Réforme des retraites : 49.3, motion de censure… La semaine de tous les risques pour le gouvernement

La fin du parcours législatif de la réforme des retraites promet encore des sueurs froides au gouvernement à l’heure où plane le spectre d’une motion de censure transpartisane.

POLITIQUE - « Décisif : se dit d’un moment, de l’instant où des événements importants se décident. » Cette définition du Larousse n’est pas galvaudée pour qualifier la semaine qui attend le gouvernement. Les prochains jours seront décisif pour la très contestée réforme des retraites, après l’aval attendu du Sénat.

Comme une veillée d’armes, Élisabeth Borne a réuni plusieurs ministres en pointe sur le texte, ce dimanche 11 mars en fin d’après-midi. Un conciliabule pour « préparer les prochaines étapes », selon Matignon. Et « travailler à accompagner la recherche d’un consensus », selon les mots du porte-parole du gouvernement Olivier Véran à son issue.

Si les étoiles s’alignent pour l’exécutif, le projet phare d’Emmanuel Macron sera voté dès jeudi 17 mars. D’ici là, le parcours législatif, semé d’embûches depuis le premier jour, promet encore de belles sueurs froides au camp présidentiel. Qui plus est à l’heure où ressurgissent les spectres d’un 49.3 et d’une motion de censure.

Des difficultés crescendos

Les difficultés iront, en réalité, crescendo. La commission mixte paritaire, conclave parlementaire méconnu du grand public, va se réunir mercredi, à huis clos, dans une salle de l’Assemblée nationale, en parallèle d’une nouvelle mobilisation sociale. Pour faire court, 7 sénateurs et 7 députés choisis en fonction de la taille des groupes politiques dans les différentes chambres, vont négocier pour trouver des compromis et aboutir à un texte final.

Sauf grande surprise, la commission devrait être « conclusive » puisque les promoteurs de la réforme (Renaissance, MoDem et LR) y sont assez largement majoritaires (9 élus sur 14). Si la fumée est blanche, le texte repart alors pour un tour rapide au Sénat puis à l’Assemblée. Le vote devrait, à nouveau, être une formalité à la Chambre haute, jeudi matin… pour se transformer en gageure à la Chambre basse.

C’est effectivement avec le retour au Palais Bourbon, jeudi après-midi, que les choses vont se corser pour le gouvernement. Pour cause : il n’est pas certain, à l’heure actuelle, que l’exécutif puisse compter sur une majorité de voix.

Selon les calculs de l’AFP, 30 à 35 députés LR envisagent de voter le texte, une quinzaine de s’y opposer et environ une dizaine de s’abstenir. Dans la majorité, où l’entente n’est pas toujours au beau fixe entre les différents groupes, une petite dizaine d’élus pourrait opter pour l’abstention. Ce qui, selon les additions, pourrait fixer le nombre de soutiens au texte autour de 280, quand 289 sont nécessaires pour obtenir une majorité.

Le spectre tenace du 49.3

On comprend donc que les calculettes sont de sorties dans le camp présidentiel pour convaincre les députés Les Républicains réticents à voter le texte et s’éviter ainsi l’option d’un 49.3, forcément délicat à assumer. L’hypothèse inflammable est semble-t-il dans toutes les têtes, à l’orée de cette semaine cruciale.

Plusieurs acteurs de la réforme se sont exprimés en longueur, dimanche, notamment dans le JDD, pour dire tout le mal qu’ils pensent de cette procédure, et ce même dans la majorité. Ce serait « fou et dangereux », a par exemple tonné le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger dans les colonnes de l’hebdomadaire, quand François Bayrou, le président du MoDem évoquait, quelques heures plus tard auprès de RTL, LCI et du Figaro, des arguments « très fort » contre le 49.3, même s’« il y a peu de marges » pour réunir suffisamment de députés.

« Une motion de censure sera déposée et cette fois-ci, elle a de grandes chances d’être adoptée »
Aurélien Taché, député EELV sur BFMTV

L’hypothèse n’est pas privilégiée par le gouvernement, a confirmé Olivier Véran, dimanche soir au sortir de Matignon. Mais elle n’est pas exclue non plus. « Nous souhaitons transformer notre majorité relative en majorité absolue sur la réforme des retraites », a martelé le porte-parole, sans s’engager sur le fait qu’Élisabeth Borne se passerait in fine de cette arme.

D’autant plus que ce cas de figure entraînerait de nouvelles difficultés, peut-être majeures, pour l’exécutif. L’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution ne resterait pas sans riposte, et les députés de l’alliance de gauche Nupes, ceux du RN, voire des opposants d’autres groupes, pourront déposer des motions de censure du gouvernement.

Jordan Bardella, le président de la formation d’extrême droite, a évoqué dimanche des « discussions » à l’Assemblée sur une motion commune aux oppositions pour faire tomber le gouvernement, confirmant une hypothèse qui circule à bas bruit depuis quelques jours. Comme souvent, les députés du petit groupe indépendant LIOT pourraient détenir les clefs de cette affaire. « C’est quelque chose auquel on pense », assure un des membres, Paul Molac, à propos de cette motion transpartisane au Télégramme. Un texte consensuel, qui aurait l’avantage de recueillir les voix de divers horizons.

« Si le 49.3 est utilisé, une motion de censure sera déposée et cette fois-ci, elle a de grandes chances d’être adoptée », résumait au cours du week-end sur BFMTV le député EELV Aurélien Taché, pour qui, un brin optimiste, « ce gouvernement tombera. » Un cas de figure qui entraînerait de nombreuses réactions en chaîne. Mais ça, c’est une autre histoire.

Lire sur le HuffPost

Réforme des retraites : le gouvernement ne veut pas utiliser l’article 49.3

Réforme des retraites : la gauche salue le choix espagnol… Un peu trop vite ?

VIDÉO - Réforme des retraites adoptée au Sénat: l'interview intégrale d'Olivier Dussopt