Réforme de l’assurance chômage : à peine annoncée par Attal, la mesure fait l’unanimité contre elle

POLITIQUE - Alors que le déficit dérape, et que l’État éprouve un sérieux besoin de recettes pour renflouer les caisses, Gabriel Attal a confirmé ce mercredi 27 mars l’une de ses idées phares : s’en prendre à un régime excédentaire, alors que les effets bénéfiques d’une telle mesure sur le Budget restent à démontrer. Dit autrement, une (nouvelle) réforme « globale » de l’assurance chômage, consistant à réduire la durée d’indemnisation des chômeurs.

Attal veut rouvrir le dossier de l’assurance chômage et les syndicats sont déjà très inquiets

Le projet derrière l’annonce du Premier ministre : parvenir à un « modèle social qui incite davantage à l’activité » ce qui, par effet ricochet, participera à réduire le déficit. « Si nous avions le même taux d’emploi que nos voisins allemands, nous aurions beaucoup moins de problèmes avec nos finances publiques, car nous aurions des recettes fiscales et sociales plus importantes », a-t-il fait valoir mercredi soir sur TF1, suggérant donc que le système actuel (pourtant dans le vert financièrement) entretient l’inactivité.

Les oppositions vent debout

Sans surprise, cette piste qui risque d’aggraver les conditions de vie des moins de 50 % personnes sans emplois effectivement indemnisées, a fait bondir les oppositions. À gauche comme à droite. Patron du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix a dénoncé un « enfumage » de la part de Gabriel Attal. « En 2024 le déficit de l’État sera de 173 milliards d’euros. En 2024, l’assurance chômage sera excédentaire de 3 milliards d’euros. Où croyez-vous que le gouvernement propose un effort ? Chômeurs âgés, transports sanitaires… Oui. Train de vie de l’État… Rien », a-t-il dénoncé sur le réseau social X.

Député socialiste, Arthur Delaporte dénonce de son côté « une folie de plus » commise par l’exécutif. L’élu du Calvados en veut pour preuve le dernier rapport de la Dares (publié par des économistes du ministère du Travail), qui montre que la dernière réforme de l’assurance chômage a bien diminué le niveau de rémunération des chômeurs, mais sans pour autant avoir un effet significatif sur l’emploi.

« Le gouvernement vous fait les poches. Les milliardaires n’ont jamais payé aussi peu d’impôts, mais le Premier ministre s’attaque aux chômeurs. Vous cotisez, ils arrosent les multinationales. Les chômeurs seront privés d’indemnités, les riches continueront de se gaver », renchérit de son côté la députée LFI Clémence Guetté, quand sa collègue écolo Sandrine Rousseau accuse Gabriel Attal et Bruno Le Maire « de détruire l’identité française plus vite que n’importe qui ».

Présidente du groupe RN à l’Assemblée, Marine Le Pen a aussi fustigé cette annonce. « La réforme de l’assurance chômage est une escroquerie qui n’a qu’un seul but : faire les poches des Français pour renflouer les comptes de l’État qui sont en déficit à cause de l’impéritie du Gouvernement. Le régime est excédentaire, il n’y a aucune nécessité à le réformer ! », s’est-elle indignée sur le même réseau social.

« Cynisme absolu »

Cette réforme annoncée inquiète également du côté syndical. Dans la soirée, Denis Gravouil, négociateur de la CGT sur l’assurance chômage, est montée au créneau en assurant que le gouvernement veut « encore taper sur les précaires ou les chômeurs ». Même son de cloche pour la secrétaire générale du syndicat, Sophie Binet.

« L’obsession du gouvernement pour les privés d’emploi vire au trouble obsessionnel », a-t-elle dénoncé sur franceinfo, considérant que cette réforme s’inscrirait « en dehors de toute rationalité économique », puisque rien selon elle ne prouve l’effet incitatif mis en avant par le Premier ministre. « Le régime d’assurance chômage ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire de l’État », a pour sa part prévenu la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon. François Hommeril, président de la CFE-CGC, a dénoncé à l’AFP un « discours populiste » au « cynisme absolu » qui « méconnaît ce que c’est la situation d’un chômeur confronté à la difficulté de retrouver un emploi », auquel « on va imposer des mesures de rétorsion comme s’il était responsable en partie ou en totalité de sa situation ».

Et qu’en pensent les économistes ? Avant l’intervention de Gabriel Attal au 20 heures de TF1, plusieurs spécialistes doutaient à haute voix de cette réforme envisagée par l’exécutif. « D’abord, durcir les règles de l’assurance chômage, ça ne crée pas d’emplois », expliquait mardi 26 mars à franceinfo, Bruno Coquet, spécialiste des politiques du marché du travail. « Il faut toujours se demander pourquoi les chômeurs non indemnisés ne reprennent pas d’emploi. Ce n’est pas parce qu’ils sont trop indemnisés », alertait-il. En vain, puisque c’est bien la trajectoire que semble l’exécutif.

« En faisant ça le gouvernement prend le problème à l’envers. Premièrement, depuis la réforme de 2019, il n’y a quasiment plus de situations dans lesquelles le travail est moins attractif que le chômage. Deuxièmement, le vrai problème de fond est que dans ce pays, depuis quinze ans, travailler ne permet plus à la majorité des gens de changer de niveau de vie. La question est comment faire pour que le travail paye plus, et non pour que le chômage paie moins », a déploré mercredi soir auprès de L’Opinion Antoine Foucher, ex-directeur général adjoint du Medef et ancien chef de cabinet au ministère du Travail du temps de Muriel Pénicaud de 2017 à 2020.

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