"Pas prévu pour un tel impact": comment le pont de Baltimore a pu s'effondrer en quelques secondes
Comme un château de cartes. Le pont Francis Scott Key de Baltimore, aux États-Unis, s'est effondré dans la nuit ce mardi 26 mars après avoir été percuté par un porte-conteneurs.
Comme en témoignent les vidéos impressionnantes, la quasi-totalité de la structure s'est écroulée en l'espace de quelques secondes, emportant avec elle des véhicules et huit ouvriers. Deux ont été sortis de l'eau, tandis que les six autres sont désormais présumés morts.
Si une enquête est toujours en cours, les autorités ont indiqué que le navire, nommé le Dali, présentait "un problème électrique" l'ayant dépourvu de son système de propulsion. Il a alors dérivé jusqu'à heurter la pile du pont.
Un pont en treillis
Le Francis Scott Key, pont autoroutier à quatre voies, mesurait 2,6 kilomètres de long et en moyenne 11,5 millions de véhicules y circulent chaque année. L'édifice construit en treillis métallique, l'un des plus long du monde, était articulé autour de poutres formant des triangles.
Ce type de construction "permet de franchir de grandes distances sans pilier intermédiaire et donc permet le passage de grands navires comme le Dali", explique sur BFMTV Boris Weliachew, architecte et expert en risques majeurs.
En somme, le pont reposait principalement sur deux piliers relativement éloignés l'un de l'autre. Agissant comme des sortes de jambes, s'il l'une des piles vacille, il n'y a rien pour compenser et l'effondrement complet du pont est quasiment inévitable. En cela, le drame de Baltimore n'est pas véritablement une surprise.
Des bateaux toujours plus grands
Le gouverneur de Baltimore a affirmé ce mardi que l'édifice avait récemment été inspecté. "Il n'y avait pas de problèmes structurels avec le pont, il était à jour dans ses contrôles de qualité", a-t-il indiqué.
"Ce n'est pas la structure du pont qui est mise en cause ici, c'est surtout l'impact", abonde en ce sens l'architecte Boris Weliachew.
Ce que pointent les spécialistes, c'est que les navires circulant aujourd'hui dans le port de Baltimore n'ont rien à voir avec les dimensions des cargos des années 1970, lors de la création du pont. "À l'époque où le pont a été conçu, on n'était pas encore conscient du risque des chocs de bateaux", soutient Michel Virlogeux, professeur à l’École nationale des ponts et chaussées.
Le porte-conteneurs Dali a été construit en 2015 et mesure 300 mètres de long. Chargé, il peut peser plus de 100.000 tonnes. "Avec un tel tonnage, pour dévier sa course, c'est très très long", pointe Boris Weliachew.
"La sécurité doit se faire surtout au niveau de la gestion des ports, du pilotage des bateaux et de l'augmenation de la sécurité dans ces énormes navires", ajoute le spécialiste.
Un manque de protections?
Si la structure et la sécurité du pont en elles-mêmes ne sont pas directement mises en cause, certains experts s'interrogent toutefois sur l'absence de protection en amont des piliers. "Ils doivent être protégés de toute collision", affirme auprès de l'AFP Robert Benaim, ingénieur, concepteur de pont et affilié à la Royal Academy of Engineering.
Comme le note le New York Times, pour être efficaces, ces défenses doivent être suffisamment éloignées de la pile pour empêcher la proue d'un grand navire de la heurter, et suffisamment grandes pour absorber l'énergie d'une collision.
Alors qu'il n'est pas certain que de telles protections auraient été suffisantes pour absorber l'impact avec le Dali, le professeur d'ingénierie à l'université Johns Hopkins Benjamin Schafer estime que l'essentiel est surtout de ne pas faire passer de tels navires près des piliers de pont.
Dans le même sens, Michel Virlogeux explique sur BFMTV que lorsque l'on construit des grands ponts, on évite au maximum d'implanter des piliers dans la passe navigable, comme pour le pont de Normandie, en France, par exemple. Cela est généralement plus coûteux, mais évite le risque d'impact avec des gros bateaux.