Avec le plan ruralité, Dominique Faure espère « améliorer la vie des habitants qui se sentent abandonnés »

La ministre déléguée à la Ruralité et aux Collectivités territoriales, Dominique Faure, le 7 juin.
La ministre déléguée à la Ruralité et aux Collectivités territoriales, Dominique Faure, le 7 juin.

POLITIQUE - Après France services (les services publics qui viennent à vous) et France Travail (le futur Pôle emploi), voici « France Ruralités », un plan interministériel piloté par la Première ministre, Élisabeth Borne, pour « améliorer la vie des habitants » de la ruralité, 22 millions de Français, soit un tiers de la population. Parmi les annonces qui étaient attendues par les élus locaux : une dotation de 59 millions d’euros pour la biodiversité (préservation des parcs naturels et zones humides), le renfort des zones de revitalisation rurales (exonérations sociales et fiscales pour installer une activité économique) et la mise à disposition de services d’ingénierie des départements au service des petites communes. 700 maisons pluridisciplinaires de santé supplémentaires sont annoncées.

En marge d’un déplacement dans la Vienne ce 15 juin avec Élisabeth Borne pour présenter ce plan, la ministre déléguée à la Ruralité et aux Collectivités territoriales, Dominique Faure, détaille auprès du HuffPost ce qui va changer pour ces territoires et comment elle s’occupe des maires menacés ou violentés. Entretien.

Le HuffPost : Quels résultats attendez-vous avec ce plan ?

Dominique Faure : C’est le fruit de 10 mois de travail et 66 visites de terrain pour améliorer la vie de ceux qui ont un sentiment d’abandon ou de relégation. On a pris le temps de co-construire avec les élus, les maires, les associations, et les habitants. Ces premières mesures nous semblent bonnes, mais il y aura des indicateurs qui nous permettront de suivre leur mise en œuvre et de les adapter en fonction de leurs résultats. Ce sont des dizaines de millions d’euros, pour améliorer la vie des habitants de nos ruralités.

« Des dizaines de millions d’euros pour améliorer la vie des habitants. »

Sur les transports, Élisabeth Borne a annoncé « un fonds de 90 millions d’euros sur trois ans » pour aider les collectivités à déployer des services de mobilité « innovants et solidaires » pour que les gens « soient moins dépendants de leur voiture ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ce sera 30 millions d’euros par an, sur trois ans, en plus des dotations existantes. L’idée n’est pas d’accélérer avec les trains ou les bus existants, mais de compléter le dispositif mobilité dans nos ruralités, en complément, sur « le dernier kilomètre ». Par exemple, aider des associations qui louent des scooters ou vélos électriques dans les campagnes pour les jeunes sans permis ou encore aider à remplacer des véhicules thermiques par des électriques pour celles qui accompagnent les séniors dans leurs déplacements.

« Accompagner les séniors et les jeunes sans permis dans leurs déplacements. »

Dans ce plan, on trouve aussi 100 Médico-bus pour les zones rurales qui sont des déserts médicaux. Combien de Français seront touchés ?

C’est un par département, mais ceux qui ont déjà pris des initiatives n’en auront peut-être pas besoin. On part des territoires, en soutien aux intercommunalités. On a pris exemple sur les gynéco-bus qui marchent très bien. Ça ressemblera aux bus de France services, sans permis poids lourd, avec un médecin à bord pour aller vers les populations qui ont besoin de services de santé, exactement comme dans un cabinet médical !

Les Outre-mer sont-elles concernées par ce plan ?

Bien entendu, et elles sont très demandeuses. J’en parle souvent avec Jean-François Carenco, ministre chargé des Outre-Mer.

Ni le mot « La poste » ni le mot « maternité » ne sont présents dans ce plan. Pourtant deux enjeux majeurs des territoires ruraux qui en manquent…

Vous avez raison. La Poste n’est pas encore dans ce plan, car nous sommes en train de travailler avec son directeur Philippe Wahl sur un nouveau financement du fameux « aller vers ». On pourra en reparler en octobre. Sur les maternités, c’est parfois difficile à comprendre mais les maternités de proximité ne permettaient plus toujours d’assurer la sécurité des femmes. Avec François Braun, nous avons fait en sorte que les femmes aient des maisons d’accueil avant et après l’accouchement proches de leur domicile, mais qu’elles fassent l’aller-retour sur la journée dans un hôpital avec un chirurgien et un anesthésiste disponibles en cas de problème.

On parle souvent du « millefeuille territorial » car les populations sont parfois perdues entre les compétences de la commune, l’intercommunalité, le département ou la région. Avez-vous pour ambition de simplifier ou de changer quelque chose à l’administration territoriale française ?

C’est la volonté du Président de la République de simplifier et de limiter le nombre d’étages. Il a mandaté la présidente de l’Assemblée et le président du Sénat qui vont lui remettre leurs conclusions la première quinzaine de juillet. Si on s’attelle à ce sujet : il faudra changer la Constitution. Quand on interroge les associations d’élus, elles conseillent d’amender à la marge certaines choses qui sont à corriger, par exemple quand les intercommunalités sont trop grandes ou que le bassin de vie est mal identifié. Nous pourrions le faire. Je laisse au président le soin de porter ses ambitions sur le reste auquel je souscris et qui prendra plus de temps.

« On compte 900 faits de cyberharcèlement contre les maires depuis le début de l’année. »

Beaucoup d’élus réclament aussi une autonomie fiscale, alors qu’ils n’ont plus la taxe d’habitation ou la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises…

Toute médaille a son revers. J’ai été maire et première vice-présidente de Toulouse Métropole, donc je l’ai vécu de près, mais on l’a fait pour deux raisons. La première, celle du pouvoir d’achat - et la taxe d’habitation est remboursée par l’État aux communes ; la seconde pour la compétitivité de la France et notre objectif de plein-emploi et de réindustrialisation. En Allemagne, les communes ont la compétence de finances publiques, mais pas de fiscalité. Nous avons allongé la dotation générale de fonctionnement de 320 millions d’euros l’an dernier, ce qui n’avait pas été fait depuis des années.

Un mot sur les agressions qui visent les maires. Quel message souhaitez-vous leur adresser ?

Tous les week-ends, j’appelle six à sept maires agressés par semaine. Certains rapportent des graffitis au sol de la commune avec des menaces de mort qui mènent à la maison du maire. On compte 900 faits de cyberharcèlement depuis le début de l’année et parmi eux, 7 % avec violences effectives. J’ai créé une cellule spéciale au ministère pour tout remonter et agir au plus vite.

Nous prenons le sujet très à cœur et depuis l’incendie de Saint-Brévin, 3 400 gendarmes et policiers référents sont déployés sur le territoire pour passer chez le maire pendant leur ronde, les former à la sécurité s’ils le souhaitent et afficher leur présence en prenant leur numéro de téléphone. Avec Gérald Darmanin, on ne cédera rien, on ne laissera rien passer, car c’est la République et la démocratie qu’on attaque.

Plus de 1 000 maires ont démissionné l’an passé. Aura-t-on assez de candidats et candidates aux municipales de 2026 ?

Je reçois souvent les maires démissionnaires. Il n’y a pas souvent de corrélation entre violences et démission. Ceux qui démissionnent ont en général été élus en 2020 et n’avaient pas réalisé à quel point un maire est dans le don de soi, le sacrifice de sa vie privée et comme la charge administrative est lourde… Nous travaillons actuellement avec l’Association des maires de France (AMF) pour simplifier leurs tâches, discuter d’une hausse de leur rémunération et de leurs statuts. Je pense qu’il y aura des candidats et candidates grâce à ces mesures et parce que beaucoup de gens veulent le pouvoir !

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