PSG-Barça: comment l’image du club catalan, autrefois considéré comme un modèle, s’est peu à peu dégradée

L’image a fait le tour du monde. Le dimanche 8 août 2021, en plein milieu de l’été, l’une des plus belles histoires d’amour entre un club et un joueur a brutalement pris fin. L’issue, devenue inéluctable, ne pouvait pas s’écrire autrement que dans un sanglot. Lors d’une conférence de presse sur laquelle s’était branchée toute la planète foot, c’est donc ému aux larmes que Lionel Messi a fait ses adieux à son club de toujours. Là où il a écrit sa légende.

"Nous n’avons pas voulu mettre plus en péril l’institution", justifiait alors Joan Laporta, président du Barça, assurant avoir "fait ce qui était le mieux pour les intérêts" du club Blaugrana. Le constat est aussi cruel qu’implacable: miné par des difficultés financières, le FC Barcelone a été incapable de retenir le meilleur joueur de son histoire… qui voulait pourtant poursuivre l’aventure.

Mais alors comment le Barça en est-il arrivé là? Comment l’un des clubs qui a longtemps fait figure d’exemple sur le Vieux Continent a-t-il pu être empêtré dans une telle crise économique et, par ricochet, voir son image autant dégradée? Pour la première fois depuis la saison 2019-2020 (ponctuée par une cinglante défaite 8-2 face au Bayern Munich lors du Final 8 de Lisbonne), le Barça fait son retour en quart de finale de Ligue des champions, avec une double confrontation à venir contre le PSG (match aller ce mercredi à 21h sur RMC Sport 1). L’occasion de renouer avec son glorieux passé avec l’espoir de mettre derrière lui, l’espace d’un instant, des années de galère.

La Remontada contre le PSG, le point de bascule

Quatre fois vainqueur de la Ligue des champions entre 2006 et 2015, loué pour son centre de formation, son système de "socios" et sa capacité à respecter les traditions les plus ancrées (111 ans sans sponsor maillot jusqu’au deal avec Qatar Foundation en 2010), le Barça a longtemps été considéré comme un modèle à suivre.

La bascule intervient à l’été 2017 et est une conséquence indirecte de la légendaire Remontada… contre le PSG. Vexé d’avoir vécu une telle humiliation, Paris décide de frapper fort en enrôlant Kylian Mbappé et Neymar. Le départ de l’ancien crack de Santos (Brésil) découle justement de cette fameuse Remontada.

"Neymar n’avait pas aimé ne pas prendre la lumière, ça a créé des problèmes", indique Sergi Solé, rédacteur en chef à Mundo Deportivo.

En arrachant le Brésilien au club catalan, le club de la capitale se venge ainsi de la terrible claque reçue au Camp Nou quelques mois plus tôt. Mis devant le fait accompli, le Barça est dans l’obligation de faire des choix forts pour lancer une nouvelle ère. Mais les décisions prises par la direction sportive de l’époque, incarnée par Josep Bartomeu, président entre 2014 et 2020, vont ouvrir un chapitre peu glorieux.

"Tout a commencé avec le départ de Neymar et le fait que les 220 millions d’euros de son transfert ont servi à acheter deux joueurs qui n’ont pas vraiment réussi, Coutinho et Ousmane Dembélé, résume Fred Hermel, spécialiste du foot espagnol pour RMC Sport. La politique sportive n’a pas été bonne. Ils ont voulu tout de suite faire un coup pour compenser au niveau de l’image."

À la fin de l’été 2017, Barcelone lâche 135 millions d’euros pour arracher Ousmane Dembélé au Borussia Dortmund. Au mercato qui suit, en janvier 2018, le club catalan investit de nouveau 135 millions d’euros sur Philippe Coutinho, alors à Liverpool. Plus de six ans plus tard, ces deux arrivées restent les troisième et quatrième plus gros transferts de toute l’histoire du football. Des investissements colossaux qu’on aura du mal à qualifier de paris réussis au regard de ce qu’ont apporté les deux joueurs sur le terrain.

Messi, Griezmann... Des investissements qui interrogent

En plus de ce recrutement à grands frais pour faire oublier le départ de Neymar, le Barça va également offrir un pactole à Lionel Messi en plein milieu de la saison 2017-2018. En novembre, alors qu’il lui reste moins d’un an de contrat, l’Argentin prolonge jusqu’en 2021. Pour le convaincre, et ainsi rassurer des socios inquiets d’avoir vu Neymar claquer la porte quelques mois plus tôt, le Barça lui offre un pont d’or. Selon Mundo Deportivo, le Barça a payé au total 555 millions d’euros bruts à Messi entre 2017 et 2021, un chiffre qui engloberait prime à la signature, prime de fidélité et des primes de résultat ou de performance.

Après cette saison 2017-2018 de toutes les folies sur le plan financier, le FC Barcelone va continuer de mener un train de vie d’enfer. En 2019, le club Blaugrana lâche notamment 120 millions d’euros pour Antoine Griezmann et 85 millions pour Frenkie de Jong. L’international français signe avec une jolie rémunération à la clé (23 millions d’euros pour la saison 2020-2021 selon Sportune), qui s’ajoute à une masse salariale déjà colossale. En janvier 2019, le FC Barcelone est tout simplement le club qui dispose de la plus grosse masse salariale au monde, d’après le cabinet KPMG Football Benchmark. En 2019-2020, selon El Mundo, la masse salariale de tous les joueurs du club catalan représente même 74% des recettes.

Le désastre post-Covid

Sur le plan sportif, ces investissements ne permettent pas au Barça de retrouver les sommets du football européen avec, au mieux, une place en demi-finale de la Ligue des champions en 2019 (marquée par la Remontada de Liverpool, défait 3-0 à l’aller mais vainqueur 4-0 au retour) sur la période 2017-2020. Pire: la pandémie de Covid-19, qui met le sport mondial à l’arrêt au printemps 2020, va faire plonger le Barça sur le plan économique.

Au printemps 2020, toutes les compétitions sont mises sur pause. Le foot reprend ses droits à l’été, mais sans public. Sans les recettes liées à la billetterie et au tourisme, les comptes du Barça sont dans le rouge. Si tous les clubs de la planète ont particulièrement souffert de la pandémie de Covid-19, le Barça, déjà sur une pente glissante au niveau financier, est touché de plein fouet. Les revenus du club baissent considérablement. En 2019-2020, le chiffre d'affaires est de 855 millions d’euros, soit un peu plus de 200 millions de moins que ce qui avait été budgété.

À ce moment, le Barça se prépare à affronter de longs mois de crise financière. En août 2021, juste après avoir dû se résoudre à laisser filer Lionel Messi, Joan Laporta, successeur de Josep Bartomeu à la présidence, annonce que le club a enregistré des pertes de 468 millions d’euros. Le montant de la dette, de son côté, atteint 1,3 milliard d’euros.

Un avenir à long terme sacrifié pour être compétitif à court terme?

Pour redresser sa situation financière et continuer à se montrer actif sur le mercato, le Barça décide alors d’activer plusieurs leviers. Dans les mois qui suivent le départ de Lionel Messi, le club joue sur plusieurs fronts pour obtenir rapidement des liquidités: un emprunt de 595 millions d'euros à Goldman Sachs, un accord de sponsoring avec Spotify pour environ 435 millions d'euros ou encore la vente de 25% des revenus des droits télévisuels à la société américaine Sixth Street pour les 25 prochaines années.

Et la stratégie s’avère payante. À l’été 2022, Raphinha (58 millions d’euros), Jules Koundé (50 millions d’euros) et Robert Lewandowski débarquent en Catalogne. "Barcelone, le seul club qui n’a pas d’argent mais qui, ensuite, achète tous les joueurs qu’il veut. C’est un peu bizarre, un peu fou", déplore alors Julian Nagelsmann, coach d’un Bayern Munich qui n’a pas pu retenir Lewandowski.

Au début de la saison 2022-2023, le Barça est toutefois contraint de débloquer des fonds ou alléger sa masse salariale pour satisfaire aux exigences financières de la Liga et ainsi inscrire ses nouvelles recrues. Il faut attendre la veille de la première journée de championnat pour que Lewandowski, Raphina & Co (Jules Koundé devra patienter quelques jours de plus) soient officiellement inscrits sur les listes. Pour cela, il a fallu activer un autre levier économique: la vente de 24,5% des Barça Studios contre 100 millions d'euros.

Menacé d'expulsion de la Ligue des champions

Pour beaucoup d’observateurs, le Barça a sacrifié son avenir à long terme pour être compétitif à court terme. Mais même dans un futur proche, l’horizon n’est pas complètement dégagé. Fin 2023, Die Welt rapporte que le FC Barcelone est sous la menace d'une exclusion des compétitions européennes pour avoir enfreint les règles du fair-play financier. En septembre 2023, Joan Laporta a pourtant présenté un bénéfice net de 304 millions d'euros. Mais les comptes sont considérés comme "un désastre", conséquence de la dette de plus d'un milliard d'euros que traîne le club depuis le changement de gouvernance.

Dans ce contexte, le Barça a tout de même lancé un projet de très grande ampleur: la rénovation du Camp Nou. Inauguré en 1957, le stade va faire peau neuve. Le troisième étage va notamment être rénové, tandis qu’un toit va couvrir toute l'enceinte - en plus de contenir des écrans géants. La capacité du stade devrait également passer de 99.000 à 105.000 spectateurs. La fin des travaux est prévue en juin 2026, avec un retour dans un Camp Nou à capacité réduite au cours de la saison 2024-2025. En attendant, les matchs se déroulent au stade Lluís-Companys, le stade olympique situé sur la colline de Montjuïc, où ont eu lieu les Jeux de 1992.

Bien moins grand (50.000 places environ) que le Camp Nou, avec les pertes en recettes de billetterie qui vont avec, le stade Lluis-Companys est loin de faire l'unanimité chez les supporteurs.

"Il est plus petit et plus froid, certains socios ne viennent pas car ils n’ont plus leur place", explique Carles, un supporteur catalan, à RMC Sport.

L'affaire Negreira

Si les difficultés financières ont occupé une large partie de l’actualité du Barça ces dernières années, le passé récent du club a également été émaillé par la retentissante affaire Negreira. Selon des révélations d’El Mundo, le FC Barcelone a versé plus de 6,5 millions d’euros à José Maria Enriquez Negreira, numéro deux de l’arbitrage espagnol entre 1994 et 2018. Officiellement, cette rémunération a servi à ce que Negreira donne des conseils à l’équipe sur les questions arbitrales. Face aux enquêteurs, l’ancien arbitre a justifié l’absence de trace de justificatifs de paiement par le fait qu’il ne s’agissait que de conseils oraux, se défendant d’avoir influencé, par exemple, les nominations d’arbitres pour des rencontres du Barça.

L’affaire a pris un virage déterminant fin septembre, quand le juge de Barcelone a accusé le Barça et deux de ses anciens présidents, Sandro Rosell et Josep Bartomeu, de délit de corruption dans une ordonnance, considérant que la Fédération espagnole (RFEF), dont dépend la Commission technique des arbitres, est une entité qui exerce des fonctions à caractère public.

Déjà dans le viseur de l’UEFA pour le mauvais état de ses comptes, le Barça a un temps été menacé d’être exclu de la Ligue des champions 2023-2024 à cause de cette fameuse affaire Negreira. L’été dernier, l’instance européenne a toutefois donné son feu vert en décidant de ne pas sanctionner - du moins dans l’immédiat - le club Blaugrana. Le top départ d’une campagne européenne qui a donc mené le Barça sur la route du PSG en quart de finale.

Article original publié sur RMC Sport