu compte du fait qu’ils sont plus souvent propriétaires de leur logement, ce qui leur permet d’économiser le versement de loyers ».

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Dans ce contexte, le think tank estime que « la désindexation des retraites, même partielle, constituerait un levier puissant pour dégager des économies ». Viser ceux dont la pension est supérieure à 2 000 euros permettrait ainsi d’économiser un milliard d’euros. Autre alternative soulevée dans l’étude, une « clause de solidarité intergénérationnelle » en cas de crise inflationniste comme c’est le cas actuellement.

Interrogé par Le Huffpost, l’économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) Vincent Touzé estime qu’il serait aussi possible, comme en 2017, « de rogner sur les retraites en utilisant la CSG, par exemple la majorer pour ceux qui ont les plus grosses pensions ». Non seulement, cela permettrait de financer en partie les retraites, mais aussi « le déficit de la sécurité sociale, qu’il ne faut pas oublier ».

Alors, pourquoi la majorité a écarté cette solution ? « Sans doute la sociologie électorale de la majorité présidentielle et la forte propension à voter de nos aînés ne sont-elles pas totalement étrangères à ce choix », juge Terra Nova. « Ce peut être un argument, concède Vincent Touzé. Après tout, quel gouvernement, quel parti n’a jamais été en situation d’être plus tendre en faveur de son électorat ? »

« Soit on parle de très peu de monde et cela ne suffira pas. Soit on parle de surtaxer des personnes qui sont à un peu plus de 1 500 euros. Or chacun sait que les retraités contribuent beaucoup à la solidarité familiale, pour leurs enfants, petits-enfants, et désormais même leurs parents », a pour sa part justifié Gabriel Attal, ministre de l’Action et des comptes publics dans Le Parisien.

Augmenter les cotisations salariales et patronales

« Si on veut trouver cet équilibre [du système des retraites], une très légère augmentation des cotisations patronales, d’un point à peine, qui n’augmenterait que de 0,7 % la masse salariale, pourrait y contribuer puissamment », assurait aussi François Bayrou dans Les Échos. Un avis partagé par certains syndicats et des membres de l’opposition.

Mais pour Élisabeth Borne, pas question d’« augmenter le coût du travail. Ma priorité, c’est le plein-emploi. Nous ne voulons pas alourdir les cotisations », a-t-elle déclaré sur franceinfo le 3 janvier.« On a simulé l’impact d’une telle mesure : entre 150 000 et 200 000 emplois seraient supprimés », a renchéri dans Le Parisien Gabriel Attal.

Le syndicat CFTC voulait aller plus loin en touchant aussi aux cotisations salariales. « Nous avons estimé qu’une hausse de 0,8 % de la cotisation retraite permet d’engranger 10 milliards d’euros. La hausse serait répartie à 0,4 % pour les cotisations patronales et 0,4 % pour les cotisations salariales, ce qui représenterait une hausse de cotisations de 4 à 5 euros par mois pour un salaire au Smic », expliquait dans Capital son président Cyril Chabanier.

Cette solution, qui impacterait un peu plus le pouvoir d’achat des ménages, pourrait cependant mal passer en cette période inflationniste. La hausse des cotisations retraite « présente le double inconvénient de peser sur les actifs – car elle est répercutée en partie sous forme de moindres hausses de salaire – ainsi que sur l’activité économique, du fait de ses effets négatifs sur l’emploi et la compétitivité », ajoute l’étude de Terra Nova.

Toujours pour les entreprises, le think tank préconise la « fin des exonérations de cotisations comprises entre 1,6 et 3,5 Smic, dont il a été démontré qu’elles n’ont pas d’effet significatif sur l’emploi et la compétitivité », comme l’a démontré dès 2019 l’OFCE. La CFTC et la CGT soutiennent cette mesure et ciblent également l’exonération concernant les salaires inférieurs à 1,6 SMIC, dite « exonération Fillon ». Aucun d’eux n’a été entendu par l’exécutif.

Mettre à contribution les plus riches

La gauche veut enfin, sans surprise, mettre à contribution les Français les plus riches. Lors du meeting de la NUPES contre la réforme des retraites le 17 janvier, le patron du PS Olivier Faure a fustigé le gouvernement qui a écarté ces derniers mois le rétablissement de l’impôt sur la fortune immobilière (ISF), l’instauration d’une taxe sur les superprofits ou encore l’abolition de la flat tax qui pourraient contribuer à combler le déficit.

« Une taxe de seulement 2 % sur les milliardaires effacerait totalement le déficit (temporaire) du système de retraites que le gouvernement juge soi-disant incontrôlable », a complété l’eurodéputée insoumise Manon Aubry, reprenant les conclusions du rapport sur les inégalités mondiales d’Oxfam publié le 16 janvier.

Ce dernier point n’a pas convaincu Olivier Véran. « C’est factuellement totalement faux. Cela revient à confondre la fortune personnelle du capital d’une entreprise, qui elle concerne la totalité des salariés de cette entreprise », a évacué le porte-parole du gouvernement mercredi 18 janvier à la sortie du Conseil des ministres.

Et de conclure : « C’est vrai qu’il existe plusieurs façons de réformer les retraites, nous ne l’avons jamais caché. Nous assumons, nous, de ne pas augmenter les impôts, ni la dette, ni de baisser les pensions des retraités. »

VIDÉO - Philippe Poutou dénonce l'attitude du gouvernement sur la réforme des retraites: "Ils ne veulent pas convaincre, ils veulent imposer"

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