Otages du Hamas : pourquoi l’organisation terroriste choisit de libérer des prisonniers au compte-gouttes

L’organisation terroriste a récemment relâché deux Américaines et deux Israéliennes. Quelles sont les motivations du Hamas et pourquoi traite-t-il bien ses captifs ? « Le HuffPost » fait le point.

L’otage israélienne libérée Yocheved Lifshitz, 85 ans, tient une conférence de presse à Tel Aviv après sa libération par le groupe militant palestinien Hamas, le 24 octobre 2023.

INTERNATIONAL - Elles sont quatre, sur un total d’environ 220 otages détenus par le Hamas, à avoir retrouvé la liberté. Une mère américaine et sa fille de 17 ans ont été remises aux forces israéliennes à la frontière de la bande de Gaza le 20 octobre. Quatre jours plus tard, deux octogénaires israéliennes ont été libérées par l’organisation terroriste.

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Après son offensive éclair le 7 octobre, le Hamas avait conditionné la libération de ses captifs à l’arrêt des frappes aériennes israéliennes sur Gaza. Alors que Tsahal continue de pilonner l’enclave palestinienne, le groupe terroriste a donc fait une croix sur son ultimatum à Israël. Mais pour quelles raisons ?

Pour Étienne Dignat, chercheur associé au Centre de recherches internationales de Sciences Po, le Hamas « trouve des intérêts à libérer des otages », en premier lieu « pour changer son image ou pour retarder l’offensive israélienne sur son sol ».

Les Occidentaux comme moyen de pression

Le docteur en science politique précise au HuffPost que les raisons qui ont motivé la libération des otages américaines et israéliennes ne sont en revanche pas tout à fait les mêmes. « Dans le cas des femmes américaines, leur libération est cohérente avec les dires du porte-parole de la branche armée du Hamas, Abu Obeida, qui avait déclaré que les Occidentaux étaient ses “invités” à Gaza et qu’il les libérerait à certaines conditions », détaille Étienne Dignat.

Si le terme d’« invités » est bien évidemment « très critiquable », il signifie que les Occidentaux ne sont pas ceux visés dans ce conflit, mais utilisés comme moyen de pression, explicite le chercheur.

Autre élément qui entre en jeu : le Hamas « n’a pas intérêt à se mettre à dos les Occidentaux. Il espère qu’ils feront pression sur Israël pour obtenir de nouvelles libérations qui contraindront Israël dans ses marges de manœuvre militaires », poursuit l’auteur de La Rançon de la terreur, gouverner le marché des otages (Presses universitaires de France). Car si le président américain Joe Biden ou son homologue français Emmanuel Macron, veulent éviter de se froisser avec Israël, leur priorité reste la libération de leurs ressortissants, rappelle le chercheur.

« Le Hamas a aussi en tête que les Occidentaux pourront, à un moment, fournir de l’aide humanitaire à Gaza ». Un argument appuyé par Fabio Merone, chercheur associé au Centre interdisciplinaire de recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient de l’Université Laval, qui souligne auprès du journal québécois La Presse que les Gazaouis font en quelque sorte « pression » sur le Hamas pour libérer des otages. « Ils n’en peuvent plus du siège, du manque d’aliments, des bombardements », et réclament à l’organisation islamiste faire des « concessions ».

« Un otage mort a beaucoup moins de valeur »

Les motivations du Hamas pour rendre leur liberté aux otages occidentaux sont donc nombreuses, mais les ressorts de la libération des deux octogénaires israéliennes, originaires du kibboutz Nir Oz, sont quelque peu différents. Le porte-parole de la branche militaire du Hamas a affirmé qu’elles avaient été libérées « pour des raisons humanitaires pressantes », grâce à une médiation du Qatar et de l’Égypte.

L’une d’elles, Yocheved Lifshitz, 85 ans, a d’ailleurs raconté avoir été « bien traitée » durant sa captivité dans les tunnels de Gaza et avoir reçu tous les soins médicaux nécessaires. Sur la vidéo ci-dessous, on l’aperçoit même serrer la main de son ravisseur.

Le Hamas aurait-il donc fait preuve de charité envers deux femmes âgées et vulnérables ? « Tout est calculé, c’est une question d’image », répond Étienne Dignat. « Quand vous soignez des octogénaires, c’est que vous ne voulez pas les perdre. La réalité c’est que chaque otage a un prix. Un otage mort a beaucoup moins de valeur lors des négociations », développe le chercheur.

L’organisation terroriste choisit également de relâcher ses otages selon moult critères, comme l’âge ou le genre. De manière très schématique, le docteur en science politique résume : « Si vous êtes une femme âgée civile occidentale, vous avez plus de chance d’être libérée qu’un soldat israélien de 30 ans. »

Cette libération au compte-gouttes des otages interroge : le Hamas va-t-il un jour ouvrir les vannes et rendre la liberté à ses plus de 200 captifs ? Pour Étienne Dignat, trois pistes se dessinent : « Certaines libérations se feront par des négociations, d’autres par la force avec des interventions israéliennes. Et malheureusement, il est possible qu’on perde la trace de certaines personnes. » Étienne Dignat cite le triste exemple de Ron Arad, un soldat de Tsahal kidnappé par une organisation chiite libanaise en 1986. Il est porté disparu depuis 1988.

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