Pourquoi la motion de censure de la gauche votée par le RN n'a rien d'une première

Photo d'illustration (Photo by Emmanuel DUNAND / AFP)
Photo d'illustration (Photo by Emmanuel DUNAND / AFP)

Si le vote du RN en faveur de la motion de censure déposée par la Nupes fait beaucoup réagir, il ne s'agit pas d'une première, loin de là.

"Les masques tombent, quel aveu de faiblesse" "alliance contre-nature", "Il est temps que la gauche républicaine, socialiste, écologiste, se ressaisisse". Les ministres et députés de la majorité ont vivement réagi au vote des députés du Rassemblement national en faveur de la motion de censure déposée par la Nupes.

Un vote de l'extrême droite en soutien à la motion de censure déposée par la gauche qui n'est pourtant pas une première depuis l'élection d'Emmanuel Macron, en mai 2017.

Le RN votait les motions de censure de droite et de gauche en 2018

Un peu plus d'un an après son arrivée à l'Élysée, Emmanuel Macron fait face à ses deux premières motions de censure. En juillet 2018, le gouvernement voit ainsi l'affaire Benalla éclater dans la presse.

Les oppositions en profitent alors donc pour passer à l'offensive, et déposent deux motions de censure : une de droite et une de gauche, défendues respectivement par Christian Jacob (LR) et André Chassaigne (PCF). La motion de gauche est votée par plusieurs députés RN, qui siègent comme non-inscrits, faute de groupe à l'Assemblée. Louis Aliot, Gilbert Collard, Marine Le Pen et Sébastien Chenu y apportent leur vote.

Un vote pour "exprimer notre désaccord" selon Marine Le Pen

La motion de droite, votée par 101 des 103 députés LR, récolte également le vote des 17 députés insoumis et de 14 des 16 députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont font partie les députés communistes. Mais aussi de plusieurs députés non-inscrits comme Marine Le Pen, Louis Aliot, Bruno Bilde, Sébastien Chenu, Gilbert Collard (par délégation) ou encore le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan.

"Cela va servir à exprimer notre désaccord avec l’Etat autoritaire que Monsieur Macron est en train de mettre en place", déclarait alors Marine Le Pen sur BFMTV pour justifier son intention de vote en faveur des deux motions de censure.

En 2020, les députés RN votaient la motion de la gauche contre la réforme des retraites

En mars 2020, quelques jours avant que le pays ne soit confiné en raison de la pandémie de Covid, le gouvernement fait face à un mouvement social suite à la tentative de réforme des retraites, finalement avortée en raison de la crise sanitaire à venir. La droite et la gauche déposent, chacun de leur coté, des motions de censure contre le gouvernement d'Edouard Philippe.

Sans surprise, les motions sont rejetées, celle déposée par la gauche ne recueille que 91 voix : celle des 30 socialistes, des 17 insoumis, des 16 députés de la la Gauche démocrate et républicaine, mais aussi les voix des députés du RN qui siègent parmi les non-inscrits : Marine Le Pen, Louis Aliot, Sébastien Chenu, Bruno Bilde, et leurs alliés Emmanuelle Ménard, et Nicolas Dupont-Aignan, soutiennent le texte déposé par le Parti Communiste, les Insoumis et le PS.

Quand les Insoumis votaient la motion de censure LR malgré un "désaccord complet"

De son côté, la motion de censure déposée par LR n'est pas soutenue par le RN. "Nous voterons la motion de censure qui demande le retrait pur et simple de cette réforme", soit celle présentée par trois groupes de gauche - socialiste, communiste et insoumis. "En revanche nous ne voterons pas celle qui évoque un allongement de l'âge de départ à la retraite et la fin par principe des régimes spéciaux", soit celle des LR, expliquait Marine Le Pen lors d'une conférence de presse.

En revanche, la motion de censure déposée par LR est votée par les députés Insoumis. malgré un "désaccord complet" avec la droite sur le fond, a expliqué le député (LFI) de la Somme François Ruffin.

En 86, le FN votait la motion de censure socialiste

Comme le relève Libération, pour qu'un groupe Front national vote une motion de censure déposée par la gauche, il faut remonter à 1986, dernière législature durant laquelle le Front national disposait du nombre suffisant de députés pour pouvoir constituer un groupe à l'Assemblée nationale. À cette époque, les troupes de Jean-Marie Le Pen apportaient leurs voix à celles du socialiste Roland Dumas pour faire tomber Jacques Chirac.

En vain, puisque seule une motion de censure a abouti sous la Ve République, en 1962 contre le projet d'élection du président de la République au suffrage universel. La question sera finalement réglée au référendum, qui verra le "oui" l'emporter. Aux élections législatives, les Gaullistes l'emporteront et Georges Pompidou sera conforté dans son rôle de Premier ministre.

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