Quatennens et Bayou se mettent « en retrait »: ce qu’il faut comprendre

Julien Bayou (à gauche), Jean-Luc Melenchon (au centre) et Adrien Quatennens (à droite), lors du lancement de la NUPES le 30 mai 2022.
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Julien Bayou (à gauche), Jean-Luc Melenchon (au centre) et Adrien Quatennens (à droite), lors du lancement de la NUPES le 30 mai 2022.

STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Julien Bayou (à gauche), Jean-Luc Melenchon (au centre) et Adrien Quatennens (à droite), lors du lancement de la NUPES le 30 mai 2022.

POLITIQUE - Entre dimanche 18 et mardi 20 septembre, Adrien Quatennens, député LFI du Nord et Julien Bayou, député EELV de Paris ont annoncé se « mettre en retrait ». Le premier, pour des violences conjugales qu’il a reconnu, le second après des accusations de comportements inappropriés contre une ex-compagne. Au-delà du symbole, encore faut-il savoir ce que cette mise en retrait signifie.

Malgré un intitulé identique, les mises en retrait de l’écologiste et de l’insoumis ne veulent pas dire la même chose. Officiellement, Adrien Quatennens s’est « mis en retrait de sa fonction de coordinateur de la France insoumise », selon le communiqué qu’il a diffusé dimanche. La décision a été prise « en concertation avec les instances du mouvement », a précisé le parti. Julien Bayou a lui été mis en retrait de ses fonctions de coprésident du groupe écologiste à l’Assemblée. Selon Sandra Regol, la décision a été prise collectivement par le concerné et le parti.

La différence semble minime ? Les répercussions concrètes dans la vie des deux élus seront pourtant différentes. Et cela dit tout du flou qui entoure ce concept de « mise en retrait », non encadré juridiquement.

Bayou en retrait de l’Assemblée, Quatennens de LFI

Ce mercredi 21 septembre, Julien Bayou n’a pas assisté à la réunion à Matignon des chefs de groupes parlementaires pour préparer la rentrée. Seule Cyrielle Chatelain, coprésidente du groupe EELV, s’y est rendue. Pour autant, Julien Bayou n’a pas été démis de ses fonctions de coprésident. Ni de son titre de Secrétaire national des Verts.

« Oui, il reste chef du parti et coprésident du groupe », confirme sur franceinfo ce mercredi Sandra Regol, députée et vice-présidente des élus écolos. « Mais ses fonctions sont, pour ainsi dire, mises entre parenthèses pendant quelque temps », ajoute-t-elle. Pour la présidence du groupe, la présence de Cyrielle Châtelain va effectivement permettre à Julien Bayou de se faire discret dans l’hémicycle. En revanche, au sein d’EELV, il reste numéro 1. À ce titre, c’est toujours à lui qu’incombe la tâche (délicate) d’organiser le Congrès des Verts dans quelques mois pour désigner son successeur.

Dans la maison Insoumise, c’est l’inverse. Depuis dimanche 18 septembre, Adrien Quatennens n’est plus le coordinateur de son parti. Il perd sa place de numéro 2 et voit même s’envoler ses chances de succéder à Jean-Luc Mélenchon. À l’Assemblée en revanche, la position d’Adrien Quatennens reste inchangée sur le papier, car contrairement à Julien Bayou, il n’occupait pas de poste clé : il est seulement membre de la Commission des affaires sociales.

Mais est-ce suffisant ? Pour 550 militantes féministes qui ont signé la tribune du collectif Relève Féministe dans Libération mardi soir, la réponse est non. La mise en retrait, telle qu’appliquée par les deux députés et leurs partis respectifs, est jugée largement insuffisante.

« Diète médiatique et politique »

Les mises en retrait de Quatennens comme de Bayou ont au moins un point commun : les deux vont disparaître des plateaux de télévision et les radios. « C’est une diète médiatique et politique », tente d’expliquer Sandra Regol sur franceinfo ce mercredi. Même explication chez LFI. La veille sur le plateau de BFMTV, la députée Danièle Obono précisait que « mise en retrait, cela veut dire ne pas avoir de prise de parole publique ». Sur la même ligne que sa collègue eurodéputée Manon Aubry qui avait promis que « vous n’entendrez pas Adrien Quatennnens dans les prochaines semaines porter la parole de notre mouvement politique ».

Inaudibles certes mais peut-être pas invisibles. La question de leur présence dans l’hémicycle lors de la rentrée parlementaire est cruciale (en vertu du règlement, ils ne peuvent être remplacés au pied levé par leur suppléant) et très loin d’être tranchée au sein des partis. Sur BFMTV, Danièle Obono assume : Adrien Quatennens sera « en retrait de son travail parlementaire », mais « il n’est pas interdit d’hémicycle et il n’y a rien aujourd’hui constitutionnellement qui l’empêche » de siéger. Quelques heures après l’annonce du retrait de son collègue, Alexis Corbière jugeait dans Le Parisien que la place d’Adrien Quatennens « comme député est à nos côtés dans les combats qui viennent. »

Qu’en pensent les Verts ? Sur franceinfo ce mercredi, la légère hésitation de Sandra Regol sur la présence de Julien Bayou sur les bancs en dit long : « Non… Ça dépendra des cas », finit-elle par lâcher. La veille, avant le retrait du député de Paris, le député EELV Aurélien Taché estimait à propos d’Adrien Quatennens qu’il « pouvait siéger mais sans prendre la parole de manière très importante dans tous les débats. » « Il y a des façons de faire son travail de manière plus discrète », observait l’élu, contacté par Le HuffPost.

À l’unisson, les ténors des deux camps rappellent que la mise en retrait n’est pas synonyme de démission. Et dans tous les cas, « disciplinairement, le groupe ne peut pas le forcer à la démission », rappelait au HuffPost un permanent de l’Assemblée, interrogé sur le cas Quatennens. Seules une décision de justice le condamnant à l’inéligibilité ou sa propre décision pourraient le conduire à quitter l’Assemblée nationale. Reste encore que la question d’exemplarité pèse lourd, a fortiori dans les partis de gauche.

Pour sauver les meubles, écologistes comme insoumis font valoir qu’ils ont été les premiers à instaurer des instances de vigies sur les violences faites aux femmes. LFI, par la voix de Danièle Obono, va jusqu’à assumer un certain « tâtonnement ». « Nous essayons de mettre des mécanismes en place, ça n’est pas parfait » , a aussi admis Clémentine Autain lors de la conférence de presse de rentrée de son groupe politique à l’Assemblée. Faisant valoir « la complexité » de telles situations (respect de la présomption d’innocence, difficulté sur le plan humain) elle juge nécessaire « de travailler plus avant ces questions-là et peut-être de manière transpartisane ». Un vœu que partage le troisième homme de la NUPES, le communiste Fabien Roussel.

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