Poutine ressasse sa haine contre l’Occident un an après le début de l’invasion en Ukraine

Le président russe Vladimir Poutine a accusé l’Occident d’être à l’origine de l’escalade de la guerre en Ukraine, lors de son discours annuel sur l’état de la nation au centre de conférence Gostiny Dvor, dans le centre de Moscou, le 21 février 2023.
SERGEI KARPUKHIN / AFP Le président russe Vladimir Poutine a accusé l’Occident d’être à l’origine de l’escalade de la guerre en Ukraine, lors de son discours annuel sur l’état de la nation au centre de conférence Gostiny Dvor, dans le centre de Moscou, le 21 février 2023.

GUERRE EN UKRAINE - « Hypocrites », « corrompus », « russophobes ». Dans son discours à la nation ce mardi 21 février, Vladimir Poutine n’a pas mâché ses mots pour critiquer les dirigeants occidentaux. Le maître du Kremlin a même fait porter toute « la responsabilité » de la guerre en Ukraine aux Occidentaux et à l’Otan, alors même qu’il est l’instigateur de l’invasion de Kiev le 24 février 2022.

« Ce sont eux qui ont déclenché la guerre », a-t-il martelé devant un parterre de législateurs, de fonctionnaires et de soldats ayant combattu en Ukraine. « Les élites de l’Occident ne cachent pas leur objectif : infliger une défaite stratégique à la Russie », a encore tancé le chef du Kremlin à quelques heures du discours de son homologue Joe Biden en Pologne.

Si les attaques sont virulentes, ce discours est loin de pouvoir faire plier l’Occident et les dirigeants de l’Ouest ne changeront pas de cap pour autant, analyse auprès du HuffPost Nicolas Tenzer, professeur à Sciences Po et directeur du média en ligne Desk Russie.

La rhétorique anti-occidentale habituelle

Dès les premières minutes de son allocation, Poutine a présenté la Russie - et l’Ukraine - comme des victimes du double jeu de l’Europe et de l’Otan. « La responsabilité de l’escalade dans le conflit ukrainien (...) repose totalement sur les élites occidentales », a ainsi affirmé le président russe, répétant sa thèse selon laquelle l’Occident soutient des forces néonazies en Ukraine pour y consolider un État antirusse.

« Ces menaces ne sont en rien nouvelles », estime le professeur de Sciences Politique Nicolas Tenzer au HuffPost. « Ce discours était attendu et les mêmes accusations qu’on entend depuis le début du conflit ont été proférées contre l’Occident ».

Sans même attendre la fin de son discours, la Maison Blanche a d’ailleurs dénoncé l’« absurdité » de la rhétorique anti-occidentale habituelle du président russe. Quelques heures après l’allocution de Poutine, le président américain Joe Biden en visite à Varsovie a réaffirmé que « l’Occident ne complote pas pour attaquer la Russie ». Il aussi assuré que l’Otan était « plus forte que jamais » en cet anniversaire du déclenchement par la Russie de la guerre en Ukraine.

Mais pourquoi Poutine s’acharne et réitère-t-il toujours les mêmes menaces ? « Parce qu’avouer sa défaite contre la ’petite armée ukrainienne’ serait marqué sa fin », estime d’abord Nicolas Tenzer. Selon cet expert, le président russe ira jusqu’au bout « qu’importe les pertes humaines ». Et d’ajouter : « Il pense, espérons à tort, qu’il a le temps pour lui et qu’après un certain temps, les démocraties céderont ».

L’Occident aux valeurs « corrompues »

Il n’y a pas que sur le plan militaire et politique que Poutine s’est attaqué à ses ennemis de l’Ouest, il a aussi livré bataille à la culture et aux mœurs occidentales. Jugeant ces pays en pleine « dégénérescence », le chef du Kremlin a déclaré, qu’en Occident « même la pédophilie est devenue normale. »

Ses propos contre des « valeurs occidentales corrompues » ont mis une nouvelle fois en lumière son homophobie : « L’Occident reconnaît le mariage homosexuel. (...) Les textes sacrés sont remis en question. La famille est l’union d’un homme et d’une femme », a-t-il déclaré. « Et les prêtres sont obligés de bénir les mariages entre homosexuels », a-t-il aussi dénoncé.

Encore une fois, cette diatribe ne surprend pas. « La question de la dégradation des mœurs est un thème récurrent chez lui », a analysé Sylvie Berman, ancienne ambassadrice de France à Moscou sur le plateau de BFMTV. « Il considère depuis très longtemps que c’est une lutte entre des valeurs, la Russie défendant celles de la famille, et il considère que les valeurs occidentales sont complètement dévoyées », abonde-t-elle. Ainsi, ses attaques sur les mœurs de l’Ouest ne datent pas d’hier, et n’auront que peu d’effet chez les Occidentaux.

L’échec des sanctions

Poutine a ensuite enchaîné sur le volet « économique » de son discours. Avec une nouvelle fois, une litanie de griefs contre l’Occident. « Ils s’en sont pris à notre économie, ils imposent des souffrances à notre peuple. Mais ils ont échoué », a-t-il affirmé saluant la « résilience » russe. Selon lui, la baisse du PIB en 2022 de seulement 2,1 % est un succès.

« Ceux qui ont imposé des sanctions se punissent eux-mêmes », a-t-il poursuivi invoquant l’inflation et la crise énergétique qui guettent les pays européens. L’Occident a entamé « une agression non seulement militaire et informationnelle, mais aussi économique » contre la Russie. « Ils n’ont obtenu de succès dans aucun de ces domaines », a-t-il répliqué.

Ce sont des propos « revanchards » alors que l’économie russe est bel et bien éprouvée par les sanctions occidentales, a jugé Carole Grimaud, professeure en géopolitique de la Russie à l’université de Montpellier, au micro de France Info.

Le chef du Kremlin s’en est aussi pris aux richissimes hommes d’affaires russes dont des biens, des yachts ou des comptes ont été saisis à l’étranger dans le cadre des sanctions. Ce sont des « traites », des « citoyens de seconde zone », dont « on ne pleure pas le sort », a-t-il fermement jugé. Pourtant, c’est Vladimir Poutine lui-même qui a aidé les oligarques à s’enrichir et à s’acheter des villas dans les pays d’Europe de l’Ouest.

Une menace nucléaire de plus

En clôture de son allocution, le président a enfin annoncé la suspension au traité russo-américain « New Start » sur le désarmement nucléaire, rompant ainsi définitivement tout lien avec les États-Unis. Mais cette menace nucléaire voilée est « dans la continuité de ses précédentes annonces. Même si bien sûr les dirigeants occidentaux vont surveiller de près si la Russie, qui se dit prête à des essais d’armes nucléaires, met réellement sa menace à exécution », juge Nicolas Tenzer.

Ce qui pourrait en revanche marquer un tournant dans ce conflit est le possible soutien militaire de Pékin à la Russie afin de former une « coalition anti-occidentale ». Les Occidentaux ont en effet exprimé cette semaine leurs inquiétudes, réitérées mardi par le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, face à la possibilité que la Chine, alliée à la Russie, lui livre des armes. Mais cette éventualité a été balayée aujourd’hui par Pékin, affirmant « promouvoir le dialogue » entre les belligérants.

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