Philippe Chauvin, père d’un rugbyman décédé lors d’un match : "Il rentrait merveilleusement bien dans son match, 4 minutes après, il était mort"

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

En décembre 2018, Philippe Chauvin a dû faire face à la mort de son fils, décédé à la suite d’un dangereux plaquage lors d’un match de rugby. Pour "Trauma", le programme de Yahoo, ce père de famille endeuillé a accepté de se livrer sur cette tragédie à l’occasion de la sortie de son livre. Il est notamment revenu sur son combat pour sanctionner plus lourdement les comportements violents sur le terrain.

Il n’y a rien de pire que de perdre son enfant. Philippe Chauvin l’a vécu et ne le souhaite à personne. Le 9 décembre 2018, alors qu’il déambulait avec son épouse dans les allées d’une jardinerie à la recherche d’un sapin de Noël, son cœur s’est arrêté de battre lorsqu’il a appris, via un coup de téléphone, que son fils avait été victime d’un grave accident lors d’un match de rugby. À cet instant, la prunelle de ses yeux se trouvait sur un brancard dans un état préoccupant à la suite d’un double plaquage. Pour Yahoo, son père, dont la vie a basculé à tout jamais, s’est livré sur ce drame. (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article)

Ce jour-là, à la cinquième minute de jeu, Nicolas, Espoir du Stade Français, se trouve sur le terrain et attend le ballon. C’est là que le drame survient. Juste avant qu’il ne l’attrape, deux plaqueurs viennent le percuter à toute vitesse, certainement trop haut, selon son père. Le choc l’anéantit et le laisse à terre. "Ce n’est pas une situation de jeu, ça manque de maîtrise comme action, à moins que l’objectif ne fût de démolir l’adversaire", déplore-t-il plusieurs années après les faits.

Pour lui, les deux sportifs à l’origine du plaquage sont clairement en cause dans cet accident. "Ceux qui ont choisi la zone d’impact, la vitesse et la technique avaient le temps. Ils avaient dix mètres pour courir et se préparer à ce qu’ils voulaient faire", rappelle-t-il.

"Il n’y avait plus qu’une enveloppe charnelle, un corps"

Rapidement, le couperet tombe : le jeune homme de 18 ans a été victime d'une fracture de la deuxième vertèbre cervicale, entraînant une tétraplégie immédiate et un arrêt cardiaque sur le terrain. Évacué de toute urgence vers l’hôpital, Nicolas se fait réanimer et lutte pour rester en vie. Sur place, il subit une intervention chirurgicale avant d’être placé dans le coma. Une vision dont son père a encore du mal à se remettre. "Je vois mon fils à 21 heures dans une chambre d’hôpital, intubé avec un respirateur artificiel", se rappelle-t-il tout en expliquant prendre conscience à ce moment-là de la gravité de la situation. "Son cerveau est probablement très endommagé. Vingt minutes de réanimation, c’est extrêmement long et les séquelles risquent d’être importantes", se dit-il, à juste titre.

Les heures tournent et rien ne se passe. Philippe commence à se rendre à l’évidence et imagine le pire. "Vous finissez par vous apercevoir qu’il n’y a plus rien, qu’il n’y a qu’une enveloppe charnelle, un corps", confie-t-il tout en se remémorant la détresse éprouvée par toute sa famille à cet instant. Puis, comme il le redoutait, les médecins viennent le trouver pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. "Nicolas se trouvait dans un état de coma irréversible et végétatif. Ils ont donc proposé d’arrêter les machines, de le sédater pour ne pas qu’il souffre et de le laisser partir." Conscient de la gravité de la situation, il a donc accepté d’abréger ses souffrances et de dire adieu à son fils de 18 ans. Un cas de figure qu’il n’aurait jamais pu imaginer de toute son existence. "Son souffle de vie est parti, sa joie de vivre est partie tout comme son espièglerie est partie. Sa présence a disparu", regrette-t-il.

"L’esprit du sport, c’est de se dépasser, ce n’est pas de blesser l’autre"

Aujourd’hui, depuis cette tragédie, Philippe se bat pour qu’un tel drame ne se reproduise plus. Il souhaite donc que les instances du rugby sanctionnent plus lourdement les comportements violents sur le terrain. Il rappelle notamment l’importance de respecter la règle 9 alinéa 11 qui stipule qu'"on ne doit rien intenter qui soit dangereux ou imprudent pour l’adversaire".

En quête de changements, le père de famille ne comprend toujours pas la raison pour laquelle le rugby serait différent des autres sports. "Au basket, par exemple, vous ne balayez pas un joueur qui est en train de mettre un dunk. Si ça se passe, il y a des cartons, on expulse", rappelle-t-il déplorant certaines situations "invraisemblables" dans le rugby. Comme il le rappelle, les sanctions sont toujours très minimes et non dissuasives. "Six semaines de suspension et si le joueur fait part de ses remords, la peine est divisée par deux. Trois semaines, ça devient un peu plus ridicule. Et si le joueur est récidiviste, c’est une semaine de plus." Une situation qui le met hors de lui.

"Et avec ça, vous voulez dissuader les joueurs d’entrer dans une stratégie de destruction de l'autre pour gagner des matchs ? Je crois que ce n’est pas l'esprit du sport, l’esprit du sport c’est de se dépasser, pas de blesser l’autre", rappelle le père de famille dont l’ouvrage "Rugby, mourir fait partie du jeu" (ed. Rocher) a été publié en avril dernier. À son grand désarroi, rien ne semble évoluer dans la direction qu’il souhaiterait malgré le combat quotidien qu’il mène depuis des années. "Je rencontre avec beaucoup de calme les différents intervenants, les différentes institutions. Ils me racontent des petites histoires et gesticulent dans tous les coins mais n’ont jamais rien fait", conclut-il appelant à un réel changement avant qu’il n’y ait d’autres victimes sur cette funeste liste. "Mon fils est mort et d’autres sont également décédés ces quatre dernières années."

Retrouvez en intégralité l'interview de Philippe Chauvin