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Les publicités, une “menace immédiate” pour les enfants ?

Une étude pointe les effets néfastes des pratiques commerciales sur les enfants du monde entier.
Une étude pointe les effets néfastes des pratiques commerciales sur les enfants du monde entier.

Un rapport de l’ONU dénonce les risques des pratiques commerciales sur la santé des enfants. La publicité influence les comportements nutritionnels mais peut aussi mener à la conversion tabagique.

Le marketing inquiète l’ONU. Dans un rapport publié par la revue médicale The Lancet ce mercredi 19 février, des chercheurs ont listé les différentes “menaces immédiates” pour la santé des générations futures. Outre le réchauffement climatique et la pollution de l’air, les scientifiques de la commission créée par l’OMS, l’UNICEF et The Lancet dénoncent les “pratiques commerciales néfastes pour la santé des enfants”.

Dans la rue ou sur les écrans, les jeunes générations sont très exposées aux publicités - et au placement de produits - des marques de boissons et d’aliments sucrés, gras, transformés, d’alcool et de tabac. Ce qui n’est pas sans conséquence pour leur bien-être.

Un impact sur le comportement alimentaire

“L’influence de la publicité sur les enfants n’est plus discutable”, nous affirme Michel Desmurget, chercheur spécialisé en neurosciences cognitives. “On sait qu’elle a un impact sur les choix, les requêtes alimentaires des enfants et l’obésité infantile”, poursuit-il.

Le marketing peut aussi avoir d’autres conséquences, notamment sur la consommation de cigarettes ou d’alcool. “Les images tabagiques - c’est la même chose pour d’autres substances comme l’alcool - sont souvent positives”, remarque Michel Desmurget. Les produits sont présentés comme “récréatifs, sympas, comme un signe de rébellion, de maturité”, et, en parallèle, les effets à long termes sont minimisés. “On sait que ça a un impact majeur sur la conversion tabagique des adolescents”, nous explique le spécialiste.

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Moins de mécanisme de défense

La publicité “a vocation à persuader”, décrit Pascale Ezan, professeure en sciences de gestion à l’université du Havre - Normandie. Le problème, c’est que les enfants sont très curieux, en demande constante d’apprendre. Face aux panneaux publicitaires par exemple, “les adultes ont des stratégies de diversion”, décrit Thomas Bourgenot, porte-parole de l'association Résistance à l’Agression Publicitaire. À l’inverse, les plus jeunes “regardent tout, ils veulent savoir ce qui est écrit”, constate-t-il.

Michel Desmurget abonde dans ce sens. “Les enfants ont moins de mécanisme de défense, alors qu’après 18 ans, les fonctions préfrontales d’inhibition, de réflexion, de décisions sont plus matures”. Pascale Ezan estime de son côté que la question de savoir si les plus jeunes sont plus sensibles à la publicité “n’est pas tranchée”.

Ce qui est communément acquis, en revanche, c’est qu’avant 6 ou 7 ans, les enfants ne distinguent pas les programmes de divertissements des programmes à vocation commerciale. À partir de 7 ans, ils font bien le distingo et “jusqu’à la pré-adolescence, donc entre 9 et 11, ils aiment la publicité, qu’ils considèrent comme un spectacle”, décrit Pascale Ezan. Ensuite seulement, ils “développent un esprit critique et se rendent compte des finalités mercantiles”.

Des mécanismes de séduction différents

La France enregistre au moins une avancée au sujet de la publicité destinée aux enfants : “depuis les années 2008-2010, les industriels n’osent plus s’adresser directement aux plus jeunes”, nous décrit la professeure en sciences de gestion. “Avant, ils voulaient éviter l’intermédiation parentale, désormais, ils tentent de séduire tant les parents que les enfants”, poursuit-elle.

Et les procédés pour y parvenir varient selon l’âge. Pour les adultes, les publicitaires mettent en avant des arguments cognitifs, portant sur le bien-être et la nutrition. Pour séduire les bambins, plusieurs recettes fonctionnent. L’humour d’abord, mais aussi la présence d’autres enfants - si possible légèrement plus âgés - ainsi que de grands-parents. “Les jeunes téléspectateurs aiment également qu’on leur raconte une histoire”, décrypte pour nous Pascale Ezan.

Une action sur le cerveau

Quel que soit le procédé, les pratiques commerciales ont des influences sur la consommation. Et pour cause : elles agissent sur nos cerveaux. “Le matraquage publicitaire de certaines grandes marques biaise jusqu’à notre activité cérébrale”, détaille Michel Desmurget. “Il a été démontré que si vous faites goûter à l’aveugle du Pepsie et du Coca-Cola, le réseau lié au goût va principalement répondre. Dès lors que la marque est affichée, ce n’est plus le réseau du goût qui répond mais l’émotion de la mémoire”, décrit le spécialiste en neurosciences cognitives.

Il a également été prouvé que la répétition fonctionne aussi bien chez les enfants que chez les adultes. Il s’agit du “biais de simple exposition”, défini par Robert Zajonc comme “l’augmentation de la probabilité d’avoir un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose par simple exposition répétée”. “Ça explique pourquoi, à l’aveugle, les gens aiment autant le Pepsi que le Coca-Cola, mais qu’ils ont un meilleur avis sur le second”, explique Thomas Bourgenot.

Que les enfants soient ou non plus sensibles à la pub que les adultes, une chose est sûre : elle affecte tous les comportements.

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