Sur les origines de l’homosexualité, le livre de Mathias Chaillot envoie valser la recherche

« 4 %, en théorie » paraît aux éditions Goutte d’or, vendredi 20 octobre, en librairie.
Mockups Design « 4 %, en théorie » paraît aux éditions Goutte d’or, vendredi 20 octobre, en librairie.

LGBT+ - « Pourquoi est-ce que je suis homo ? » Cette question, Mathias Chaillot n’est sans doute pas le seul homme à se l’être posée. Ce vendredi 20 octobre, il tente d’aller plus loin avec la parution de 4 %, en théorie, son premier livre aux éditions de la Goutte d’or , pour percer au grand jour le mystère de son orientation sexuelle. 4 %, ça désigne la proportion d’hommes homosexuels dans le monde, c’est-à-dire d’hommes qui se définissent comme homosexuels tout au long de leur vie, apprend-on dans le livre.

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Enfin, « en théorie » car, comme le suggère le titre de l’enquête, ce chiffre est très certainement sous-estimé : il ne prend pas en compte ceux ayant eu au moins une expérience sexuelle entre hommes, ni même ceux qui y pensent, mais n’osent pas franchir le cap.

Mais au fond, l’homosexualité, c’est quoi ? Et d’où vient-elle ? Dans cet essai intime, Mathias Chaillot dissèque des siècles de recherches sur le sujet. De la psychologie à l’endocrinologie, en passant par la génétique ou la biologie : toute la science s’y est mise, donnant lieu à des théories surprenantes.

Parmi elles, l’idée qu’une faible exposition à la testostérone pendant le « premier bain » - celui dans lequel nous sommes pendant les neuf mois de grossesse - conduirait les homosexuels à adopter des comportements et des traits physiques dits « féminins ». Certains chercheurs ont aussi pensé qu’il existait un « effet grand frère » selon lequel la probabilité d’être homosexuel augmenterait avec le nombre de grands frères. D’autres, un « gène gay », quand les béhavioristes - ces scientifiques pour qui notre attitude dépend d’un stimulus donné - ont un temps estimé que les premières fois jouaient un rôle clé dans l’orientation sexuelle.

Le HuffPost : Beaucoup de pistes ont été envisagées. Beaucoup de corrélations ont été faites. Mais rien n’a jamais été démontré. Pourquoi ?

Mathias Chaillot : Plusieurs raisons à ça. D’abord, il faut savoir que les chercheurs qui ont travaillé sur ces sujets viennent de secteurs scientifiques différents et spécifiques. Ils n’ont pas mutualisé leurs efforts, c’est-à-dire que la recherche psy a réfléchi de son côté et la recherche en biologie du sien, par exemple.

Résultat : certaines des découvertes se contredisent quand d’autres, au mieux, n’apportent qu’une partie de la réponse. Aussi - et c’est très souvent le cas - ces études ne se concentrent que sur un nombre trop faible de sujets pour généraliser les résultats.

Qui sont ces chercheurs qui ont tenté trouver l’origine de l’homosexualité et pourquoi se sont-ils lancés là-dedans ?

Beaucoup d’entre eux sont ou étaient eux-mêmes homosexuels. En faisant la lumière sur ce qui est ou ce qui n’est pas l’homosexualité, on pourrait, selon eux, faire taire l’homophobie. C’est le cas d’un certain Simon LeVay, dont l’amoureux Richard Hersey est mort du Sida après avoir passé cinq à se battre pour faire baisser le prix d’un antirétroviral qui, aux États-Unis à l’époque, coûtait 100 000 dollars par an. Il voulait prouver que l’homosexualité n’était pas un choix.

Enfin, il y a ceux qui, pensant que l’homosexualité était une déviation de la « norme hétérosexuelle », se sont lancés dans ces recherches pour « corriger » l’homosexualité.

On lit dans votre livre que certains chercheurs ont effectivement émis des craintes à l’idée que leurs recherches soient utilisées à mauvais escient…

De fait, ces recherches ont servi à justifier des atrocités et des méthodes barbares violentes visant à faire revenir les homosexuels « sur le droit chemin » de l’hétérosexualité.

C’est le cas, par exemple, de la castration, qui fut pratiquée dans la première partie du XXe siècle parce qu’on pensait que les homosexuels produisaient trop de testostérone. Avant cela, il y a eu la stimulation électrique par implants cérébraux parce qu’on croyait qu’au contraire, on n’en produisait pas assez. Dans les années 1960, un chercheur du nom de McGuire a, lui, imaginé un électrochoc transportable pour se torturer à domicile à chaque pensée homosexuelle.

S’interroger sur les origines de l’homosexualité n’est pas dangereux, mais l’utilisation des réponses peut l’être. Il suffit de voir l’emballement de la presse britannique quand on a cru avoir découvert un gène gay dans les années 1990. « Youpi ! Espoir d’avortement », titrait un quotidien.

Comme se le demande l’astronome et militant Frank Kameny dans la revue The Ladder en 1965, « la recherche sur l’homosexualité est-elle vraiment importante » alors ?

Qu’on le veuille ou non, elle a un impact sur nos vies. En revanche, si on se pose des questions sur l’homosexualité, il faut les poser à tout le monde. Quelles sont les origines de l’hétérosexualité ? C’est le point de départ et pourtant, c’est le point aveugle. Certains scientifiques ont émis l’hypothèse qu’il pourrait exister des combinaisons génétiques pouvant influencer l’hétérosexualité, et non l’homosexualité, mais cette piste n’a pas été suivie.

Si l’on mettait autant d’argent comme on l’a fait pour la recherche sur l’homosexualité, on découvrirait plein de choses. À commencer par réfléchir scientifiquement au poids de la société qui nous pousse dès notre plus jeune âge à l’hétéronormativité.

Et vous, en tant qu’homme gay, est-ce que vous avez trouvé les réponses que vous cherchiez en vous lançant dans cette quête ?

Jusqu’alors, j’avais évacué la question des origines de mon homosexualité car j’avais envie de vivre librement, sans me torturer sur le pourquoi du comment. Ce dont j’avais peur, c’était de trouver des réponses très quantifiables, me disant par A et B pourquoi j’étais gay. Savoir finalement qu’il n’existe pas de réponse unique m’a rassuré. C’est rassurant de savoir qu’on est complexes, riches et divers. Et ce n’est pas parce qu’on est divers qu’on est anormaux.

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