Pourquoi le Haut Conseil pour le Climat estime que la France a été dépassée par le réchauffement

CLIMAT - Plus besoin d’aller au pôle Nord pour observer la fonte des glaces. En 2022, pour voir les effets du réchauffement climatique de ses propres yeux… Il suffisait de regarder par la fenêtre, ou de sortir dans son jardin. Incendies géants, pénurie d’eau, récoltes détruites : cette année a marqué un tournant inédit pour le climat en France.

C’est le constat que fait le Haut Conseil pour le Climat (HCC), instance indépendante mise en place par Emmanuel Macron en 2018, dans son rapport annuel publié ce mercredi 28 juin. Selon le titre même du rapport il faut « acter l’urgence » climatique, pour ensuite « engager les moyens » financiers d’en sortir. Pour cela l’institution dresse un bilan de 2022, une année brûlante pour le climat en France, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de cet article.

Une année à +2,9 °C de réchauffement climatique

Et pour cause, l’hexagone se réchauffe plus de deux fois plus vite que la moyenne mondiale. « Notre pays s’est réchauffé de +2,9 °C par rapport à la période préindustrielle, contre +1,2 degré de réchauffement à l’échelle mondiale » indique Corinne Le Quéré, présidente du HCC. Les conséquences de ce réchauffement sont déjà très visibles et concrètes pour les Français.

2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France. « Tous les mois de l’année ont été plus chauds que la normale, à l’exception des mois de janvier et d’avril » indique Météo France dans son bilan annuel.

2022, année la plus chaude jamais enregistrée par Météo France.
2022, année la plus chaude jamais enregistrée par Météo France.

Trois vagues de chaleur impressionnantes ont frappé le pays, début juin, puis au mois de juillet et d’août. Pour autant, « les dispositifs de prévention et de gestion de crise n’ont pas permis d’éviter toutes les conséquences des évènements météorologiques et climatiques » point du doigt le HCC. Ces vagues de chaleurs sont responsables de 2 816 décès.

La chaleur a entraîné une sécheresse généralisée de la végétation, faisant de 2022 une année record d’incendies. « Plus de 72 000 hectares sont partis en fumée en métropole, excédant les moyens français pour faire face aux feux de forêts » constate le HCC. On se rappelle encore très nettement les images des feux près de Landiras (Gironde), représentant à eux seuls 21 465 hectares.

Lors de l’été 2022, les images des incendies dans le Sud Ouest ont fait la Une de tous les journaux pendant des semaines, et le mot « méga feux » est entré dans le quotidien des Français. Au-delà de leur intensité, les feux de forêt de cette année ont aussi été inédits par leur localisation. La Bretagne, les massifs du Jura et des Vosges, d’ordinaires épargnés, ont été durement touchés.

Un avion largue de l’eau sur un feu de forêt qui fait rage dans les Monts d’Arree, près de Brennilis, en Bretagne, le 20 juillet 2022.
Un avion largue de l’eau sur un feu de forêt qui fait rage dans les Monts d’Arree, près de Brennilis, en Bretagne, le 20 juillet 2022.

Accès restreint à l’eau potable et pertes agricoles

Au-delà des incendies, le déficit des précipitations a entraîné des tensions en eau potable pour « plus de 2000 communes, et 7 d’entre elles ont eu l’eau coupée au robinet » relève le rapport du HCC. En août 2022, la sécheresse se voyait partout. Le sol craquelé, les fleuves à sec, les champs grillés. Pendant des semaines la Loire n’était plus qu’un banc de sable avec quelques rivières qui le traverse.

Cette photo aérienne montre un pont sur le lit asséché de la Loire, dans l’ouest de la France, le 20 septembre 2022.
Cette photo aérienne montre un pont sur le lit asséché de la Loire, dans l’ouest de la France, le 20 septembre 2022.

L’usage de l’eau avait alors été réduit et contrôlé. L’arrosage des pelouses, le lavage des voitures ou encore l’irrigation des cultures en journée étaient interdits. On faisait venir l’eau potable par camion-citerne, on dessalait l’eau de mer, et en dernier recours, on distribuait des bouteilles d’eau. La production en hydroélectricité a elle aussi été fortement perturbée, enregistrant un recul de -20 % sur l’année 2022.

« Quand ce n’était pas la sécheresse et les incendies, c’était l’orage et la grêle » souffle Luc Servant, Vice-Président de la Chambre d’agriculture. Les agriculteurs se souviennent avec un goût amer des dernières récoltes. « Certaines productions ont été totalement perdues. Le maïs n’a même pas pu être ramassé dans le Sud-ouest, mais aussi dans les pays de Loire et la Normandie. L’ensemble du système agricole a été touché ». Des pertes sur le maïs, le tournesol, les cultures de légumes… Selon le HCC, les évènements climatiques extrêmes ont entamé de 10 % à 30 % les rendements selon les cultures.

En 2022, les rendements agricoles ont baissé de 10 % à 30 % selon les cultures. Photo d’illustration.
En 2022, les rendements agricoles ont baissé de 10 % à 30 % selon les cultures. Photo d’illustration.

Le pays a enregistré 8 000 demandes de communes pour « catastrophes naturelles » et les aléas climatiques ont coûté 2,9 milliards aux assureurs. « Pour contenir les conséquences d’un réchauffement climatique grave, la baisse rapide des émissions est plus que jamais essentielle » alerte Corinne Le Quéré, présidente du HCC. Dans ses recommandations, le Haut Conseil pour le Climat demande au gouvernement d’investir plus d’argent dans la transition écologique, au moins 30 milliards supplémentaires d’ici 2030, et de réduire drastiquement ses émissions de CO2.

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