À quoi sert l'Observatoire de la laïcité, qui fait débat depuis la mort de Samuel Paty ?

L'Observatoire de la laïcité a, pour l'heure, surtout un rôle de recherche, d'information et de formation.
L'Observatoire de la laïcité a, pour l'heure, surtout un rôle de recherche, d'information et de formation.

Les regards sont tournés vers l’Observatoire de la laïcité, notamment après le meurtre de l’enseignant Samuel Paty. Si le gouvernement semble vouloir transformer les missions de cette instance, ses dirigeants pourraient également changer.

La mort de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité le 17 octobre par un réfugié d’origine Tchétchène, soulève de nombreuses polémiques. Parmi les instances qui se retrouvent au cœur des interrogations, l’Observatoire de la laïcité.

Créée en 2007 - mais effective seulement quelques années après - l’instance avait pour but d’“assister le Gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité dans les services publics”. Dans sa forme actuelle, ses actions se résument essentiellement à faire de la recherche, produire des rapports annuels et des états des lieux sur le respect du principe de laïcité en France et sa perception à l’étranger.

L’Observatoire de la laïcité “réunit les données, produit et fait produire les analyses, études et recherches permettant d’éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité”, précise le site du gouvernement qui lui est dédié.

Recherche, information et formation

L’instance, rattachée administrativement au Premier ministre mais autonome, occupe également un rôle clé sur l’information et la formation au sujet de la laïcité. Elle produit des chartes, des textes, des guides pratiques à l’attention des collectivités locales, des associations, des entreprises privées, des hôpitaux, des structures sportives.

L’Observatoire propose également des vidéos pédagogiques et des Mooc, mais aussi des formations gratuites, et il travaille en collaboration avec le Ministère de l’Éducation nationale pour former et sensibiliser les enseignants sur les questions de laïcité. D’ailleurs, depuis 2014, des référents laïcité sont installés dans chaque académie.

Parmi ces actions, l’Observatoire a mis en place une journée de la laïcité dans les établissements scolaires et les administrations publiques et créé le Prix de la laïcité de la République française qui “distingue et encourage des actions de terrain et des projets portant sur la protection et la promotion de la laïcité”.

Outre la recherche et l’information du public, l’Observatoire peut également être consulté par les différents ministres dans le cadre de projets de textes législatifs ou parlementaires. Il peut également rendre des avis auprès des tribunaux avant des décisions de justice.

“L’Observatoire doit évoluer”

Mais des changements pourraient bien être apportés. “La conviction du Premier ministre est que l’Observatoire de la laïcité doit aujourd’hui évoluer”, a confié Matignon au Monde, le 20 octobre, “parce qu’on ne peut pas se contenter de publication de rapports et de guides pédagogiques pour accompagner l’action du gouvernement.

“Le statut et les missions de l’Observatoire de la laïcité font l’objet d’une réflexion au sein du gouvernement", indiquait Matignon auprès de France Inter, toujours le 20 octobre.

Un changement au sein du personnel ?

Outre un changement de tâches, l’entité pourrait également connaître un changement de personnel, selon Le Point. Pour l’heure, cette instance est composée de 29 personnes et compte également 17 universitaires associés.

Parmi ses membres, on dénombre deux députés, deux sénateurs, un conseiller d’État, un directeur général de l’administration et de la fonction publique, des professeurs de droit, de lettres, d’anthropologie, un historien, un philosophe, un ingénieur, un journaliste, une inspectrice générale de l’Éducation nationale et une ancienne maire. L’Observatoire compte aussi des personnels rattachés aux ministères des Solidarités et de la Santé, de l'Outre-mer, de l’Europe et des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Justice et de l’Éducation nationale.

Mais le changement qui devrait survenir prochainement, à en croire Le Point, concerne Nicolas Cadene, le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité. Et si la mort de Samuel Paty pourrait bien avoir accéléré les choses, les reproches qui lui sont faits par une partie du gouvernement ne dateraient pas d’hier. “Il semble plus préoccupé par la lutte contre la stigmatisation des musulmans que par la défense de la laïcité”, a confié un proche de Marlène Schiappa, à l’hebdomadaire.

Et même s’il a publiquement soutenu les annonces d’Emmanuel Macron sur le séparatisme début octobre, “il n’est plus crédible”, commente ce proche de la ministre chargée de la Citoyenneté dans Le Point.

Deux visions de la laïcité

Jean-Louis Bianco, le président de l’Observatoire, est également pris dans cette tempête. “Le Premier ministre recevra dans les tout prochains jours Jean-Louis Bianco [...] dont le mandat arrive à expiration en avril prochain”, assurait l’entourage de Jean Castex auprès du Figaro, le 20 octobre.

Ce n’est pas la première fois que les reproches fusent à l’encontre de Nicolas Cadene et Jean-Louis Bianco. Déjà, en janvier 2016, une pétition réclamait leur démission, rappelle Le Figaro. À l’origine de cette levée de boucliers, des reproches faits par Manuel Valls et une mésentente avec la philosophe Élisabeth Badinter, qui avaient cristalisé la différence d’opinion au sein même de l’Observatoire. D’un côté, une laïcité “apaisée”, s’appuyant sur la loi de 1905, défendue, entre autres, par Jean-Louis Bianco et Nicolas Caedne. De l’autre, une laïcité plus radicale pour l’espace public, défendue par une partie de l’opinion politique et certains membres de l’Observatoire - quatre d’entre eux avaient quitté leurs fonctions au moment de la polémique en 2016.

Une vision qui ne semble pas tranchée au sein même de la majorité, puisque plusieurs députés en Marche ont apporté leur soutien ces derniers jours à Nicolas Cadene et Jean-Louis Bianco, comme le précise Le Monde. Mais les deux hommes à la tête de l’Observatoire de la laïcité pourraient bien être victimes du renouvellement voulu par le gouvernement.

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