Qui est Bruno Roger-Petit, conseiller d'Emmanuel Macron derrière l'idée de la dissolution ?

Macroniste de la première heure, l'ancien journaliste fut pendant un temps porte-parole de l'Elysée, avant d'être rétrogradé au poste de conseiller mémoire.

Bruno Roger-Petit serait l'un des principaux architectes de la dissolution décidée par Emmanuel Macron (Photo : LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images)

Dans l'entourage d'Emmanuel Macron, l'influence de cet ancien journaliste serait particulièrement importante, ces derniers temps. Alors que la déflagration créée par l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale se fait encore sentir, certains éléments commencent à émerger sur les coulisses de ce coup de tonnerre politique.

D'après Le Monde, la décision de dissoudre aurait en effet été "tenue secrète jusqu’au dernier moment par un petit groupe d’une dizaine de personnes" appartenant à l'entourage réduit du président de la République. Le quotidien affirme notamment que le Premier ministre Gabriel Attal l'aurait apprise "au dernier moment".

En amont, plusieurs conseillers d'Emmanuel Macron auraient toutefois joué un rôle décisif pour imaginer cette dissolution surprise, en particulier Bruno Roger-Petit, qui occupe le poste de "conseiller mémoire". S'adressant à des journalistes du Monde dimanche soir pour expliquer la décision présidentielle, ce dernier aurait même sous-entendu "que la dissolution, c’était son choix".

Si le quotidien vespéral cite d'autres proches du président (notamment Jonathan Guémas, conseiller spécial chargé de la communication et de la stratégie, et Clément Léonarduzzi, vice-président de Publicis France et ancien conseiller de Macron pendant la campagne de 2022) qui ont œuvré sur ce dossier, Bruno Roger-Petit semble ainsi en avoir été le grand architecte. Mais qui est vraiment celui que l'on surnomme "BRP" ?

Né en 1962, Bruno Roger-Petit est entré véritablement en politique en 2017, après une carrière dans le journalisme longue de près de 30 ans. Voguant d'un média à l'autre, il a notamment travaillé à la télévision (France Télévisions, C8 et i-Télé, ancêtre de CNews), à la radio (France Inter, BFM et Europe 1), mais aussi en presse web (sur les sites du Nouvel Obs et de Challenges, mais aussi pour Yahoo Sport France).

Traitant essentiellement de sujets sportifs et politiques, "BRP" avait déjà tenté un premier rapprochement avec le Parti Socialiste (PS) au milieu des années 2000. Après avoir gravité dans l'entourage d'Arnaud Montebourg, il avait ainsi essayé d'obtenir l'investiture du PS pour être candidat aux élections législatives de 2007, mais s'était finalement fait recaler.

"Il a surtout intrigué auprès de beaucoup de monde pour obtenir des investitures, affirme un proche de Montebourg, cité par Le Lab d'Europe 1. N’obtenant jamais satisfaction, car personne n’avait confiance en lui, il n’a eu cesse d’utiliser les médias dans lesquels il s’exprimait pour régler ses problèmes personnels. Résultat, on a eu droit à dix années de vindicte odieuse, jamais tempérée ni vérifiée. Il était surnommé O puissance 2 : 'Opportuniste odieux'."

En 2016, celui qui tient alors un blog pour le magazine Challenges commence à multiplier les billets dithyrambiques au sujet du jeune ministre de l'Économie qui vient de quitter le gouvernement pour fonder son propre parti, Emmanuel Macron. En octobre, alors qu'il ne s'est pas encore officiellement déclaré candidat, ce dernier lui accorde un grand entretien. Comme le rappelle Le Monde, "BRP" sera ensuite l'un de ses soutiens les plus actifs pendant toute la campagne présidentielle.

Après la victoire de Macron à l'élection présidentielle de 2017, Bruno Roger-Petit intègre la garde rapprochée du nouveau chef de l'État. L'ancien journaliste devient porte-parole de l'Élysée, un poste qu'il occupera pendant un peu plus d'un an. À l'été 2018, il est en effet démis de ses fonctions après une communication de crise calamiteuse au moment de l'affaire Benalla.

Depuis cet épisode, Bruno Roger-Petit a été "rétrogradé" au poste de "conseiller mémoire" du président de la République, mais il exercerait toujours une énorme influence en coulisses. D'après Libération, il est en effet "l’un de ceux qui prennent la parole à toutes les réunions de cabinet, juste après le secrétaire général, Alexis Kohler, alternant commentaires sur l’actualité et remarques sur le traitement médiatique de l’action présidentielle. Toujours à grand renfort de références historiques qui impressionnent l’auditoire."

En plus de souffler certains éléments de langage présidentiel (par exemple la "régénération"), "BRP" aurait également joué un grand rôle dans l'orientation du pouvoir macroniste en termes de ligne politique. D'après Le Monde, le conseiller défend ainsi une stratégie de "triangulation", consistant à "ratisser hors de ses plates-bandes", et plus précisément sur les terres de ses adversaires politiques.

Ainsi, comme l'indique Libération, Bruno Roger-Petit a joué un rôle moteur pour conseiller à Macron de faire entrer au Panthéon Joséphine Baker, puis Missak Manouchian, deux figures historiques de la gauche. Parallèlement, il aurait aussi opéré un rapprochement progressif avec l'extrême droite, incitant le président à développer de plus en plus les thématiques liées à l'immigration et à la sécurité.

Ce rapprochement ne s'est d'ailleurs pas limité aux marqueurs discursifs. Après avoir déjeuné avec Marion Maréchal en octobre 2020, "BRP" n'a cessé d'entretenir des liens troubles avec la mouvance identitaire, ennemie autoproclamée de son patron. Il est notamment, depuis l'époque i-Télé, un proche de Pascal Praud, l'un des présentateurs phares de CNews.

La sulfureuse chaîne d'information appartenant au groupe dirigé par Vincent Bolloré semble d'ailleurs exercer une véritable fascination sur Bruno Roger-Petit, qui la considère selon Libération "comme un thermomètre de l’humeur des Français". "Devant CNews, il y a 500 000 téléspectateurs le matin et entre 800 000 et 1 million le soir, compte "BRP", cité par le quotidien. Pascal Praud dicte les sujets dont on parle à la machine à café."

Toujours selon Libération, son estime pour la télévision produite par l'empire Bolloré ne s'arrête pas à ces considérations très générales. Les anciens ministres Pap Ndiaye et Rima Abdul Hassan, évincés successivement du gouvernement sur décision du président, affirment ainsi que Bruno Roger-Petit leur a "savonné la planche", en raison de propos tenus publiquement par eux et ayant déplu à Vincent Bolloré.

S'il affirme que son influence auprès d'Emmanuel Macron est largement surestimée, "BRP" reste l'un des proches les plus fidèles du chef de l'État, l'un des seuls à être toujours là après sept années de présidence particulièrement mouvementées. "J’ai des capacités de sociologue opportuniste et de mise en perspective du temps long, affirme l'intéressé, cité par Libération. Mais les conseillers n’existent pas, disait Mitterrand. À l’arrivée, c’est le président qui décide."

Depuis qu'il s'est installé dans l'entourage de ce dernier, grâce notamment à sa très bonne entente avec l'épouse du président Brigitte Macron, Bruno Roger-Petit n'a toutefois pas tissé que des amitiés. D'anciens collaborateurs, lui reprochant un certain machiavélisme et sa capacité à monter les gens les uns contre les autres, l'ont ainsi affublé de surnoms évocateurs : "Dark Vador", "Saroumane" ou encore "Caïus Détritus", en référence à un personnage de la BD Astérix et Obélix semant la zizanie partout où il passe.

"C'est l'incarnation du courtisan du roi, prêt à faire tout ce qu'on lui demande", résume l'un de ses anciens collègues journalistes chez Challenges, tandis qu'un autre ancien confrère le qualifie d'"opportuniste sans conviction". Datant de l'arrivée de BRP à l'Élysée en 2017, ces deux témoignages avaient été relayés par un article de Libération qui rappelait aussi que le nouveau porte-parole n'avait pas toujours été un soutien d'Emmanuel Macron.

Au moment de sa démission du gouvernement dirigé par Manuel Valls, BRP avait ainsi écrit (dans un tweet supprimé depuis) que "Macron est de ces nénuphars politiques qui émergent de temps à autre, portés par l'air du temps et des médias en mal de nouveaux personnages de roman mais qui, faute de racines, finissent par périr d'eux-mêmes". Il paraît qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis...