Ce que le plan de sobriété du gouvernement doit contenir pour être efficace

Freezing woman at home wears sweater and tries to raise the temperature on thermostat while energy crisis hits Europe in the winter.
SimpleImages / Getty Images Freezing woman at home wears sweater and tries to raise the temperature on thermostat while energy crisis hits Europe in the winter.

SOBRIÉTÉ - Les Français vont-ils être séduits par le plan de sobriété du gouvernement ? Pendant plus de trois heures, l’exécutif déroule ce jeudi 6 octobre ses mesures censées réduire de 10 % la consommation de gaz et d’électricité pour passer l’hiver. C’est qu’il n’y a plus le choix face à la crise énergétique, amplifiée par la guerre en Ukraine et la sécheresse de cet été. Tous les secteurs vont devoir se serrer la ceinture.

Chaque ministère va présenter sa feuille de route que les collectivités locales, les acteurs du sport, du logement, des transports, du commerce s’engageront à respecter. Depuis juin, neuf groupes de travail sectoriels planchent sur leur protocole de sobriété et la grande distribution a été la première à le dévoiler. Une première série de mesures sera mise en place mi-octobre telles que l’extinction des enseignes dès leur fermeture, la baisse de l’intensité lumineuse ou encore la diminution du chauffage.

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En attendant l’officialisation des annonces, voici les impératifs que le plan doit contenir pour être efficace. Et pas seulement en termes de mesures.

« Chaque geste compte »

Le gouvernement ne pourra faire l’impasse sur aucun secteur, et les ménages devront aussi faire des efforts. Baisser le chauffage à 19 degrés, utiliser un étendoir plutôt qu’un sèche-linge, mettre le couvercle lors de la cuisson des pâtes... les petites phrases ne manquent pas depuis quelques jours. « Chaque geste compte » est le nouveau solgan du gouvernement, qui doit toutefois aller plus loin que ces « éco-gestes » pour faire face à la crise énergétique.

Des chercheurs de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) ont partagé au HuffPost six mesures, tout secteur confondu, rapidement applicables par le gouvernement pour atteindre ses objectifs de sobriété. Les points ci-dessous permettraient de réduire de 122 TWh la facture énergétique de la France d’ici la fin de l’hiver. Pour se rendre compte, 1 TWh correspond à la consommation annuelle de 100 000 appartements chauffés à l’électricité. Si l’on part du principe que 75 % des Français les appliqueraient, alors le gouvernement parviendrait à atteindre la moitié de son objectif de 10 % d’économie. Ces propositions ne sont donc pas suffisantes, mais donnent un aperçu des changements de comportements nécessaires cet hiver.

  • Mettre le chauffage et la clim à température raisonnable, soit entre 19 °C et 20 °C l’hiver et de ne pas descendre en dessous de 26 °C en cas de forte chaleur l’été (50 TWH)

  • Extinction des lumières et du chauffage des bâtiments quand ils sont inoccupés (15 TWH)

  • Passer de 130 à 110km/h sur autoroute de 20 km/h (14 TWh)

  • Éviter la voiture pour les petits trajets (30 TWh)

  • Plans de sobriété plus robustes pour les entreprises (11 TWH)

  • Sobriété numérique : éteindre son poste de travail lorsqu’il n’est plus utilisé, regarder des vidéos dans une définition moyenne, limiter l’utilisation d’un navigateur peu énergivore... (moins de 2 TWh)

Certaines de ces mesures vont bel et bien figurer dans le plan de sobriété selon les informations de plusieurs médias dont Le Parisien.

Convaincre sans contraindre

Pour donner un cadre aux entreprises, une charte en 16 « mesures concrètes » devrait être dévoilée. Le gouvernement a aussi réfléchi à des mesures d’urgences en cas de fortes tensions sur le réseau électrique, comme diminuer le chauffage dans les bâtiments d’un degré supplémentaire, de 19 degrés à 18 degrés.

Mais annoncer une feuille de route ne suffit pas. Il s’agit pour le gouvernement de convaincre les Français de l’appliquer, ce qui ne va pas être chose facile. Aucune mesure coercitive n’est prévue, et l’exécutif compte faire appel à « l’intelligence collective ». La rhétorique va être primordiale pour séduire les plus réticents, nous confie Andreas Rüdinger, chercheur à l’IDDRI, spécialisé dans les politiques énergétiques et climatiques.

Le gouvernement devra notamment être clair sur le fait qu’il n’attend pas les mêmes efforts des moins aisés, déjà sous l’étreinte de la restriction énergétique, que des plus riches. « Ça passera par des mesures symboliques comme la régulation des jets privés. Mais aussi un signal prix : le bouclier tarifaire est aujourd’hui basé sur un principe d’égalité, ce qui est profondément injuste », abonde le scientifique qui explique qu’un ménage riche n’a pas besoin d’un blocage des tarifs d’éléctricté et de gaz.

Transparence et cohérence

L’exécutif va également devoir être transparent et cohérent dans ses annonces. Pour cela, les scientifiques de l’IDDRI conseillent de mettre en place un tableau de bord clair, par secteur, pour présenter régulièrement aux Français les économies réalisées grâce aux mesures mises en place.

Toujours dans cet objectif de clarté, l’outil EcoWatt, présenté comme la « météo de l’électricité », servira aussi de boussole aux ménages pour réguler leur consommation d’énergie. Lorsqu’un signal « rouge » indiquant une tension sur le secteur sera envoyé, les Français seront priés de baisser leur chauffage. L’indicateur fera d’ailleurs son apparition dans les bulletins météo de France Télévisions.

Mais ce qui va surtout être scruté par les experts de l’énergie, c’est la capacité du gouvernement à voir plus loin que cet hiver. « Ce plan ne doit pas juste être un pansement » face à la crise de l’énergie, détaille Andreas Rüdinger. Il doit aboutir sur des leviers à plus long terme pour entamer une vraie politique de transition énergétique, tels que l’isolation des bâtiments, l’aménagement de pistes cyclables, ou encore la création de villes où tous les services sont à quelques minutes à pied.

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