Yahoo Actualités Pays-Bas: quel est ce parti de fermiers et d'agriculteurs qui a gagné les dernières élections?
Une revanche du monde rural sur la politique. Mercredi passé, le jeune parti "Mouvement agriculteur-citoyen" (BBB, BoerBurgerBeweging, en version originale), créé en 2019, a fait une entrée fracassante dans le monde parlementaire néerlandais en remportant une quinzaine de sièges au Sénat.
Les décomptes officiels et définitifs se font attendre, dans le cadre des élections provinciales. Toutefois, pour l'heure le BBB a remporté le plus de voix dans la majorité des 12 provinces du pays dont 31,3% dans son cœur, dans la région rurale d'Overijssel, et 14,3% en Hollande-du-Nord, où se trouve Amsterdam.
Ainsi, à la Première Chambre des États généraux de sa dénomination officielle, le BBB devrait obtenir entre 15 et 17 sièges sur les 75 qu'il comporte. ll devient ainsi le parti le plus important dans cette chambre, devant le Parti populaire pour la liberté et la démocratie du Premier ministre Mark Rutte (VVD), qui ne devrait recueillir qu'une dizaine de sièges.
Fermiers et agriculteurs mécontents
Et la victoire est plus que symbolique. Le BBB avait été créé au moment de manifestations de fermiers et agriculteurs contre les plans de la coalition du Premier ministre Mark Rutte pour limiter les émissions d'azote. Celui-ci souhaitait réduire le cheptel du pays et, éventuellement, fermer des fermes, en particulier celles situées trop à proximité de zones Natura 2000, rappelle Franceinfo.
Dans le détail, le gouvernement souhaite abaisser de 50% d'ici 2030 les émissions d'azote, un gaz à effet de serre émis notamment par les engrais et les effluents d'élevage.
En réponse, ces derniers mois, les agriculteurs néerlandais ont bloqué des autoroutes, protesté devant les domiciles de responsables politiques, et manifesté par milliers à bord de leurs tracteurs. Leur colère avait d'ailleurs récolté le soutien de populistes au-delà des frontières, notamment de l'ancien président américain Donald Trump.
Les drapeaux néerlandais à l'envers, devenus symboles de leur fronde, ont fleuri à travers le petit pays de près de 18 millions d'habitants.
Caroline van der Plas contre "le dogme" de La Haye
À la tête de ce parti, Caroline van der Plas, jusqu'alors seule élue du parti, à la chambre basse. Bouche bée, cette femme de 55 ans, journaliste et elle-même agricultrice, s'est très vite félicitée de cette victoire inattendue. "C'est tellement indescriptible", a-t-elle réagi à la télévision publique NOS, dénonçant "une sorte de dogme" dicté "depuis La Haye", et contre lequel elle souhaite se battre.
"Les gens ont fait entendre leur voix, et comment!", s'est-elle exclamée lors de son discours de victoire.
Cette même Caroline van der Plas semble avoir le sens du spectacle et sait comment faire passer ses idées: elle est apparue pour sa première session à la chambre basse au volant d'un tracteur. Réputée pour ses bourdes, elle a pourtant su, avec le temps et l'utilisation d'un populisme exacerbé qui frôle avec le climatoscepticisme, devenir la coqueluche d'une partie de la presse et du monde rural.
Comme l'explique encore Le Monde, Mark Rutte n'est d'ailleurs pas le seul dommage collatéral de cette popularité grandissante du BBB. Le parti populiste Forum pour la démocratie (FvD), grand vainqueur des dernières élections provinciales en 2019, essuie également un revers cuisant, en passant de 12 à 2 sièges.
Casse-tête politique
"La coalition devrait prendre cela très au sérieux", a également prévenu Caroline van der Plas, faisant référence à la coalition de quatre partis du Premier ministre actuel Mark Rutte, lourdement défait lors du scrutin.
Car ce triomphe du BBB place ce dernier dans une position plus qu'inconfortable. La coalition pourrait bien avoir du mal à trouver le soutien nécessaire pour ses plans environnementaux: le BBB pourrait s'allier avec des partis de droite également opposés.
"Les électeurs ont donné au gouvernement un casse-tête politique complexe" à résoudre, rapporte le quotidien De Volkskrant. Le BBB et le bloc de gauche vont exiger des "concessions substantielles" pour coopérer avec Mark Rutte, ajoute-t-il.
La Haye veut débloquer 25 milliards d'euros d'ici 2035 pour aider le secteur agricole à réduire ses émissions. Ce dernier se sent injustement ciblé", et l'a très clairement fait savoir dans les urnes.
