Pyrénées-Orientales : avant l’incendie de Cerbère et Banyuls-sur-Mer, tous les voyants étaient au rouge

Dans les Pyrénées-Orientales, quelque 500 pompiers ont été mobilisés sur cet incendie qui s’est déclaré dimanche sur les hauteurs des communes de Cerbère et de Banyuls-sur-Mer (66).
Dans les Pyrénées-Orientales, quelque 500 pompiers ont été mobilisés sur cet incendie qui s’est déclaré dimanche sur les hauteurs des communes de Cerbère et de Banyuls-sur-Mer (66).

INCENDIE - Les craintes se sont avérées justifiées, et sur place, Gérald Darmanin n’a pu que déplorer un « désastre écologique » avant même l’été. Dimanche 16 avril, un violent incendie dans les Pyrénées-Orientales a surpris les habitants de Cerbère et Banyuls-sur-Mer, dévorant près de 1 000 hectares de végétation sur son passage et franchissant même la frontière espagnole.

Les pompiers ont indiqué à BFMTV que le feu était non seulement maîtrisé mais également « fixé ». Les risques pour la population sont écartés, permettant déjà aux habitants évacués de regagner leurs résidences.

Ce premier incendie majeur en France en 2023, survenu au milieu du mois d’avril, inquiète par sa précocité. Surtout que neuf autres départs de feu, dont un à Argelès-sur-Mer, ont été enregistrés dimanche.

Climat désertique

Si les causes de l’incendie sont toujours inconnues à cette heure, le contexte dans lequel il intervient était lui bien identifié. Selon un rapport de Météo-France en février, la saison 2022-2023 est la plus sèche jamais rencontrée depuis 1959 dans les Pyrénées-Orientales (1959 étant la date des premières données disponibles en France sur le suivi de l’indice hydrique des sols). Quant aux précipitations attendues sur la période septembre 2022/janvier 2023 elles atteignent tout juste 173 mm. Bien en dessous des 395 mm de précipitations normalement attendues dans ce département, soit un manque d’eau d’environ 220 mm.

Ainsi, au 7 février, l’état des sols dans les Pyrénées-Orientales correspondait à une situation habituellement observée en fin de mois de juillet ou début octobre. Et avec un déficit hydrique atteignant -73 % dans la région, Serge Zaka, consultant en agroclimatologie, rappelle que l’Occitanie a été classée (ponctuellement sur un an) « en climat désertique ».

Déjà considéré comme le plus grand incendie en France en 2023, il s’agirait également du plus « violent depuis le début des archives en avril (et même en mai !) », insiste encore le chercheur sur Twitter, qui se base sur les chiffres de la base officielle Prométhée de 1973 à 2020, répertoriant plus de 115 000 incendies.

Des pompiers déjà en alerte

Des conditions dignes d’un été de sécheresse intense et qui auraient donc pu mettre en alerte plus précocement que d’ordinaire, malgré la préparation des pompiers après une année 2022 particulièrement marquée par les flammes.

La sonnette d’alarme avait d’ailleurs retenti quelques heures avant le déclenchement de ce premier grand feu de l’année. Sur franceinfo, vendredi 14 avril, le lieutenant Christophe Ménigon du Service départemental d’incendie et de secours 66 (SDIS 66) évoquait un « niveau de sécheresse extrême » dans son département.

Il prévoyait ainsi « un risque d’incendie qui va être très très élevé » durant l’été, obligeant déjà les pompiers du 66 à avancer la date de leur campagne de prévention sur les feux de forêt d’un mois. « D’habitude, c’est plutôt début juillet, là ce sera à partir du 1er juin », indiquait-il.

Christophe Ménigon déplorait également la présence de « plusieurs feux significatifs » inquiétant pour cette période de l’année, comme à Toreilles début février ou plus récemment encore à Saint-Jean-de-Fos, dans le département de l’Hérault. 20 hectares de garrigue y ont brûlé dix jours avant l’incendie de Cerbère.

Plus une saison du feu, mais une année de feux

Avec cet incendie, les conséquences du réchauffement climatique -déjà bien visibles durant l’année record de 2022- sont une nouvelle fois à l’œuvre et sonnent comme une première alerte pour le reste de l’année.

D’autant qu’avec un feu aussi précoce alors que les réserves d’eau sont au plus bas, notamment sur le pourtour méditerranéen, la tâche ne sera pas aisée pour les pompiers dans les mois à venir. Raison pour laquelle le lieutenant du SDIS 66 avertissait également sur ce risque dès vendredi, craignant dès ce mois d’avril des difficultés pour trouver de l’eau en quantité suffisante pour « combattre les incendies cet été ».

Jeudi 13 avril, le BRGM a publié son rapport mensuel sur l’état des nappes phréatiques du pays. Malgré les pluies de mars, la situation est inquiétante et le Bureau alerte sur le « risque avéré » de sécheresse dans plusieurs régions.
Jeudi 13 avril, le BRGM a publié son rapport mensuel sur l’état des nappes phréatiques du pays. Malgré les pluies de mars, la situation est inquiétante et le Bureau alerte sur le « risque avéré » de sécheresse dans plusieurs régions.

« C’est d’autant plus inquiétant qu’il n’y a pas de précipitations annoncées dans les mois à venir », anticipe-t-il pour la suite.

S’il pouvait sans doute être mieux anticipé comme en attestent les demandes de moyens supplémentaires de la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales au ministère de l’Intérieur, l’incendie de dimanche restait imprévisible. La faute à un vent puissant (plus de 80 km/h avec des rafales jusqu’à 100 km/h dans les reliefs) qui a permis au feu de s’étendre sur une zone d’environ 12 kilomètres sur 12 kilomètres, selon un reporter de franceinfo sur place.

Aurélien Manenc, représentant des sapeurs-pompiers de France a d’ailleurs invité ce lundi sur franceinfo à la plus grande vigilance face au risque de reprise « compte tenu du vent qui va se lever ». Mais ce lieutenant-colonel qui demande déjà des moyens humains et matériels supplémentaires tient surtout à souligner un changement de mentalité à adopter rapidement face aux incendies en France.

Le but étant de conserver une vigilance de tous les instants, « toute l’année, du mois de janvier au mois de décembre » car « il n’y aura plus de saison de feu, mais une année de feux » à cause du changement climatique.

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