Pourquoi la vente à perte est-elle interdite en France ?

Le gouvernement a annoncé qu'il allait autoriser les distributeurs à vendre du carburant à perte durant six mois. Une mesure exceptionnelle.

Les distributeurs pourront vendre des carburants à perte dès le 1er décembre et pour six mois / Photo d'illustration / Getty Images
Les distributeurs pourront vendre des carburants à perte dès le 1er décembre et pour six mois / Photo d'illustration / Getty Images

Des prix au litre qui tutoient voire dépassent deux euros par litre... Face à la flambée des prix des carburants, le gouvernement va déroger à la loi. Exceptionnellement, et pour une durée de six mois, les distributeurs seront autorisés à vendre les carburants à perte. La mesure devrait entrer en vigueur en décembre et sera une des -rares- entorses à une loi instaurée le 2 juillet 1963.

À l'époque, et alors que la grande distribution est en plein essor en France, le gouvernement souhaite protéger les petits commerces en empêchant les commerçants de "revendre ou annoncer la revente d'un produit en l'état au-dessous de son prix d'achat effectif", selon le site de la Répression des fraudes (DGCCRF).

Une interdiction pour protéger les petits commerces

Le premier hypermarché vient à l'époque d'ouvrir ses portes, un magasin Carrefour, inauguré le 15 juin 1963 dans l'Essonne, et les petits commerces s'inquiètent de son pouvoir économique et de celui des centrales d'achat des hypermarchés. Avec la multitude de produits proposés, ils craignent qu'il ne vende à perte certains produits prisés pour attirer les clients, et qu'il se rattrape sur d'autres.

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Une pratique qui, redoute l'État, pourrait conduire à la mort des petits commerces et à une situation de domination sur le marché : concrètement, les commerces plus gros et solides financièrement pourraient se permettre des pertes durant une certaine période, alors que les petites enseignes, plus fragiles économiquement, disparaitraient petit à petit, leur laissant ensuite le champ libre pour pratiquer les politiques tarifaires de leur choix.

Intermarché condamné à 375 000 euros d'amende

Mais la loi n'est pas toujours respectée. En 2018, l'enseigne Intermarché avait été condamnée à une amende de 375 000 euros d'amende, soit le montant maximum prévu par la loi pour revente à perte, pour avoir vendu du Nutella à -70%. L'opération avait entraîné des bousculades dans différentes enseignes du groupe.

Il existe toutefois sept exceptions à cette interdiction, listées par la DGCCRF : les produits soldés, les denrées périssables rapidement, la vente de produits saisonniers, en fin de saison et avant la saison suivante, comme le matériel de sport d'hiver, la vente de produits techniques dépassés ou de produits démodés...

Les stations indépendantes menacées de disparition ?

L'autorisation de la vente à perte des carburants pourrait toutefois n'avoir qu'un faible impact sur le pouvoir d'achat des ménages, préviennent les spécialistes, qui soulignent la possibilité des distributeurs de rattraper leurs pertes en augmentant les prix d'autres produits.

Autre crainte, celle d'une disparition des stations-services indépendantes qui étaient protégées jusqu'à présent par la loi de 1963, et qui ne peuvent pas se permettre de vendre à perte, souligne Frédéric Plan, délégué général de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffages, sur France Info, et sont donc directement menacées de disparition si les clients fuient vers des stations services où le prix est nettement plus bas.

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