"On est prêt pour y faire face": les JO de Paris 2024 se préparent à lutter contre les paris truqués
C’est un drôle de porte-clés que l’Autorité nationale des jeux (ANJ) distribue aux arbitres de badminton présents à l’Open de Paris, ce jeudi à la nouvelle Adidas Arena. Sur ce petit objet noir, un QR code saute aux yeux. Un simple scan, et l’arbitre est envoyé sur un site web. S’il a été approché pour truquer un match, il n’a plus qu’à le dénoncer anonymement sur cette page.
Tous les moyens sont bons pour empêcher le trucage d’épreuves pendant les Jeux olympiques. "Le risque sur les Jeux est très important. C’est très regardé, donc forcément il y a aussi beaucoup de paris. Ça crée un risque que des paris suspects se cachent dans ce volume important", prévient Blandine Sorbe, directrice de la conformité pour Paris 2024.
2 ou 3 cas de "manipulation d’épreuve" à chaque édition des Jeux
Lors de chaque olympiade, depuis les JO de Londres en 2012, "entre 2 et 3 cas” de manipulation d’épreuve sont relevées, estime l’ANJ. "J’espère qu’on ne va pas en relever. En tout cas, si jamais des affaires remontent, on peut dire qu’on est prêt pour y faire face", rassure Corentin Segalen, coordinateur de la plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives.
Parmi les moyens pour prévenir le trucage, les sensibilisations des athlètes, mais aussi des arbitres, comme ce jeudi à l’Adidas Arena de Paris. Arbitres, athlètes, salariés et même volontaires bénévoles: pendant les Jeux, aucun d’entre eux n’est autorisé à parier sur une épreuve olympique. Pas question pour un pongiste de miser sur le marathon, ni pour un volontaire déployé à Marseille de miser sur une épreuve à Paris.
"On a plusieurs sources d’alerte", explique Corentin Segalen, qui compte sur les acteurs des Jeux pour avertir l’ANJ en cas de suspicion. "Ça peut aussi venir des opérateurs de jeux d’argent. Ils peuvent nous dire: 'Tiens, c’est bizarre quelqu’un a placé 20 000 euros sur un score exact.' Ça va attirer notre attention”, continue-t-il.
La mise totale des parieurs est également scrutée pour chaque épreuve. En France, un match de badminton ne dépasse par exemple que rarement les 10 000 euros de mise selon l’ANJ. Une activité en forte hausse alertera l’autorité. "Globalement d’habitude les opérateurs gagnent. Si les ¾ des mises sont gagnantes, on va aussi se dire que c’est étonnant", ajoute Thomas Delafosse, analyste de données à l’ANJ.
Moins de risques que lors d’une petite compétition
Pendant les Jeux olympiques, des sports non professionnels seront aussi sur le devant de la scène. "Tout le monde n'est pas une star de NBA qui gagne très bien sa vie. Pour certains joueurs qui peuvent être dans une situation difficile, c’est vrai qu’il peut y avoir un risque d’approche (pour truquer des matchs)", estime Thomas Delafosse.
"Après, les JO, c’est quand même la compétition de leur vie, donc le risque est quand même plus faible que sur une petite compétition", nuance-t-il. Au badminton, le risque semble même inexistant pour le coordinateur des arbitres Gilles Cavert: "Je ne pense pas qu’on soit approchés lors des gros matchs. À très haut niveau c’est compliqué. Il n’y a pas de risque pendant les JO, les garde-fous sont en place."
Loin de l’engouement des parieurs pour la Coupe du monde
Des risques mesurés, mais une quantité de paris jamais vue auparavant pour des Jeux. Lors des JO de Tokyo, environ 90 millions d’euros avaient été pariés en France. Cet été, entre 400 et 500 millions d’euros pourraient être misés. Des montants comparables aux mises enregistrées durant le dernier Championnat d’Europe de football, où 434 millions d’euros avaient été pariés en France, mais toujours incomparables à la Coupe du monde.
Fin 2022, près d’un milliard d’euros avaient été misé par les parieurs français sur le Mondial, dont 51 millions d’euros lors de la finale… Un record absolu pour une épreuve de sport.