Les promesses de l'hydrogène naturel
La découverte d'une source abondante en Albanie illustre l'engouement actuel autour de l'un des gaz clés de la transition énergétique. Les permis de prospecter se multiplient en Australie, aux États-Unis, en Europe, et plus particulièrement en France. L'estimation des réserves et le moyen d'y accéder décideront de l'avenir de la filière.
Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°928, daté juin 2024.
C'est un vaste jacuzzi bouillonnant de 30 mètres carrés sur 60 centimètres de profondeur, où l'on étouffe par 40 °C en toute saison. D'ailleurs, il n'y a pas de saisons à 1000 mètres de profondeur, dans cette mine de chrome située à Bulqizë, en Albanie. Les grosses bulles de gaz qui crèvent la surface du bassin sont constituées d'hydrogène (plus exactement du dihydrogène H2) pur à 84 %.
Selon une étude parue en février dans la revue Science, il s'agit du flux d'hydrogène naturel le plus important mesuré à ce jour dans le monde, "200 tonnes par an, et constant depuis au moins six ans ", indique Laurent Truche, chercheur à l'Institut des sciences de la Terre à l'Université Grenoble Alpes et coauteur de la publication. Cette découverte ne doit rien au hasard. Plusieurs facteurs ont fait de Bulqizë une candidate de choix pour y traquer l'hydrogène. "Il y a déjà sa configuration : 1000 mètres de profondeur, c'est rare. Ensuite, nous savons qu'il s'est produit plusieurs explosions par le passé (en 2011, 2017, 2023), ce qui indique une migration de gaz, mais sans dire lequel. Enfin, elle se trouve sur un terrain géologique particulièrement propice à la formation d'hydrogène : des ophiolites."
Les ophiolites correspondent à un contexte géologique bien particulier où des fragments du manteau terrestre, la lithosphère océanique, ont été charriés sur la croûte continentale du fait de la tectonique des plaques. "Normalement, les roches du manteau, très denses, plongent vers les profondeurs de la Terre au niveau des zones de subduction. Mais parfois, une combinaison de facteurs fait qu'elles sont hissées sur la plaque continentale lors d'un phénomène que l'on nomme obduction ", précise le géologue. Ces roches du manteau sont principalement composées d'olivine et de pyroxène.
Dès qu'elles entrent en contact avec l'eau, il s'engage une réaction chimique entre le fer ferreux (Fe2+ ) de l'ol[...]
Lire la suite sur sciencesetavenir.fr