Que se passe-t-il entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh ?

Depuis plusieurs décennies, le territoire du Haut-Karabakh est au centre d'un conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Depuis le 27 septembre dernier, des combats transfrontaliers entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont fait plusieurs dizaines de morts en raison d’un conflit autour de la région du Haut-Karabakh qui dure depuis 30 ans. Explications.

Cela fait plus d’une semaine que les combats se sont intensifiés dans le Haut-Karabakh, cette région autonome en proie à un conflit entre séparatistes arméniens et forces azerbaïdjanaises depuis plusieurs décennies. Il s’agit d’une région montagneuse située sur le territoire azéri mais majoritairement peuplée d’Arméniens.

À la fin de années 1980, juste avant l’effondrement de l’URSS, la population du Haut-Karabakh, aussi appelé Nagorny Karabakh, réclame son indépendance vis à vis de l’Azerbaïdjan, ce que refusent les autorités de Bakou qui décident d’engager une guerre contre l’Arménie qui soutient les sécessionnistes. Entre 1988 et 1994, les deux anciens pays de l’Union Soviétique se livrent une guerre provoquant la mort de plus de 30 000 personnes, en faisant l’un des conflits ethniques les plus destructeurs ayant surgi après la dissolution de l’Union soviétique.

En 1994, après 6 ans de combats intenses, un cessez-le-feu est signé avec la médiation russe après une débâcle militaire de l’Azerbaïdjan pourtant mieux armée. Une victoire pour l’Arménie qui permet à son armée d’occuper une partie du Haut-Karabakh, alors que Bakou perd 13% de son territoire. Mais comme aucun traité de paix n’a été signé, les deux pays s’adonnent à des escarmouches régulières, l’Azerbaïdjan estimant que le territoire occupé par les Arménien doit leur revenir.

Un conflit loin d’être gelé

Pourtant, dès 1992, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) mettait en place le Groupe de Minsk, coprésidé par la Russie, la France et les Etats-Unis, une organisation mise en place pour rétablir la paix dans la région. Près de trente ans plus tard, aucun pays n’a reconnu l’indépendance de cette région de 150 000 habitants et la paix n’a donc jamais été déclarée. Si ce conflit est dit “gelé”, il est loin de l’être puisque le cessez-le-feu est régulièrement violé. Ce fut notamment le cas lors de la Guerre des quatre jours d’avril 2016, gagnée par l’Azerbaïdjan, où plusieurs centaines de personnes sont mortes suite à une offensive lancée par l’armée azerbaïdjanaise.

En juillet dernier, la porte-parole du ministère de la défense arménien Chouchane Stepanian alerte d’une nouvelle offensive du voisin azerbaïdjanais, ce que dément Vagif Darghali, porte-parole du ministre azerbaïdjanais de la défense. Tirs de mortiers, obus... Pas moins de 17 personnes trouvent la morts dans ces affrontements et les deux bords se rejettent la faute concernant le camp à l’origine des attaques.

Depuis le 27 septembre, des combats meurtriers ont de nouveau éclaté à Stepanaterk, principale ville du Karabakh. Tirs de roquette, explosions, sirènes d’alerte, ville privée d’électricité, de nouvelles scènes de guerre font surface sur ce territoire disputé. Officiellement, près de 250 personnes sont mortes lors des affrontements ces derniers jours mais le bilan pourrait être bien plus lourd. Erevan assure que 3000 soldats azerbaïdjanais ont été tués et Bakou affirme que 2300 soldats arméniens sont morts.

Quels enjeux pour les deux pays ?

L’Azerbaïdjan veut reconquérir le territoire qu’ils ont perdu en 1994 suite au cessez-le-feu. Pour Laurent Leylekian, spécialiste de l’Asie mineure et du Caucase du Sud interrogé par France Info, l’enjeu pour l’Azerbaïdjan est “essentiellement une question de fierté”, alors que pour les habitants du Haut-Karabakh, il s’agit d’une “question de vie ou de mort”. L’enjeu pour les Arméniens de ce territoire est d’être indépendant ou mort.

Pour expliquer ses propos, Laurent Leylekian prend l’exemple du Nakhitchevan, un territoire qui était composé de 100% d’Arméniens que les deux pays se sont disputés et que contrôle aujourd’hui Bakou. “En raison d’un processus violent d’homogénéisation ethnique, il n’y a tout simplement plus d’Arméniens sur ce territoire, ils ont été expulsés ou massacrés.” Une situation que craignent les habitants du Haut-Karabakh, qui ne souhaite donc pas revenir le giron azerbaïdjanais, “car il s’est développé en Azerbaïdjan une rhétorique raciale anti-arménienne très claire”.

Ilham Aliev, le président azerbaïdjanais, a déclaré : “Nous allons reprendre nos territoires, c’est notre droit légitime et notre objectif historique. Nous ne pouvons pas attendre 30 ans de plus [...] Il faut que le conflit du Karabakh soit réglé maintenant.”

La communauté internationale s’en mêle

Depuis plusieurs jours, la communauté internationale a réclamé un cessez-le-feu. Le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a réclamé une “fin immédiate des hostilités”, tout comme Moscou, Washington et Paris mais ils n’ont pas été entendus. En France, 176 élus ont signé un tribune dans laquelle ils exigent que la France réexamine “sa stratégie dans le conflit”, pour soutenir l’Arménie.

Concernant la Turquie, le porte-parole de la présidence a pris position et dénoncé sur Twitter une “attaque de l’Arménie”. “Le peuple turc va soutenir nos frères azerbaïdjanais avec tous nos moyens, comme toujours” a par la suite déclaré le président Erdogan sur Twitter.

Gaïdz Minassian, professeur à Sciences Po et spécialiste du Caucase explique au Parisien la stratégie de la Turquie dans ce conflit : “Après les interventions en Syrie et en Libye, les Turcs veulent ouvrir un troisième front dans le Caucase pour étendre leur influence. Leur stratégie est simple : dégrader la situation locale pour avancer leurs pions et peser dans le jeu régional.” L’armée azérie bénéficie d’une aide militaire turque précieuse avec notamment la livraison de matériel sophistiqué ou l’envoie de mercenaires syriens financés par les autorités turques pour combattre.

Pour Laurent Leylekian, Erdogan pousse Bakou à faire la guerre pour “renforcer sa mainmise sur l’Azerbaïdjan” et comme le président turc n’est pas du tout sûr de gagner les élections générales de 2023 pour la première fois depuis vingt ans, “il mène des guerres ou des bras de fer un peu partout”.

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