Dans les paniers anti-inflation des supermarchés, la qualité nutritionnelle des produits pose question

La qualité des produits proposés par les supermachés dans leur panier anti-inflation n’est pas toujours au rendez-vous.

Dans le cadre du trimestre anti-inflation, les supermarchés proposent chacun une sélection d’articles à prix réduits. Mais le choix et la qualité nutritionnelle de certains produits interrogent.

CONSOMMATION - Aux grands maux les grands remèdes. Face à la hausse des prix des produits alimentaires, qui ont augmenté de 14,5 % depuis février 2022, selon les dernières estimations de l’Insee, les enseignes de grande distribution - comme Système U, Intermarché, Casino ou encore Carrefour - ont tour à tour annoncé un panel de produits à prix cassé. Des initiatives que le gouvernement a cherché à inscrie dans un trimestre anti-inflation, qui a commencé ce mercredi 15 mars 2023 et qui s’étirera jusqu’au 15 juin prochain.

Le projet d’un panier uniforme et commun à tous les distributeurs, initialement souhaité par la ministre des PME Olivia Grégoire, a été abandonné, les différentes enseignes y étant opposées. À la place, chacune est libre de composer sa sélection de produits au « prix le plus bas possible » pour les consommateurs, selon le gouvernement. Ils seront reconnaissables grâce à un logo tricolore « trimestre anti-inflation ».

Mais la qualité de certains produits proposés a été critiquée. Chez Système U, première enseigne à lancer son propre panier anti-inflation dès le 1er février, « il y a une disproportion de biscuits et un certain nombre de produits sont ultra-transformés. Il y a aussi beaucoup d’alcool. On ne peut pas dire que ce soit des produits de première nécessité », constate la nutritionniste Sophie Janvier, que nous avons contactée par téléphone.

Le responsable des relations extérieures de l’enseigne, Thierry Desouches, justifie les choix du supermarché : « C’est un trimestre anti-inflation et pas meilleure alimentation. Nous ne sommes pas ignorants de la réalité nutritionnelle. Mais vouloir toucher à toutes les problématiques liées à l’alimentation rend l’exercice complexe. »

Critiques de l’UFC-Que choisir

Système U a aussi été épinglé par L’UFC-Que choisir au sujet de la qualité nutritionnelle de ses articles. Parmi les 138 produits alimentaires qui composent le panier anti-inflation du groupe, 39 % sont notés D ou E sur Nutri-Score (une note, de A à E, qui indique de manière simplifiée la qualité nutritionnelle des produits, selon Santé Publique France). L’association note également un faible nombre de produits frais et une grosse quantité de biscuits, alcools ou sodas.

Et la sélection proposée par Intermarché ? Pas « un modèle d’alimentation équilibrée », tacle l’UFC-Que choisir, qui déplore là aussi de trop nombreux sodas, alcools et bonbons, ainsi que l’absence de fruits et légumes frais. Contactée par Le HuffPost, l’enseigne précise que son panel comprend pourtant « 30 produits frais des rayons traditionnels – viande, poisson, fruit ou légume » sur un total de 500 articles. Elle ajoute que 41 % de produits notés au Nutri-Score ont un score de A ou de B.

La nutritionniste Sophie Janvier regrette qu’il n’y ait pas plus de produits avec un apport nutritionnel correct dans ces sélections : « Les produits notés D ou E sont gras, sucrés et pauvres en fibre. Si on en mange régulièrement et pendant longtemps, on s’expose à des risques sur sa santé à moyen ou long terme, comme des maladies cardiovasculaires, du surpoids, des maladies chroniques… »

La nutritionniste invite même les enseignes à revoir le contenu de leur panier afin d’y ajouter des fruits et légumes. « Ce n’est pas leur job d’être diététicien. Mais ils ne proposent pas assez de diversité sur les produits frais, les volailles ou les poissons. C’est leur métier de proposer de la diversité », estime-t-elle.

« Les produits du quotidien les plus vendus »

Pour Thierry Desouches, les fruits et légumes frais « sont des produits avec des prix extrêmement variables, ce qui rend l’exercice très complexe. On a fait le choix de ne pas en incorporer mais on ne s’interdit pas la possibilité d’y réfléchir. » De son côté, Intermarché dit avoir mis en place un « marché anti-inflation » qui propose chaque week-end des produits frais comme des viandes et des poissons. Mais toujours pas de fruits et légumes.

Les enseignes justifient aussi le contenu de leur sélection en invoquant les besoins et les habitudes de leurs clients. Thierry Desouches détaille : « On a proposé des produits qui composent une grande partie du panier de nos consommateurs. C’est une liste qui doit les aider dans leur difficulté de pouvoir d’achat. »

Si Système U a réduit sa sélection d’alcool, il n’a pas prévu de remplacer les produits à faible qualité nutritionnelle. « Il y a des gens qui mangent des chips et qui boivent du coca. On ne peut pas les empêcher d’en acheter », estime Thierry Desouches.

De son côté, Intermarché indique s’être appuyé « sur les produits du quotidien les plus vendus pour accompagner les consommateurs à chaque instant de leur journée. (...) La large variété de ces produits s’offre au discernement du consommateur, qui peut y faire son choix pour une alimentation équilibrée, selon ses besoins du moment ». L’enseigne justifie la vente de fromages, charcuteries, sodas, alcools et autres gâteaux car ils font partie des « produits les plus plébiscités des Français ».

« La qualité nutritionnelle est une demande des clients »

Mais il y a aussi beaucoup de bons produits dans ce que proposent les supermarchés pour Sophie Janvier : « Il y a les produits de première nécessité. Système U propose aussi du bio ou de la crème de soja pour les personnes véganes, et des produits surgelés qui sont intéressants sur le plan nutritionnel. » Si elle considère que ces aliments sont « une base intéressante », elle n’invite pas « à se nourrir uniquement avec ces paniers ».

Quant à Carrefour, dont le « défi anti-inflation », qui concernait 139 produits depuis janvier, avait été critiqué par l’UFC-Que choisir pour son manque de cohérence nutritionnelle (« sept jus de fruits et sodas, cinq desserts, mais un seul type de pâtes »), le géant de la distribution s’est penché sur la question. Alexandre Bompard, son PDG, a annoncé, dans un entretien au JDD, lancer dès mercredi 15 mars un panier « essentiel et nutrition » de 200 produits proposés au rabais, dont 100 auront un Nutri-Score A et B – sans, toutefois, inclure de fruits et légumes frais. « La qualité nutritionnelle est une demande des clients, mais aussi une volonté de Carrefour », explique l’enseigne.

VIDÉO-Face à la flambée des prix, un "trimestre anti-inflation" et un projet de chèque alimentaire