Pourquoi les relations entre Macron et Erdogan sont-elles si tendues ?

Ces derniers mois, de nombreux sujets ont provoqué des tensions entre Recep Tayyip Erdoğan et Emmanuel Macron.

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a attaqué Emmanuel Macron sur sa “santé mentale” suite aux propos de ce dernier sur les caricatures de Mahomet. Un dossier loin d’être le seul qui oppose les deux chefs d’État.

Les relations diplomatiques entre la France et la Turquie sont au plus bas. Suite à l’attaque terroriste islamiste de Conflans-Sainte-Honorine, Emmanuel Macron a déclaré “Nous ne renoncerons pas aux caricatures”. Une prise de position qui n’a pas du tout plu au chef de l’État turc Recep Tayyip Erdoğan qui a mis en cause la “santé mentale” d’Emmanuel Macron, qu’il soupçonne d’avoir un “problème” avec “les musulmans et l’Islam”. Ces propos ont poussé Paris à rappeler son ambassadeur à Ankara, un acte très rare puisqu’il s’agit d’une première dans l’histoire des relations diplomatiques franco-turques.

Mais si les deux en pays en sont là aujourd’hui, ce n’est pas seulement à cause de ces échanges concernant l’islam et l’islamisme en France. Depuis plusieurs mois, d’autres dossiers ont détérioré les relations qui entre les deux hommes.

Erdogan irrité par le projet de loi sur le séparatisme

Déjà au début du mois d’octobre, le président turc affirmait que “les déclarations de Macron selon lesquelles l’islam est en crise sont une provocation claire, qui dépasse le simple manque de respect”. Des propos qui faisaient suite à ceux du président français qui avait annoncé vouloir “structurer l’islam” avec le projet de loi sur le séparatisme en France. “Qui es-tu pour parler de structurer l’islam ? C’est de l’insolence et c’est dépasser les bornes”, avait ajouté Erdoğan.

La crise en Méditerranée orientale

Au mois de septembre dernier le président turc avait lancé une offensive à l’encontre d’Emmanuel Macron concernant la crise en Méditerranée orientale. Un conflit qui oppose la Grèce et la Turquie qui se disputent depuis plusieurs décennies l’étendue de leurs eaux territoriales respectives et notamment depuis une dizaine d’années à propos des gisements de gaz en mer que chacun des deux pays veut s’approprier.

Cet été, les tensions se sont ravivées et la France a intensifié sa présence militaire en Méditerranée orientale et soutenu ouvertement la Grèce en accusant Ankara de “violer” la souveraineté de la Grèce et de Chypre. “Ne cherchez pas querelle au peuple turc, ne cherchez pas querelle à la Turquie”, avait lancé Erdoğan à Emmanuel Macron au début du mois de septembre.

Le conflit du Haut-Karabakh

Dans le Haut-Karabakh, cette région montagneuse située sur le territoire azéri mais majoritairement peuplée d’Arméniens, un conflit vieux de 30 ans oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Depuis le début de l’année, les tensions ont repris notamment à cause de la Turquie qui est accusée d’envoyer des miliciens syriens pour venir en aide à l’Azerbaïdjan. “300 combattants ont quitté la Syrie pour rejoindre Bakou”, affirmait Emmanuel Macron début octobre.

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“J’appellerai le président Erdoğan dans les tout prochains jours parce qu’en tant que coprésident du groupe de Minsk, je considère que c’est la responsabilité de la France de demander des explications” ajoutait-il.

Une présence militaire en Libye qui dérange

Au mois de juillet dernier, Jean-Yves Le Drian avait annoncé être préoccupé par l’attitude de la Turquie en Libye. Le ministre avait condamné “le soutien militaire croissant” turc au gouvernement libyen en place depuis 2016, ce à quoi Ankara avait rétorqué que la France était un “obstacle à la paix” en Libye, en soutenant le camp adverse.

Emmanuel Macron était déjà monté au créneau quelques jours plus tôt en dénonçant “la responsabilité historique et criminelle” de la Turquie dans le conflit libyen. Des propos auxquels le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu avait sèchement répondu : “La France, que Macron dirige ou plutôt qu’il n'arrive pas à diriger en ce moment, ne se trouve [en Libye] que pour poursuivre ses intérêts avec une mentalité destructrice”.

Pour rappel, un “grave incident militaire”, comme le qualifie l’éditorialiste Christian Makarian, avait eu lieu le 10 juin entre une frégate turc et la frégate Le Courbet. La frégate française voulait identifier un cargo suspecté de transporter des armes vers la Libye quand elle a été “illuminée” (ndlr : dernière action avant le tir) à trois reprises par le radar de conduite de tir de l’escorte turque. Paris avait alors dénoncé une attaque “extrêmement agressive”.

“Un conflit qui a des racines profondes”

Si les tensions se sont intensifiées ces derniers mois, il s’agit d’“un conflit qui a des racines profondes, qui a pour point de départ la question de la Syrie”, affirme Christian Makarian. À cette tension initiale se sont ajoutées tous les récents événements précédemment évoqués. Il faut également ajouter toute une ligne de fond qui porte sur des désaccords profonds concernant la question des migrants que la Turquie héberge. “Elle les libère de façon très calculée pour déstabiliser l’Europe, pour obtenir en échange de ces flux de migrants des avantages de la part de l’UE.”

Un intérêt électoral pour Erdoğan

Ces prises de position agressives du président turc ne sont pas sans intérêt quant à l’élection présidentielle turque de 2023, assure l’auteur de Généalogie de la Catastrophe. “Les turcs d’Europe votent dans les consulats et on sait qu’ils votent majoritairement AKP (le parti d’Erdoğan), et ce vote est très important parce qu’il est massivement favorable a Erdoğan”, juge l’essayiste.

En effet, le président turc est de plus en plus contesté dans le pays, preuve en est avec une réelle baisse dans les sondages et des résultats défavorables comme lors des municipales en 2019. Reste donc à voir si cette stratégie sera payante pour le président turc.

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