Pourquoi les agriculteurs se suicident plus que le reste de la population ?
Un rapport du Sénat montre une surmortalité par suicide dans le milieu agricole par rapport au reste des Français. Et pour cause, les situations de détresse sont nombreuses.
Les agriculteurs sont en colère et ils le font savoir. Partout en France, ils bloquent les routes pour manifester leur ras-le-bol face aux charges financières qui s’accumulent. Même s'il ne date pas d'aujourd'hui, le malaise des agriculteurs prend un nouveau tournant. Preuve en est avec le taux de suicide particulièrement haut chez les agriculteurs ces dernières années.
Arnaud Rousseau (président de la FNSEA): "Aussi longtemps qu'il n'y aura pas de décisions concrètes, il n'y aura pas de levées des actions menées sur le terrain" pic.twitter.com/xDLkkHoOkg
— BFMTV (@BFMTV) January 22, 2024
Un rapport de la Mutualité sociale agricole (MSA) d’octobre 2022 révèle que 529 agriculteurs affiliés au régime agricole se sont suicidés en 2016. Cela représente 1,5 suicide par jour. Ce chiffre conséquent pourrait être tout de même sous-estimé du fait que seules les personnes remboursées ont été prises en compte.
Au total, “les consommants de soins du régime agricole de 15 à 64 ans ont un risque de mortalité par suicide supérieur de 30,9 % à celui des assurés tous régimes”, précise un autre document de la MSA sur l’évolution des charges et de produits au titre de 2024. Ce risque monte à 77,3% en ne prenant en compte que les propriétaires agricoles. Qu’est-ce qui explique le taux de suicide particulièrement haut chez les agriculteurs ?
Des revenus modestes
Dans un rapport déposé le 17 mars 2021, le Sénat retranscrit les auditions d’agriculteurs qui ont témoigné de leur quotidien. Y est précisé que les suicides dans la profession agricole ont des origines multifactorielles, professionnelles ou non. Des éléments sont cependant récurrents, à commencer par la question du revenu agricole. Un quart des agriculteurs vit sous le seuil de pauvreté en 2019, précise une étude de l’Insee de 2022. Cela correspond à l’époque à moins de 1102 euros par mois.
Pendant ce temps-là, ils sont confrontés à une augmentation significative des charges en France, qui ne les met pas sur un pied d’égalité avec leurs concurrents étrangers, et à une augmentation de la charge de travail qui ne leur laisse que très peu de répit. “Qui, à part nous les agriculteurs, accepterait de vivre avec 300 € par mois en faisant 50 à 70 heures par semaine ?”, interroge par exemple un exploitant. L’absence de revenu suffisant les empêche, de plus, d’employer de la main d'œuvre pour les aider dans leurs tâches et de s’octroyer des vacances.
Un système qui pousse à s’endetter
“On est dans un modèle agricole totalement dingue, dénonçait notamment le sénateur Europe Ecologie-Les Verts Yannick Jadot sur franceinfo le 20 janvier dernier. Le rapport du Sénat précise que “les acteurs économiques réputés proches des agriculteurs les encouragent à s'engager dans une course délétère à l'agrandissement et à la productivité, faite à coups d'endettement et de charge de travail supplémentaire, plaçant les agriculteurs dans des situations insoutenables.”
Autre fait notable : l'incompatibilité entre les nombreux investissements des agriculteurs et l'instabilité du cadre général de la politique agricole. Les changements des normes trop fréquents compliquent l’évaluation de la rentabilité d’un investissement. “À cet égard, il importe de questionner le fait d'avoir un horizon de la politique agricole commune de 5 à 7 ans alors que des investissements sont le plus souvent amortis sur plus de 10 ans”, suggère le rapport.
À ces difficultés s'ajoutent le sentiment d’isolement des agriculteurs, l’impossibilité de tracer une frontière nette entre les sphères personnelle et professionnelle, les relations familiales complexes dans le monde agricole en raison de l'héritage et du poids de la transmission et le manque de reconnaissance de la profession.
Lundi soir, le Premier ministre Gabriel Attal a reçu les représentants de la FNSEA pour évoquer les sujets qui préoccupent les agriculteurs. A l'issue de la rencontre, le ministre de l'Agriculture Marc Fresneau a assuré que le gouvernement leur apportera des réponses "dans les prochains jours".
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