Paris 2024 : un collectif fustige un "nettoyage social" pour "cacher la misère" avant les JO

Le Revers de la médaille, un groupement d'associations, vient de publier un rapport dans lequel il s'alarme des expulsions de personnes précaires à l'approche de l'événement. En un an, 13.000 auraient été contraintes à quitter l'Île-de-France.

Les Jeux olympiques et paralympiques 2024 seront-ils populaires et ouverts à tous, comme l'avait notamment promis la mairie de Paris? Au-delà des polémiques sur le coût des billets pour assister aux épreuves ou pour se loger, se pose la question des personnes en situation de grande précarité vivant dans la capitale.

Le réaménagement de certains quartiers et l'installation de tribunes ou de barrières de sécurité pour héberger les épreuves ont contraint une partie d'entre eux à se déplacer, loin des sites olympiques et des touristes, dans des conditions que le collectif Le Revers de la médaille réprouve.

Dans un rapport publié récemment sur son site Internet, ce groupement de 80 associations tire la sonnette d'alarme face à ce qu'il qualifie de "nettoyage social".

"En un an, il y a eu des pratiques maltraitantes envers des personnes extrêmement fragiles qui sont sur notre territoire", assure Paul Alauzy, porte-parole du collectif, au micro de BFMTV.

L'État, par l'intermédiaire des préfectures, est "en train de mettre la misère sous le tapis", illustre-t-il.

L'intéressé pense notamment à ce squat près du village olympique, où quelque 500 personnes subsistaient, "rasé" au petit matin. Ou encore à "tous les campements en bord de Seine, qui sont les lieux de cérémonie d'ouverture des JO", et qui ont été démantelés, sans nécessairement que des solutions d'hébergement suffisantes en nombre aient été proposées.

Au cours des derniers mois, Abdul a ainsi vu son quotidien chamboulé. Âgé de 15 ans, ce jeune homme venu en France pour étudier a passé des nuits sous différents ponts parisiens. Dernièrement, il a dû se résoudre à quitter Paris pour Créteil.

Matthias, médiateur en santé chez Médecins du monde, reçoit "beaucoup de retours" de personnes expulsées. Si une part d'entre elles sont prises en charge en Île-de-France, "la plupart, récemment", ont été exfiltrées vers d'autres territoires. "Des solutions de trois semaines, un mois maximum", résume-t-il.

D'après Le Revers de la médaille, environ 13.000 personnes ont été expulsées d'Île-de-France entre avril 2023 et mai 2024 pour être réparties dans dix villes, définies comme des "sas régionaux".

Les expulsions des sans-abri installés aux abords des sites olympiques ne sont pas circonscrites à Paris. À Bruges, non loin de Bordeaux, un camp de roms de près de 500 personnes est menacé de démantèlement. Et pour cause, il est situé à moins de deux kilomètres du Matmut Atlantique, un stade qui accueillera sept matchs des tournois de football olympiques masculin et féminin.

Léonard Velicu, président de l'association Eurrom, fait état de "coups de pression". "Les derniers huit mois, ils ont changé trois bidonvilles, c'est plus que d'habitude", rembobine-t-il.

Pour lui, la raison est simple: "C'est pour cacher la misère. C'est pour rendre les personnes qui sont en difficulté invisibles".

Déjà auteur d'une lettre ouverte à destination du Comité d'organisation des JO, des élus, des sponsors et des partenaires au mois d'octobre, Le Revers de la médaille poursuit sa mobilisation dans l'urgence et essaie d'obtenir un rendez-vous avez le ministère de l'Intérieur.

Plaidant pour un "héritage positif dans la lutte contre l'exclusion" sur son site Internet, le collectif demande tout d'abord "la mise en place d'une médiation effective avec les préfectures et les services de police pour prévenir tout risque de nettoyage social".

Le regroupement d'associations revendique également la constitution d'un "Fonds de solidarité olympique". Celui-ci serait destiné aux acteurs associatifs et leur permettrait, pendant les JO et après, de proposer à ceux qui en ont besoin de l'aide alimentaire, un meilleur accès aux soins et à la prévention, un accueil social, etc.

Enfin, "nous pensons que l'héritage des Jeux doit se matérialiser par des solutions d'hébergement et d'accueil, pour la sortie de rue pérenne du plus grand nombre", écrit Le Revers de la médaille. Soit la création de 20.000 places à l'échelle nationale, 7.000 rien qu'en Île-de-France.

Pour donner davantage d'écho à son combat, le collectif organise une soirée de présentation et d'échange autour de son rapport jeudi 6 juin, à Pantin. Rendez-vous est donné à 18 heures à la Cité fertile, au 14 avenue Édouard-Vaillant.

Premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire se dit "totalement en ligne" avec les conclusions du rapport du Revers de la médaille.

"Les JO auraient dû être un levier sur un volet d'héritage social permettant d'organiser beaucoup plus qualitativement la question de l'accueil, notamment de la question des personnes en situation de rue", a-t-il souligné sur BFMTV ce mardi 4 juin.

Le bras droit d'Anne Hidalgo, s'il déplore "un manque de volonté politique de la part du gouvernement", estime cependant lui aussi qu'il "est encore temps" d'agir. Emmanuel Grégoire propose ainsi d'ouvrir aux sans-abri les logements vides de la capitale. Selon l'élu socialiste, "c'est l'image de notre pays" qui est jeu.

Article original publié sur RMC Sport