A quoi pourrait ressembler "le rideau de fer" promis par Darmanin pour lutter contre l'immigration illégale à Mayotte
"Un rideau de fer dans l'eau". C'est par ces mots que Gérald Darmanin a annoncé vouloir renforcer la lutte contre l'immigration illégale à Mayotte dimanche. Le dispositif envisagé devrait très fortement ressembler à un plan qui existe déjà depuis 2018.
"Beaucoup plus de moyens d'interception, des nouveaux radars... Très concrètement, dans les prochains jours, vous verrez un changement radical", a résumé en quelques mots le ministre de l'Intérieur dans une vidéo postée sur X (anciennement Twitter).
Stopper net les "filières d'immigration irrégulière"
Ce dispositif cherche à "empêcher bien sûr le passage des kwassa-kwassa", ces canots de pêche comoriens qui accostent tous les jours dans l'archipel avec des migrants à leur bord. Avec un but: enrayer les "filières d'immigration irrégulière".
Département français le plus pauvre de France, Mayotte est peuplé de 310.000 habitants, selon l'Insee - probablement beaucoup plus selon la Chambre régionale des comptes - dont 48% d'immigrés comoriens ou d'autres pays d'Afrique.
La plupart arrivent clandestinement à bord de barques de pêche traditionnelles depuis l'île comorienne d'Anjouan, distante de seulement 70 kilomètres.
Nouveaux navires et surveillance aérienne
Si le gouvernement a multiplié ces derniers mois les visites sur l'île - la dernière date de décembre avec Élisabeth Borne, alors Première ministre -, Gérald Darmanin semble décidé à mettre un coup d'accélérateur. Depuis le mois de janvier, l'île est bloquée par des barrages d'habitants, excédés par l'insécurité qui frappe le territoire.
De quoi pousser Gérald Darmanin à s'appuyer sur l'opération Shikandra en l'intensifiant. Lancé par Annick Girardin, alors ministre des Outre-mer en 2018, ce dispositif a permis d'avoir autour de l'île des bateaux de police 24h/24.
Ces navires d'interception qui ont pour particularité de pouvoir accélérer très vite et d'avoir des réservoirs de carburant plus important nécessitant moins d'aller-retour avec la terre ferme et avaient été accueilli avec satisfaction par les habitants.
Une surveillance aérienne accrue a également été développée ces dernières années permettant de repérer les embarcations illégales jusqu'à une soixantaine de kilomètres des côtes mahoraises. Une unité littorale des affaires maritimes dédiée au contrôle des pêches et à la lutte contre l'immigration clandestine a également vu le jour.
Des résultats contrastés
De quoi faire dire à Gérald Darmanin qu'une première "vague d'investissements massifs" a déjà été effectuée ces dernières années.
Une nouvelle salve financière pour renforcer le dispositif peut-elle être efficace ? La question reste entière compte tenu des résultats plutôt modestes du plan Shikandra.
Le gouvernement avait fixé l'objectif de 25.000 interceptions en mer d'ici fin 2019. Sans y parvenir: en 2018, 2.619 interpellations ont eu lieu en mer et 2.816 ont eu lieu en 2019, d'après un rapport parlementaire.
On note cependant une forte augmentation en 2022 avec 7.839 interpellations maritimes. Ce "rideau de fer maritime pourrait tenter" de combler les brèches du dispositif avec l'installation de deux nouveaux radars pour contrôler des passages en mer utilisés par les passeurs.
"Seule une fraction des kwassas est interceptée"
La multiplication des vols de nuit devrait également être au menu en permettant notamment de déployer massivement des opérations de police en cas de regroupement de kwassas en mer.
Cela sera-t-il suffisant ? La question se pose, d'après Estelle Youssoupha, députée Liot et auteur d'un rapport sur le sujet, qui en doute.
"Seule une fraction des kwassas est interceptée", remarque-t-elle, pointant notamment du doigt "la complicité ou la corruption" des policiers et des garde-côtes comoriens.
Parmi les pistes d'action pour réduire drastiquement l'immigration illégale, cette députée appelle encore à "poser la question du maintien de l'aide publique" aux Comores "faute de démonter sa capacité à prévenir les départs" de ses habitants.
Estelle Youssoupha appelle également Frontex, l'agence qui gère les frontières extérieures de l'UE, à s'associer à la gestion migratoire à Mayotte, ce qui permettrait à l'île de disposer de plus vastes moyens.